Analyse

Dans le contexte particulier de la guerre en Ukraine, le gouvernement de Krisjanis Karins devrait être reconduit en Lettonie lors des élections législatives du 1er octobre

Élections en Europe

Corinne Deloy

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5 septembre 2022
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Dans le contexte particulier de la guerre en Ukraine, le gouvernement de Krisja...

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Les Lettons sont appelés aux urnes le 1er octobre - soit comme il est d'usage, le premier samedi du mois d'octobre- pour renouveler les 100 membres de la Saeima, chambre unique du Parlement.

19 listes, partis ou coalitions sont en lice pour ce scrutin représentant au total 1 832 candidats. 41 bureaux de vote ont été ouverts à travers le monde pour les Lettons résidant à l'étranger.

La sécurité nationale dans un contexte de guerre en Ukraine, le coût de la vie et, notamment, le prix de l'énergie constituent les thèmes principaux de la campagne électorale.

Les partis du gouvernement sortant sont en tête des sondages

La Lettonie est dirigée par une coalition rassemblant 4 partis : Nouvelle unité (JV) du Premier ministre Krisjanis Karins, Alliance nationale (AN), Développement/Pour ! (AP !) et Conservateurs (K). A noter que Qui possède l'Etat (Kam pieder valsts ? KPV ?), parti populiste fondé en mai 2016 par Maris Mozvillo, a participé au gouvernement jusqu'en 2021.

Ce gouvernement, en place depuis les élections législatives du 6 octobre 2018, est celui qui a connu le plus long mandat de l'histoire du pays. Selon les dernières enquêtes d'opinion, il pourrait rester en place à l'issue du scrutin du 1er octobre. L'enquête d'opinion réalisée par l'institut SKDS pour la télévision lettone crédite Nouvelle unité (JV) de 8,3% des suffrages, Alliance nationale (AN) de 7,5% et Harmonie (S) de 7,3%. L'Union des verts et des paysans (ZZS) prendrait la quatrième place avec 6,4% des voix, suivie par les Progressistes (5,1%). Les indécis demeurent nombreux à un mois du scrutin, ils représentent un quart de l'électorat (25,2%).

Selon Pauls Raudseps, rédacteur en chef de l'hebdomadaire IR, la seule question qui se pose est : qui des Conservateurs ou des Progressistes participera au prochain gouvernement aux côtés de Nouvelle unité, d'Alliance nationale et de Développement/Pour ! ?

Le ministre de la Défense sortant, Artis Pabriks est le candidat du parti AP au poste de Premier ministre ; Janis Bordans, en charge de la Justice, celui des Conservateurs.

Une opposition en perte de vitesse

Harmonie (S), parti social-démocrate, principal parti d'opposition de gauche dirigé par Janis Urbanovics et pendant plusieurs années première force politique du pays, a connu une forte chute dans les enquêtes d'opinion depuis le 24 février dernier, date de l'invasion de l'Ukraine par les forces de l'armée russe. Alors qu'il caracolait en tête des sondages préélectoraux, le parti s'est totalement effondré. Son dirigeant a pourtant sans équivoque pris position en faveur de l'Ukraine. En 2014, Harmonie avait choisi de rester neutre lors de l'invasion de la Crimée par l'armée russe et le parti avait maintenu ses liens avec le dirigeant russe, Vladimir Poutine.

Le 24 février cependant, Janis Urbanovics a estimé que la neutralité était impossible. "Nous nous devions d'être les premiers à dire que la Russie était l'agresseur et la condamner. Beaucoup de nos électeurs et de nos membres pensaient que nous avions intérêt à nous taire mais le pouvoir russe agit véritablement de façon criminelle" a-t-il- déclaré ; précisant. "Nous n'avons pas changé, c'est la Russie qui a changé".

La popularité et les résultats électoraux qui ont longtemps été ceux d'Harmonie s'expliquent par la capacité du parti d'unifier les russophones de Lettonie derrière un programme de gauche qui mettait l'accent sur les droits de la minorité qu'ils représentaient, et notamment sur les questions linguistiques. L'invasion de l'Ukraine par la Russie a tout bouleversé et elle a divisé l'électorat russophone. Ivars Zarins est le candidat d'Harmonie au poste de Premier ministre. Il a démissionné de son poste de député, comme il l'avait promis, après avoir reconnu s'être trompé en assurant que la Russie n'envahirait pas l'Ukraine.

Harmonie pourrait perdre des électeurs en faveur de l'Union russe de Lettonie (LKS), parti de Tatiana Zdanoka et Miroslavs Mitrofanovs non représenté au Parlement depuis 2006, mais aussi en faveur des partis centristes qui pourraient attirer les russophones qui soutiennent l'Ukraine. LKS a refusé de condamner Moscou à la suite de l'agression de l'Ukraine par l'armée russe. Il dit déplorer la situation de guerre et a demandé à Kiev et aux Occidentaux de trouver les moyens de l'arrêter. Il est tout à fait conscient qu'il pourrait perdre une partie de ses électeurs en prenant position en faveur de la Russie.

