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Forte abstention et percée des communistes aux élections législatives de République Tchèque remportées par les sociaux-démocrates

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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16 juin 2002
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

« Votez ODS ou CSSD, de toute façon, ils s'entendront sur votre dos » proclamaient des affiches anonymes placardées à travers tout le pays. Le slogan semble avoir été entendu par les Tchèques qui, à 42% - soit 16% de plus qu'en 1998 (et 18,6% de plus qu'en 1996)- ont boudé les urnes les 14 et 15 juin refusant de suivre les recommandations de leur Président Vaclav Havel qui les avait appelés, deux jours avant le scrutin, à voter pour « manifester la variété de leurs opinions et obtenir l'ouverture du systèmepolitique ».

Le chiffre considérable de l'abstention constitue l'événement majeur des élections législatives. Les nombreuses affaires de corruption - et surtout « l'accord de stabilité », signé en juillet 1998, entre les deux formations majeures de la scène politique tchèque, le CSSD et l'ODS, qui permettait aux sociaux-démocrates minoritaires de gouverner en échange de l'attribution de postes clés au sein des institutions du pays aux membres de l'ODS - ont largement contribué à brouiller les clivages partisans et apparaissent comme la cause principale du désintérêt des électeurs pour ce scrutin législatif.

Depuis quatre ans, toutes les enquêtes d'opinion montrent le mécontentement des Tchèques à l'égard de leurs formations politiques, une insatisfaction perçue par Vaclav Havel qui, il y a un peu plus d'un an, mettait en garde les leaders politiques en déclarant : « les partis doivent servir le pays et non se servir eux-mêmes ». Les Tchèques de l'étranger n'ont pas semblé plus intéressés par l'issue du scrutin : seuls 3 000 d'entre eux (sur 80 000 officiellement enregistrés) s'étaient fait inscrire pour voter.

Deuxième événement marquant de ce scrutin législatif : la percée du Parti communiste, seule formation à progresser en voix (+ 220 000) et qui, avec 18,51% des suffrages exprimés, passe de vingt-quatre sièges à quarante et un ; un résultat que son leader Miroslav Grebenicek n'osait imaginer, puisqu'il déclarait, la veille, que « 15% serait un bon résultat ». Dernier Parti communiste non réformé d'Europe centrale, le KSCM a fait campagne sur la sauvegarde des acquis sociaux dus à l'ère communiste et sur son opposition à l'entrée du pays dans l'Union européenne. Il devient, dix-huit mois après son bon résultat aux élections régionales et sénatoriales partielles, la troisième formation de la Chambre basse. Favorisés par la forte abstention, les communistes font le plein de leurs voix dans les régions du pays économiquement défavorisées, la Bohème du Nord et la Moravie du Nord.

Face à ce bon résultat du KSCM et à cette forte abstention, la victoire du CSSD, emmené par Vladimir Spilda, pour être nette, n'en est pas moins annonciatrice de lendemains difficiles. N'ayant pas obtenu suffisamment de sièges pour gouverner seul, le Parti social-démocrate devra parvenir à former une coalition capable de diriger le pays. Dès samedi soir, Vladimir Spilda a clairement rejeté toute idée d'alliance avec les communistes tout en admettant la nécessité de « négociations parlementaires » avec eux. Le vice-président du parti et ministre de l'Intérieur, Stanislav Gross, a également souligné que les sociaux-démocrates « ne peuvent pas ignorer les 800 000 voix » obtenues par le Parti communiste ajoutant que conformément aux principes paritaires, ceux-ci devraient obtenir certains postes parlementaires. Vladimir Spilda a également exclu de reconduire le pacte de stabilité avec l'ODS -« un outil que l'on ne peut utiliser qu'une seule fois »- et confirmé sa préférence pour une « coalition gouvernementale raisonnable » avec les centristes de la Coalition. Cependant, le CSSD et la Coalition centriste disposent à eux deux d'une très faible majorité - un siège seulement - à la Chambre basse du Parlement, majorité encore affaiblie par la présence au sein de l'Union pour la liberté (US) de deux députés indépendants, le pasteur évangéliste Svatopluk Karasek et l'actrice Tatiana Fischerova, issus de la dissidence communiste et dont le ralliement à une coalition avec les sociaux-démocrates n'est rien moins qu'assuré. En outre, si le KDU-CSL s'est depuis longtemps déclaré favorable à une alliance avec le CSSD, certains membres de l'US-DEU, issus de l'ODS, sont beaucoup plus critiques envers le programme social démocrate. Des menaces d'éclatement planent donc sur la Coalition. Par conséquent, les négociations risquent d'être longues et difficiles pour le Parti social démocrate qui devra faire face, sur sa droite, à l'opposition de l'ODS et, sur sa gauche, à celle des communistes. Au terme de ses « consultations d'orientation » avec les leaders du CSSD, de l'ODS et de la Coalition, le Président Vaclav Havel n'a pas exclu la formation d'un cabinet minoritaire.

Nettement distancé par le CSSD (de plus de 5% des suffrages), l'ODS rejoindra donc les communistes sur les bancs de l'opposition, constituant ainsi un large groupe (99 députés) eurosceptique. Très déçu par le résultat de son parti, Vaclav Klaus a reconnu sa défaite avant d'estimer que « l'unique vainqueur de ces élections » étaient les communistes et que le scrutin marquait « la défaite de tous les partis politiques ». Faute de ne pas accéder au poste de Premier ministre, le leader de la principale formation d'opposition briguera très probablement, au début de l'année prochaine, la succession de son grand rival Vaclav. L'appui des sociaux démocrates à sa candidature - « l'éventuelle élection de M. Klaus à la tête du pays ne serait pas inadmissible pour le CSSD » a déclaré Vladimir Spilda dans les derniers jours de la campagne des législatives - pourrait faire partie des tractations post-électorales qui auront lieu entre les différentes formations. Le Président de la République tchèque est élu par les deux Chambres du Parlement (Sénat et Chambre des Députés).

Parmi les vingt-quatre autres formations qui participaient à ces élections, seules deux petites formations, l'Union des indépendants et le Parti vert (SZ), ont dépassé 1,5% des suffrages et seront donc remboursés de leurs frais de campagne.

« Notre objectif est un Etat social moderne et l'entrée dans l'Union européenne » a souligné Vladimir Spilda à l'issue du scrutin. Le leader social démocrate a relancé l'idée d'un référendum sur le sujet, le CSSD n'étant pas parvenu à l'imposer sous la précédente législature. La République tchèque est aujourd'hui l'un des pays les plus avancés sur la voie de l'adhésion. A ce jour, vingt-cinq des trente chapitres de négociation sont clos. Le débat est encore en cours sur les questions institutionnelles -Prague n'acceptant pas le faible poids de sa représentation au Parlement européen- et, sur le chapitre des transports où la question du cabotage avec l'Allemagne frontalière pose encore problème. Reste enfin la question de l'agriculture, pierre d'achoppement des négociations entre l'Union et l'ensemble des pays candidats, le chapitre des questions financières et budgétaires, très lié à l'agriculture, et enfin celui de la concurrence. Néanmoins, les négociations encore en cours ne devraient pas retarder l'entrée de la République tchèque dans l'Union prévue en 2004, une adhésion à laquelle la population est très largement favorable.

Résultats des élections législatives des 14 et 15 juin 2002:

Participation : 58%

Source : CSU (Office tchèque des statistiques)

Evolution de l'électorat entre 1998 et 2002:

Source : CSU (Office tchèque des statistiques)

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