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Analyse

Vers une victoire des sociaux-démocrates en Finlande ?

Élections en Europe

Corinne Deloy

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25 mars 2019
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Vers une victoire des sociaux-démocrates en Finlande ?

PDF | 230 koEn français

Le 14 avril prochain, les Finlandais sont appelés aux urnes pour désigner les 200 membres de l'Eduskunta/Riksdag, chambre unique du Parlement. Pour la première fois, les Finlandais résidant à l'étranger, qui jusqu'alors ne pouvaient remplir leur devoir civique qu'en se rendant dans les ambassades ou les consulats de leur pays, pourront voter par correspondance.

2 468 personnes, dont 42% de femmes, sont officiellement candidates à ce scrutin législatif. Environ sept candidats sur dix (69%) se présentent pour la première fois.

Le gouvernement dirigé par Juha Sipilä (Parti du centre, KESK) et formé en mai 2015 rassemble trois partis : le Parti du centre du Premier ministre, le Rassemblement conservateur (KOK) dirigé par le vice-Premier ministre et ministre des Finances Petteri Orpo et Réforme bleue (SIN) de Sampo Terho.

Il peut afficher un bon bilan économique : la Finlande a retrouvé la croissance en 2015 après trois années de récession (la croissance a été de 2,7% en 2017) et le chômage s'élève à 6,7% (chiffre de janvier 2019). Le nombre de chômeurs a baissé de 140 000 personnes au cours de la législature. Le gouvernement a atteint son objectif en ce qui concerne le taux d'emploi, qui s'établit à 72,4% (chiffre de 2019) et même à 81,5% pour les personnes âgées de 20 à 64 ans, soit un record dans l'Union européenne. Le taux d'emploi était de 68% en 2015. Il a également maîtrisé la dette publique (qui représente 59% du PIB) et il a stabilisé les impôts sur le revenu.

Le gouvernement de Juha Sipilä a cependant échoué à faire voter la réforme des services de santé (appelée SOTE), qui prévoyait que les services sociaux et sanitaires assurés par les 313 municipalités du pays soient transférés à 18 régions autonomes (zones sociales et de santé, SOTE). Elle faisait également une place plus importante aux opérateurs privés dans les prestations sociales et sanitaires. Cette réforme constituait la priorité du Premier ministre qui souhaitait, à travers elle, réduire les coûts des dépenses de santé d'une population vieillissante. Un cinquième (21,4%) des Finlandais sont âgés de plus de 65 ans, ils devraient être un quart d'ici 2030. Les dépenses de santé représentaient 6,9% du PNB finlandais en 2000 et 9,6% quinze ans plus tard.

Le fait que plusieurs scandales aient été mis à jour dans des maisons de retraite gérées par des entreprises privées (insuffisance de personnel, inadéquation des traitements administrés aux occupants, voire maltraitance des personnes âgées) n'a pas aidé à l'adoption de la réforme des services de santé.

La protection médicale (55%), l'emploi (45%), les questions environnementales (40%) et l'immigration (35%) constituent les thèmes électoraux les plus importants pour les Finlandais.

Comme dans la grande majorité des pays européens, l'audience des partis de gouvernement est en recul. Selon une étude menée par l'institut Taloustutkimus et publiée par l'hebdomadaire Suomen Kuvalehti, environ un million d'électeurs, soit un tiers d'entre eux, ne voteront pas pour le parti pour lequel ils se sont prononcés lors des dernières élections législatives du 19 avril 2015.

Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Kantar TNS pour le quotidien Helsingin Sanomat et publiée à la mi-mars, le Parti social-démocrate (SDP) arriverait en tête des élections avec 21% des suffrages. Le Rassemblement conservateur recueillerait 18,1% des suffrages ; le Parti du centre obtiendrait 14,3% des voix et serait directement menacé par les écologistes de la Ligue verte (VIHR) qui recueilleraient 14% des suffrages. Les populistes des Vrais Finlandais (PS) obtiendraient 11,10% et l'Alliance des gauches (VAS), 8,9%.

Il reste que les débats organisés par les chaînes de télévision entre les têtes de liste des partis sont encore à venir et qu'ils peuvent agir sur le soutien apporté aux différents partis. Marko Junkkari, rédacteur au quotidien Helsingin Sanomat, rappelle que, lors des élections législatives du 19 avril 2015, le Parti social-démocrate avait vu ses intentions de vote diminuer après les prestations de son dirigeant, Antti Rinne, lors des débats télévisés.

Du côté des partis de droite

Le 8 mars dernier, le Premier ministre sortant Juha Sipilä a annoncé la démission de son gouvernement. Il a affirmé avoir pris sa décision après avoir constaté que la réforme SOTE, l'un des principaux objectifs de son gouvernement, ne pourrait être votée avant la fin de la législature. "C'est une immense déception. En homme de principe, je considère qu'un homme politique doit assumer ses responsabilités. J'ai écouté avec attention ce que me dit ma voix intérieure et j'en ai tiré la conclusion que le gouvernement devait démissionner" a déclaré Juha Sipilä.

