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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
Joachim Gauck, candidat sans étiquette politique et soutenu par 5 des partis politiques représentés au parlement allemand (Union chrétienne-démocrate, CDU, Union sociale-démocrate, CSU, Parti social-démocrate, SPD, Parti libéral-démocrate, FDP et Verts), a été élu le 18 mars dernier président de la République fédérale d'Allemagne dès le 1er tour de scrutin par 991 voix sur les 1 232 exprimés par l'Assemblée fédérale allemande (Bundesversammlung). Cet organe, composé de 1 240 délégués (620 membres du Bundestag, chambre basse du Parlement, et un nombre égal d'élus des 16 Länder, députés des Parlements régionaux ou personnalités de la société civile), est chargé, en Allemagne, de désigner le chef de l'Etat.
Le Parti de gauche (Die Linke) avait choisi de présenter sa propre candidate, Beate Klarsfeld, qui a recueilli 126 voix.
Enfin, le Parti national démocrate d'Allemagne (NPD), extrême droite, avait présenté son candidat en la personne de l'historien révisionniste Olaf Rose, qui a obtenu 3 voix.
L'élection présidentielle du 18 mars était la conséquence de la démission, le 17 février dernier, de Christian Wulff, soupçonné d'avoir profité de sa position de ministre-président du Land de Basse-Saxe (2003-2010) pour obtenir divers avantages financiers puis d'avoir tenté d'étouffer ces affaires.
Dans l'allocution qu'il a prononcé après son élection, le nouveau président Joachim Gauck a rappelé que les premières et dernières élections libres de l'ex-République démocratique allemande (RDA) avaient eu lieu 22 ans plus tôt jour pour jour. "Je n'oublierai jamais ces élections. Jamais !" a-t-il déclaré, ajoutant "Pour la première fois de ma vie à l'âge de 50 ans, je pouvais décider dans un scrutin libre, honnête et secret qui allait gouverner".
Né en 1946 à Rostock dans la partie orientale de l'Allemagne, Joachim Gauck a, comme la chancelière Angela Merkel, grandi sous la dictature communiste. Durant son enfance, son père a été emprisonné durant 5 ans en Sibérie par les services secrets soviétiques pour agitation antisoviétique. Le jeune Joachim n'a pas été autorisé par le régime en place à faire, comme il en avait le désir, des études de lettres, la Commission de pré-sélection aux études ayant émis un "jugement réservé". Plus tard, il doit renoncer au journalisme parce qu'il refuse d'adhérer à la Jeunesse libre allemande (FDJ, Freie Deutsche Jugend). Il choisira d'étudier la théologie et deviendra pasteur.
En 1989, il devient le porte-parole du collectif d'opposants rassemblés en Nouveau Forum pour la démocratie de Rostock avant de présider, après la chute du mur de Berlin en 1989, la commission chargée de la dissolution du ministère de la Sécurité d'Etat (Stasi), service de police politique de l'ex-RDA. En octobre 1990, il prend la tête du centre chargé de conserver et d'exploiter les archives de la Stasi. Symbole du travail de mémoire de l'Allemagne sur l'ancienne dictature communiste, Joachim Gauck dirige l'association Contre l'oubli-Pour la démocratie.
"Je ne suis ni Superman ni un homme infaillible" dit le nouveau président, surnommé le "berger de la liberté", qui se définit comme "conservateur social-démocrate à tendance libérale". Il s'est donné pour ambition "de faire comprendre aux Allemands qu'ils vivent dans un pays qu'ils peuvent aimer". "Je peux vous promettre une chose, c'est que je dis "oui" de toutes mes forces et de tout mon cœur aux responsabilités que vous m'avez confiées" a-t-il souligné.
Qualifié de "président des cœurs" il y a 2 ans lors de sa première candidature à la présidence de la République fédérale, Joachim Gauck est très apprécié de ses compatriotes. "En cette période de crise, les populations attendent un nouveau type de leader, qui ne soit pas clinquant mais qui ait de la rigueur intellectuelle, à l'instar de ce qui se passe en Italie, où Mario Monti a succédé à Silvio Berlusconi" a indiqué Marc Lazar, historien et sociologue.
Le 8 mars dernier, Christian Wulff a fait ses adieux officiels de président de la République lors d'une cérémonie traditionnelle qui a été boycottée par une grande partie de la classe politique et médiatique. Les leaders de l'opposition avaient appelé à la grève des adieux (Zapfenstreik). Les quatre anciens présidents de la République ont lancé le mouvement qui a été suivi par 160 personnes, notamment d'anciens chefs d'état-major et des gradés de la Bundeswehr (armée allemande) qui ont décliné l'invitation de Christian Wulff.
Celui-ci a indiqué qu'il souhaitait profiter de l'ensemble des avantages liés à sa fonction de président fédéral. Ainsi, il a demandé à percevoir le "salaire d'honneur", qui s'élève à 200 000 € annuels (versés à vie), ainsi que la jouissance d'une voiture avec chauffeur et la mise à sa disposition de bureaux et d'une équipe de collaborateurs.
Le Parti social-démocrate a demandé que ces avantages soient désormais suspendus dans les cas où le chef de l'Etat a déshonoré sa fonction. L'ancien chancelier (1974-1982) Helmut Schmidt (SPD) a déclaré que Christian Wulff avait "sévèrement porté atteinte à la fonction présidentielle. Il a même entaché l'ensemble de la classe politique". Interrogés par les enquêtes d'opinion, 44% des Allemands considèrent que le chef de l'Etat sortant a durablement endommagé la fonction qui était la sienne.
Après l'élection de Joachim Gauck à la présidence fédérale, l'Allemagne est désormais dirigée par deux personnalités issues de l'ex-RDA qui sont également deux protestants. "Paradoxalement, la mise à l'écart des élites catholiques rhénanes est une conséquence de la sécularisation de l'Allemagne. Les électeurs apprécient davantage les politiciens protestants parce que leur pensée n'est pas dictée par l'Église" a souligné Gerd Langguth, professeur de science politique de l'université de Bonn.
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