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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
L'Union démocratique du centre (UDC) est le grand vainqueur des élections fédérales suisses qui se sont déroulées dimanche 19 octobre. La formation populiste remporte en effet 27,7% des suffrages, progressant de 5,2 points depuis le dernier scrutin du 24 octobre 1999. L'UDC obtient 55 des deux cents sièges du Conseil national, soit onze de plus que dans la précédente Assemblée.
Les forces de gauche sont l'autre gagnant de ces élections : le Parti socialiste suisse (PS) recueille 24,2% des voix (+ 1,7 point par rapport à 1999) et obtient cinquante-quatre sièges ; de leur côté, les Verts atteignent 7,7%, progressant de 2,7 points et remportent treize députés. Le centre et la droite modérée sont éreintés : le Parti radical démocratique (PRD) recueille 16% des suffrages (- 3,9 points par rapport à 1999) et trente-six sièges et le Parti démocrate chrétien (PDC) enregistre un nouveau recul de trois points par rapport à son résultat d'il y a quatre ans, obtenant 12,9% des voix et seulement vingt-huit députés. Enfin, la participation progresse de 2,7 points par rapport aux élections de 1999, confirmant ainsi le coup d'arrêt donné à la montée de l'abstention. Le vote par correspondance qui s'est généralisé depuis quatre ans a fortement contribué à cette amélioration.
L'Union démocratique du centre a gagné son pari et confirmé une progression entamée il y a dix ans. Le dirigeant de l'UDC de Zurich Christoph Blocher a transformé une formation agrairienne, défenseur des petits paysans suisses allemands et qui a longtemps plafonné à 10% de l'électorat, en une force politique majeure : vingt-neuf sièges en 1995, quarante-quatre en 1999 et cinquante-cinq aujourd'hui. « » L'UDC est à présent un parti national, pas seulement un parti de la Suisse allemande » a d'ailleurs affirmé le leader populiste. L'UDC devient le groupe parlementaire le plus important du Conseil national et la première formation politique du pays. Le parti réussit une forte percée en Suisse romande où il n'avait encore jamais atteint plus de 12% des suffrages. En revanche, il piétine dans son fief de Zurich et réalise de faibles scores dans les montagnes et les cantons comme celui d'Appenzell-Rhodes-Extérieures.
Les forces de gauche font mieux que maintenir leurs positions, elles réussissent à progresser. La progression concerne les écologistes qui confortent leur position de première formation non gouvernementale. Cette hausse de l'UDC et de la gauche accentue le fléchissement du centre et de la droite modérée. Le Parti démocrate-chrétien continue de sombrer. La formation centriste n'est pas parvenue à convaincre les électeurs qu'elle pouvait apporter les solutions au malaise économique que traverse la Suisse. En revanche, la chute du Parti radical démocratique est plus inattendue. La formation ne parvient pas, en dépit de ce que prévoyaient les enquêtes d'opinion, à se maintenir et perd près de quatre points par rapport aux précédentes élections du 24 octobre 1999. Les récentes propositions de son ministre Pascal Couchepin d'élever l'âge de la retraite n'ont pas contribué à accroître sa popularité.
Avec la percée de l'Union démocratique du centre, ces élections fédérales prennent l'allure d'un véritable séisme politique. Cependant, il n'est pas sûr qu'elles entraînent finalement de grands bouleversements au sein du paysage politique national. « Nous avons un vote historique et nous voulons en traduire immédiatement les conséquences dans les faits, a déclaré le leader de l'UDC, Christoph Blocher, dès l'annonce des résultats, nous voulons un deuxième siège au Conseil fédéral ». Rappelons que les sept membres du Conseil fédéral (gouvernement) suisse sont répartis selon ce que l'on appelle la « formule magique », c'est-à-dire selon leur représentativité politique, l'équilibre des langues étant également respecté. Ainsi, le gouvernement comprend depuis 1959 deux conseillers fédéraux du Parti démocrate chrétien (PDC), deux conseillers fédéraux du Parti radical démocratique (PRD), deux conseillers fédéraux du Parti socialiste (PS) et un conseiller fédéral issu de l'Union démocratique du centre (UDC). La formation populiste, forte de ses succès électoraux, réclame une modification de la formule magique à son profit, estimant que ses résultats dans les urnes lui donnent droit à avoir dorénavant deux représentants au sein du gouvernement.