"La manœuvre est habile dans la perspective des élections législatives. Dans un sens, le Parti du centre fait un choix intelligent car après le scrutin, il pourra passer de nouvelles alliances pour faire voter certaines parties de sa réforme, notamment avec les sociaux-démocrates" a souligné Jan Sundberg, politologue de l'université d'Helsinki. En effet, si le Parti du centre a perdu tout espoir de conserver le poste de Premier ministre, il espère pouvoir participer au prochain gouvernement en s'alliant avec les sociaux-démocrates.

Le journaliste Marko Junkkari a qualifié la démission du Premier ministre de "bon coup politique" mais il estime que celui-ci comporte des risques. Selon lui, le chef du gouvernement tente en démissionnant de faire porter la responsabilité de l'échec de la réforme SOTE sur le Rassemblement conservateur. "Ce que vise le Parti du centre est de rattraper le Rassemblement conservateur dans les enquêtes d'opinion" a affirmé le journaliste politique Unto Hämäläinen.

Le Parti du centre essaie, bien sûr, de regagner des points avant les élections législatives. Juha Sipilä répète que les Finlandais doivent veiller à ne pas prendre le risque d'un gouvernement bleu-rouge, soit un gouvernement dirigé par le Rassemblement conservateur et le Parti social-démocrate. "Tous les gouvernements formés à partir d'une telle coalition ont été des catastrophes, à l'exception de celui du Premier ministre Paavo Lipponen (SDP) entre 1995 et 1999" a déclaré le chef du gouvernement sortant qui a affirmé qu'il ne serait pas candidat à sa succession à la tête du Parti du centre si celui-ci obtenait le résultat que lui prédisent les enquêtes d'opinion (soit environ 14%).

Le parti centriste se dit prête à investir 600 millions € dans l'assurance sociale et 400 millions € dans la recherche et développement et la formation. Il souhaite faire passer le taux d'emploi à 75%, ce qui implique la création de 100 000 emplois, et augmenter le minimum vieillesse de 100 € par mois, soit le faire passer à 900 €. Le parti veut également abaisser l'âge du droit de vote à 16 ans.

Le Rassemblement conservateur (KOK) promet une baisse des impôts d'environ un milliard € qui profiterait surtout aux salariés et aux retraités. Il aimerait continuer à gouverner avec le Parti du centre : 70% des candidats conservateurs le souhaitent. Le parti du Premier ministre Juha Sipilä privilégie une alliance avec les sociaux-démocrates : 70% des candidats centristes expriment un tel désir même si 54% se déclarent favorables à une coalition avec le Rassemblement conservateur.

Du côté des partis de gauche

Le Parti social-démocrate a vécu une campagne électorale particulière, son dirigeant Antti Rinne ayant contracté une pneumonie lors de ses vacances de fin d'année en Espagne, puis une infection nosocomiale alors qu'il séjournait à l'hôpital. Enfin, lors de son retour en Finlande, les médecins lui ont détecté une embolie coronarienne. Antti Rinne a donc été en arrêt maladie jusqu'à la fin du mois de février et a très récemment fait son retour dans la vie publique.

Le Parti social-démocrate, qui est opposé à la réforme SOTE, veut renforcer l'Etat-providence et réduire les inégalités. Il souhaite investir dans la formation professionnelle, l'éducation et la recherche. Il veut élargir l'assiette fiscale sans augmenter les impôts.

L'Alliance des gauches (VAS), emmenée par Li Andersson, a fait de la lutte contre les inégalités le thème central de sa campagne. Le parti veut adopter un impôt sur la fortune et augmenter la progression des taux d'imposition.

Les autres partis

Comme le Parti social-démocrate, quoique pour des raisons différentes, la Ligue verte (VIHR) a connu, ces derniers temps, des problèmes de leadership. Touko Aalto, désigné à la tête du parti en 2017, a traversé des moments difficiles (dans sa vie privée et dans sa vie publique), il est actuellement en arrêt maladie à la suite d'un burn out. Pekka Haavisto est donc, depuis le mois de novembre, le dirigeant de la Ligue verte par intérim.

Il souhaite voir son parti arriver parmi les trois premiers au niveau national aux élections législatives et en première position à Helsinki. Les écologistes veulent réformer la sécurité sociale et ils sont favorables au revenu universel. Ils proposent d'augmenter l'immigration de travail et de créer 100 000 emplois d'ici à 2023.

Les Vrais Finlandais (PS) devraient perdre la moitié de leurs électeurs lors du scrutin, notamment en raison de la division du parti en juin 2017. 20 députés du parti, dont 3 ministres, ont fait sécession après l'élection de Jussi Halla-aho à la présidence du parti et ils ont fondé une association, Réforme bleue (SIN). Celle-ci est devenue un parti politique le 15 novembre 2017.

Jussi Halla-aho, qui espère retrouver son siège au parlement, a d'ores et déjà annoncé qu'il quitterait la présidence des Vrais Finlandais si ceux-ci n'obtiennent pas plus de 7 sièges aux élections.