Miroslavs Mitrofanovs, candidat du parti au poste de Premier ministre, a indiqué que les gens qu'il rencontrait étaient certes critiques des actions de la Russie en Ukraine mais qu'ils l'étaient également de l'attitude de l'Occident à l'égard de Moscou, attitude qui, selon lui, est la cause de la guerre actuelle.

L'Union des Verts et des paysans (ZZS), parti de l'oligarque et maire de Ventspils Aivars Lembergs, a conservé son nom alors que le Parti vert a récemment quitté l'Union pour rejoindre la Liste unie (AS), alliance de partis écologistes conservateurs. Aivars Lemberg a été condamné le 22 février 2021pour corruption, blanchiment d'argent et abus de pouvoir à 5 ans de prison, une amende de 20 000 € et la confiscation de plusieurs de ses biens (d'une valeur de dizaines de millions €). Le maire de Ventspils, qui apparaît dans la liste des personnes concernées par les Panama Papers (nom donné aux documents communiqués par un lanceur d'alerte qui ont révélé en 2016 les noms de plusieurs personnalités à travers le monde qui utilisaient des sociétés extraterritoriales pour blanchir de l'argent ou réaliser des évasions de capitaux), est néanmoins le candidat de son parti au poste de Premier ministre le 1er octobre.

Le système politique letton

Les 100 membres de la Saeima sont, depuis 1998, élus pour 4 ans au scrutin proportionnel selon la méthode de Sainte-Lagüe. Les électeurs se prononcent pour une liste mais peuvent inscrire un + ou un - près du nom des candidats(es) de leur choix pour promouvoir ou pour exclure ces derniers.

Pour les élections législatives, la Lettonie est divisée en 5 districts : Riga (qui est la circonscription dans laquelle votent les Lettons de l'étranger), Vidzeme, Latgale, Zemgale et Kurzeme. Le nombre de sièges à pourvoir dans chaque circonscription (qui va de 13 à 29) est fixé par la Commission centrale électorale quatre mois avant le vote en fonction du nombre d'habitants de chacune de ces dernières. Les candidats doivent obligatoirement être âgés d'au moins 21 ans. Les anciens agents de l'URSS, de la République socialiste soviétique de Lettonie ou des services de sécurité, de renseignement ou de contre-espionnage sont inéligibles aux élections législatives ; les personnes ayant travaillé comme techniciens dans les anciens services de sécurité soviétiques peuvent, depuis 2009, se présenter au scrutin. Les candidatures multiples sont interdites. Un parti politique doit recueillir au moins 5% des suffrages exprimés pour être représenté au parlement.

Les partis qui souhaitent présenter des candidats aux élections législatives doivent impérativement avoir été créés au moins un an avant la date du scrutin et compter un minimum de 500 membres. Pour le scrutin du 1er octobre, chaque parti est autorisé à dépenser jusque 708 053 € pour ses frais de campagne.

A l'issue des élections législatives du 6 octobre 2018, 7 partis politiques sont entrés à la Saiema:

– Harmonie (S), parti social-démocrate, dirigé par Janis Urbanovics, possède 23 sièges ;

– Qui possède l'Etat (Kam pieder valsts? KPV?), parti populiste fondé en mai 2016 par l'ancien acteur Artuss Kaimins et dirigé par Maris Mozvillo, devenu en 2020 Pour une Lettonie humaine (PCL), compte 16 députés ;

– le Nouveau Parti conservateur (JKP), devenu en 2022 Les Conservateurs (K), fondé en mai 2014 et emmené par le ministre de la Justice sortant Janis Bordans, possède 16 sièges ;

– Développement /Pour (AP !), coalition libérale présidée par Ivars Ijabs, compte 13 élus ;

– Alliance nationale (AN), formée à partir de l'Union pour la patrie et la liberté (TB/ LNNK) et de Tous pour la Lettonie (VL). Dirigée par Raivis Dzintars, elle possède 13 sièges ;

– l'Union des Verts et des paysans (ZZS), parti du maire de Ventspils Aivars Lembergs, compte 11 élus ;

– Nouvelle Unité (JV), parti libéral du Premier ministre Krisjanis Karins, possède 8 sièges.

En Lettonie, le président de la République est élu par le parlement tous les 4 ans. Egils Levits a été désigné à ce poste le 29 mai 2019. Il a recueilli 61 suffrages, soit la majorité absolue, lors d'un vote qui, pour la première fois, a eu lieu à bulletins ouverts.

Rappel des résultats des élections législatives du 6 octobre 2018 en Lettonie

Participation : 54.30%

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