L'UDC a posé ses conditions : « Si un deuxième siège pour notre candidat nous est refusé, nous nous retirerons du gouvernement et nous mènerons une politique d'opposition » a averti Ueli Maurer, président de l'UDC. Une exigence perçue comme un chantage par la classe politique. Son président a annoncé sur la télévision alémanique SF DRS que l'UDC souhaitait obtenir un siège supplémentaire aux dépens de la formation politique la plus faible, soit le Parti démocrate-chrétien, et également affirmé que des négociations sur un retrait de son parti du Conseil fédéral étaient en cours avec Samuel Schmid, ministre de la Défense et unique représentant de l'UDC au gouvernement. Néanmoins, les choses sont plus compliquées qu'elles n'y paraissent. Il n'est pas si sûr que le leader populiste souhaite réellement qu'un deuxième siège soit attribuée à sa formation au Conseil fédéral, ce qui l'obligerait à renoncer à sa politique d'opposition systématique au gouvernement. « Pourquoi veux-tu que je rentre au Conseil fédéral puisqu'une réunion gouvernementale sur deux m'est consacrée ? » a t-il déclaré à un député socialiste. Par ailleurs, toute modification de la formule magique menacerait la stabilité politique du pays. Cependant, certains analystes pensent que le moment est venu de donner à Christoph Blocher l'occasion de démontrer sa capacité à remplir une tâche exécutive, espérant par là même que le leader populiste connaîtra le même destin que Jörg Haider en Autriche et que sa popularité ne survivra pas à son passage au gouvernement. Associer le leader populiste aux responsabilités gouvernementales pourrait être un moyen de l'empêcher de donner le ton de la vie politique nationale mais également de se poser en martyr. Le Parti démocrate-chrétien est opposé à l'entrée d'un nouveau représentant de l'UDC au sein du gouvernement contrairement au PRD et au PS. La présidente du Parti socialiste, Christiane Brunner, a ainsi déclaré qu'elle ne verrait pas d'inconvénient à voir l'un des deux ministres démocrates-chrétiens remplacé par un démocrate du centre. Côté radical, le Président Pascal Couchepin (PRD) a également affirmé qu'un deuxième siège UDC au gouvernement lui paraissait « logique ». Enfin, les formations traditionnelles auront peut-être quelques hésitations à faire voler en éclat un système de gouvernement auquel, selon les enquêtes d'opinion, la population est particulièrement attachée. La question sera réglée par le Parlement qui se réunira pour nommer le Conseil fédéral le 10 décembre prochain. Ils devront choisir entre le maintien de la formule magique (au risque qu'un électeur sur quatre se sente exclu du jeu politique) ou l'entrée d'un nouveau membre de l'UDC au sein du gouvernement. Le ministre des Finances, Kaspar Villiger (PRD), a annoncé qu'il ne se représenterait pas.
Les élections au Conseil des Etats n'ont pas apporté beaucoup de changements. Seule véritable surprise, l'élection historique de Simonetta Sommaruga à Berne qui offre un siège supplémentaire au Parti socialiste au détriment de la droite. Dans la plupart des cantons romands, un deuxième tour est nécessaire. Pour l'heure, le Parti démocrate-chrétien obtient douze sièges, le Parti radical démocratique neuf, l'Union démocratique du centre six, et le Parti socialiste cinq.
Les élections fédérales ont montré une progression de la polarisation de l'électorat. Les Suisses, longtemps fiers de leurs institutions et de leur prospérité économique, sont entrés dans une période de doute. Le taux de chômage a augmenté de deux points et demi en un an (passant de 1,5% à 4% de la population), atteignant même 8,4% pour les 18-24 ans. La croissance est depuis dix ans inférieure à la moyenne de l'Union européenne. Enfin, les Suisses sont les seuls à avoir vu en dix ans leur pouvoir d'achat baisser. En dépit de la progression des forces de gauche, le Parlement reste arrimé à droite. Rappelons que l'Union démocratique du centre ne s'oppose aux autres formations de droite que sur certains sujets, notamment ceux concernant l'ouverture du pays. Néanmoins, les thèmes de débat sont limités : la Suisse est désormais membre de l'Organisation des Nations Unies et l'adhésion à l'Union européenne n'est pas d'actualité. Sur la plupart des autres questions (fiscalité, réduction du déficit public, etc.), les partis de la droite modérée sont unis.
L'avenir de la formule magique et donc celui du pays dépendra du vote des parlementaires le 10 décembre. Deux solutions sont envisageables : le choix de privilégier la continuité ou bien celui de traduire ce que les Suisses ont exprimé dans les urnes.
Résultats des élections fédérales suisses du 19 octobre 2003:
Participation : 46%

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