Les Vrais Finlandais veulent s'attaquer au déficit budgétaire (1% du PIB) par une politique de stricte austérité et réduire les dépenses publiques. Ils souhaitent investir dans les soins aux personnes âgées. Enfin, très centré sur les questions de sécurité, le parti souhaite augmenter le nombre de policiers et faire cesser "l'immigration humanitaire".

Pour la Réforme bleue (SIN), la récente décision du ministre des Affaires étrangères sortant Timo Soini de renoncer à être candidat aux élections est un coup dur pour le parti auquel les enquêtes d'opinion n'accordent pas plus de 2% des suffrages.

Enfin, le Parti du peuple suédois (SFP) espère obtenir 2 sièges supplémentaires à l'issue du scrutin, l'un dans la circonscription de Vaasa et l'autre dans celle d'Helsinki. Opposé à la réforme SOTE, il souhaite augmenter le quota de réfugiés annuels accueillis par la Finlande à 2 500 personnes.

Le système politique finlandais

L'Eduskunta/Riksdag compte 200 députés élus tous les 4 ans au sein de 13 circonscriptions désignant entre 7 et 36 représentants selon leur population (à l'exception des îles Aland qui n'élisent qu'un seul représentant). Lors de chaque scrutin législatif, le nombre de citoyens de chaque circonscription est divisé par la population totale du pays, le résultat obtenu étant ensuite multiplié par 199 afin d'obtenir le nombre de sièges à pourvoir par circonscription.

Les élections législatives se déroulent au scrutin proportionnel selon la méthode d'Hondt (au scrutin uninominal à un tour dans les îles Aland). Les électeurs votent à la fois pour un parti et pour un candidat. Particularité finlandaise : il n'existe pas de seuil électoral à atteindre pour entrer au parlement. Un tel seuil aurait, en effet, rendu difficile la représentation de la minorité suédophone du pays, voire aurait privé le Parti du peuple suédois de tout député.

Les candidats aux élections législatives sont désignés par des partis politiques ou par des associations d'électeurs. Pour participer au scrutin, un parti doit recueillir au minimum 5 000 signatures de citoyens afin d'être enregistré auprès du ministère de l'Intérieur. Les associations d'électeurs souhaitant concourir doivent compter un minimum de 100 membres. Dans les cas où le nombre de candidats désignés par les sections locales d'un parti politique dépasse le nombre de candidats que celle-ci est autorisée à présenter, la loi électorale lui impose d'organiser des élections primaires.

Entre 1981 et 2011, 3 partis se sont partagés de façon stable les 2/3 des suffrages aux élections législatives. Cette situation a pris fin lors du scrutin du 17 avril 2011 où les Vrais Finlandais ont recueilli un nombre de voix quasiment similaire à celui obtenu par le Parti social-démocrate.

Enfin, l'Eduskunta/Riksdag compte 83 femmes, soit 41,5% du total des députés. En matière de féminisation du Parlement, la Finlande se situe au deuxième rang européen derrière la Suède (47,3%).

8 partis politiques sont entrés à l'Eduskunta/Riksdag à l'issue des élections législatives du 19 avril 2015 :

– le Parti du centre (KESK), successeur du Parti agrarien fondé en 1906 et situé à droite sur l'échiquier politique. Dirigé par le Premier ministre sortant Juha Sipilä, il a participé à près de la moitié des gouvernements finlandais (36 sur 70). Il possède 49 sièges ;

– le Rassemblement conservateur (KOK), parti fondé en 1918, positionné à droite et qui a participé à toutes les coalitions gouvernementales depuis 1990. Emmené par Petteri Orpo, vice-Premier ministre et ministre des Finances, il compte 37 députés ;

– les Vrais Finlandais (PS), parti populiste, nationaliste et eurosceptique, né en 1995 et issu du Parti rural (SMP) créé en 1959. Dirigé par Jussi Halla-aho, il possède 38 sièges ;

– le Parti social-démocrate (SDP), créé en 1899 sous le nom de Parti ouvrier et conduit par Antti Rinne, compte 34 députés ;

– la Ligue verte (VIHR), créée en 1987 et premier parti écologiste européen à obtenir un ministère (en 1995). Dirigée par Pekka Haavisto (leader par intérim depuis novembre 2018), elle possède 15 sièges ;

– l'Alliance des gauches (VAS), parti d'extrême gauche fondé en 1990, issu de la Ligue démocratique du peuple (SKDL), de la Ligue démocratique des femmes (SNDL) et du Parti communiste (SKP). Emmenée par Li Andersson, elle compte 12 députés ;

– le Parti du peuple suédois (SFP), parti libéral créé en 1906, représentant les intérêts de la minorité suédoise et conduit par Anna-Maja Henriksson, possède 9 sièges ;

– le Parti chrétien-démocrate (SKL), fondé en 1958 et dirigé par Sari Essayah, compte 5 députés.

En Finlande, le président de la République est désigné au suffrage universel direct tous les 6 ans. Sauli Niinistö (KOK) a été réélu à ce poste le 28 janvier 2018 pour un deuxième mandat dès le premier tour de scrutin en remportant 62,7% des suffrages.

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