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Corinne Deloy
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Corinne Deloy
Nouvelle Unité (JV), parti du Premier ministre sortant Krisjanis Karins, est arrivé en tête des élections législatives du 1er octobre en Lettonie. Il a recueilli 18,97% des suffrages et remporté 26 des 100 sièges de la Saeima, chambre unique du Parlement (+ 18 par rapport au précédent scrutin législatif du 6 octobre 2018). Le contexte de la guerre en Ukraine dans lequel était organisé ce scrutin a certainement joué pour beaucoup dans cette victoire du premier chef de gouvernement letton à rester au pouvoir au terme d'une législature complète de quatre ans. La campagne électorale a en effet été dominée par les questions de sécurité nationale.
L'Union des Verts et paysans ZZS), parti du maire de Ventspils Aivars Lembergs, a pris la deuxième place avec 12,51% et 16 sièges (+ 5). Viennent ensuite Liste unie (AS), alliance des Verts et de partis écologistes conservateurs, qui a recueilli 10,88% et remporté 15 élus ; l'Alliance nationale (AN), dirigée par Raivis Dzintars, qui a obtenu 9,27 % et 13 sièges : Pour la stabilité ! (S !), parti populiste issu d'une scission d'avec Harmonie et dirigé par Aleksejs Rosļikovs, qui a recueilli 6,83 % et remporté 11 sièges.
Lettonie d'abord (LPV), parti de droite d'Ainars Slesers, a obtenu 6,24% et 9 sièges ; Les Progressistes (P), parti social-démocrate, fait son entrée à la Saeima avec 6,16% et 10 élus.
Le contexte de la guerre explique également la déroute du parti des russophones, Harmonie (S), premier parti d'opposition depuis dix ans. Celui-ci ne passe pas le seuil de 5% des suffrages indispensable pour être représenté au Parlement. Son dirigeant, Janis Urbanovics, avait pourtant pris position en faveur de l'Ukraine alors qu'en 2014, Harmonie avait choisi de rester neutre lors de l'invasion de la Crimée par l'armée russe et que le parti avait maintenu ses liens avec le dirigeant russe Vladimir Poutine. "Nous nous devions d'être les premiers à dire que la Russie était l'agresseur et la condamner. Beaucoup de nos électeurs et de nos membres pensaient que nous avions intérêt à nous taire mais le pouvoir russe agit véritablement de façon criminelle. Nous n'avons pas changé, c'est la Russie qui a changé".
"Avec la guerre en Ukraine, la population russophone a été plus ou moins mise en demeure d'affirmer sa loyauté" a indiqué Céline Bayou, rédactrice en chef de la revue en ligne Regard sur l'Est. L'invasion de l'Ukraine par la Russie a divisé les russophones de Lettonie. "Harmonie a dû faire un choix entre agir de manière responsable (à propos de la guerre en Ukraine) ou jouer de manière populiste avec la sécurité nationale et les intérêts de l'État. Certains de nos électeurs sont restés chez eux, d'autres sont allés voter pour de nouveaux partis qui représentent une orientation géopolitique différente" a souligné le député européen Nils Ushakovs, ancien dirigeant d'Harmonie (2005-2019) et ancien maire de Riga (2009-2019) pour expliquer ce résultat.
"L'invasion de l'Ukraine par les Russes a aidé le Premier ministre sortant Krisjanis Karins car, dans ces moments-là, les gens ont tendance à se rassembler autour du drapeau" a affirmé le politologue Marcis Krastins. "Les électeurs russophones ont su dépasser leur identité et ils ont voté en faveur des partis lettons. Cela est très positif" a déclaré le politologue Filips Rajevskis.
L'Union russe de Lettonie (LKS), parti de Tatiana Zdanoka et Miroslavs Mitrofanovs non représentée au parlement depuis 2006, a subi le même sort qu'Harmonie. Le parti a refusé de condamner Moscou à la suite de l'agression de l'Ukraine par l'armée russe. Il dit déplorer la situation de guerre et il a demandé à Kiev et aux Occidentaux de trouver les moyens de faire cesser la guerre.
La participation s'est élevée à 59,26%, soit au-dessus du scrutin du 6 octobre 2018 (+ 4,5 points). Il s'agit de la participation la plus élevée depuis le scrutin législatif du 17 septembre 2011.
Résultats des élections législatives du 1er octobre 2022 en Lettonie
Participation : 59,26%

Source : Commission électorale lettone
Les partis de la coalition gouvernementale sortante (Nouvelle Unité, Alliance nationale, et les Conservateurs (K)) n'atteignent pas ensemble la majorité absolue des sièges à la Seima. Krisjanis Karins devra donc trouver de nouveaux alliés pour s'assurer une majorité stable : "Nouvelle Unité ne formera pas de coalition gouvernementale avec les partis qui se font prescrire leurs orientations politiques en Russie et nous ne collaborerons pas non plus avec l'Union des Verts et des paysans. D'autres options sont ouvertes".
Il a indiqué qu'une collaboration avec l'Union des Verts et des paysans était envisageable à la seule condition que le parti rompe avec l'oligarque et maire de Ventspils Aivars Lembergs. Ce dernier est en liberté sous caution depuis le mois de février dernier après avoir fait appel de sa condamnation du 22 février 2021 pour corruption, blanchiment d'argent et abus de pouvoir à cinq ans de prison, une amende de 20 000 € et la confiscation de plusieurs de ses biens (d'une valeur de dizaines de millions €). Le maire de Ventspils apparaît également sur la liste des personnes concernées par les Panama Papers (nom donné aux documents communiqués par un lanceur d'alerte qui ont révélé en 2016 les noms de plusieurs personnalités à travers le monde qui utilisaient des sociétés extraterritoriales pour blanchir de l'argent ou réaliser des évasions de capitaux).
"La coalition gouvernementale sortante est plurielle. Le Premier ministre a besoin d'élargir ses soutiens pour fonctionner en toute sécurité. Krisjanis Karins pourrait s'appuyer sur les Progressistes" a déclaré le politologue Filips Rajevskis.
Agé de 57 ans et né à Wilmington aux Etats-Unis, Krisjanis Karins est diplômé de linguistique de l'université de Pennsylvanie. En 2002, il est élu député pour le parti Nouvelle Ere (JL). Deux ans plus tard, il devient ministre des Affaires économiques dans le gouvernement dirigé par Aigars Kalvitis (Parti du peuple, TP), poste dont il démissionnera en 2006. Il est ensuite élu au Parlement européen lors des élections du 6 juin 2009, il sera réélu lors du scrutin du 24 mai 2014.
En janvier 2019, il est chargé par le président de la République Raimonds Vejonis de former le gouvernement à l'issue des élections législatives du 6 octobre 2018. La coalition qu'il forme rassemble outre Nouvelle Unité, Alliance nationale, Développement/Pour !, Qui possède l'Etat (Kam pieder valsts? (KPV?) et les Conservateurs. Krisjanis Karins obtient la confiance de la majorité de la Saiema le 23 janvier et devient Premier ministre.
Le 1er octobre, les Lettons ont donc choisi la stabilité en accordant la majorité des suffrages à Nouvelle Unité et en choisissant de conserver Krisjanis Karins au poste de Premier ministre en ces temps incertains et difficiles (l'inflation atteint 22,5% en Lettonie, le deuxième taux le plus élevé de l'Union européenne derrière l'Estonie, 24,2%).
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