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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
Lors de sa dernière séance le 10 février, en présence du Premier ministre Costas Simitis, des leaders des formations politiques, du Président de la République de Chypre Tassos Papadopoulos et des autorités chypriotes, le Parlement a ratifié, dans le cadre d'une cérémonie solennelle, le traité d'élargissement de l'Union européenne. Le 11 février, ce même Parlement a été dissous en vue des prochaines élections législatives qui se tiendront le 7 mars prochain. Les élections initialement prévues fin avril ou début mai de cette année ont donc été légèrement anticipées à la fois pour prendre en compte l'évolution de la question chypriote mais également pour que le gouvernement, issu des élections, puisse obtenir la confiance des députés avant le futur Conseil européen des 25 et 26 mars et l'allumage officiel de la flamme olympique, fixé au 25 mars, pour les Jeux d'Athènes en août prochain
Le système politique grec
Le Vouli (Parlement) est monocaméral et compte trois cent membres, élus au scrutin proportionnel pour quatre ans dans cinquante-six circonscriptions, dont cinquante et une plurinominales. Une formation politique doit recueillir au moins 3% des suffrages pour être représentée au Parlement. Le système électoral (proportionnelle renforcée) garantit un niveau de représentativité de 70% aux partis politiques en droit d'être représenté au Parlement.
Quatre formations politiques sont présentes dans l'actuel Parlement :
- Le Parti socialiste panhellénique (PASOK), formation fondée en septembre 1974 par Andréas Papandréou. Nationaliste et populiste sous la présidence de son fondateur, le parti est devenu avec Costas Simitis une formation sociale-démocrate européenne ;
- La Nouvelle démocratie (ND), parti fondé par Constantin Caramanlis en octobre 1974 avec des personnalités de l'ancienne Union du Centre et des indépendants ;
- Le Parti communiste (KKE), formation issue du Mouvement socialiste et ouvrier et demeurant encore très attachée à l'idéologie communiste ;
- La Coalition des forces de gauche et du progrès (Synaspismos), parti né en 1989 et rassemblant l'ancienne aile gauche du PASOK, les deux partis communistes grecs, des écologistes et d'autres sympathisants de gauche.
La situation politique actuelle
Le 23 janvier dernier, le vice-ministre de l'Economie, Christos Pachtas, a été contraint à la démission à la suite des accusations de corruption qui pesaient sur lui. De nombreuses protestations s'étaient fait entendre après le vote, en séance nocturne, d'un amendement qui autorisait le complexe touristique Porto Karras à construire cinq mille bungalows dans une région forestière protégée sur la presqu'île de Sithonia en Chalcidique, qui se trouve être la circonscription électorale de Christos Pachtas. Le vice-ministre et neuf députés du PASOK (dont Théodoros Katsanevas, beau frère de George Papandréou), qui avaient voté en sa faveur, ont été radiés des listes de candidature de la formation aux élections législatives, sans toutefois être exclus du parti. L'un des députés, M. Anthopoulos, a reconnu avoir falsifié la signature de trois de ses collègues après avoir reçu l'assurance de l'entrepreneur, concerné par la construction, de leur accord au projet. Ce scandale a affaibli les socialistes du PASOK alors que, selon plusieurs enquêtes d'opinion, ceux-ci venaient de réduire à trois points l'écart les séparant de leurs principaux adversaires de Nouvelle démocratie (ND).
Cette remontée du PASOK dans les sondages était consécutive à la reprise en main de la formation par George Papandréou, ministre des Affaires étrangères. Le 7 janvier dernier, le Premier ministre Costas Simitis, 67 ans, a en effet annoncé son retrait du devant de la scène politique nationale à l'issue des élections législatives du 7 mars prochain. Elu à la tête du PASOK en 1996 à la mort d'Andréas Papandréou, Costas Simitis a permis cette même année à sa formation de revenir au pouvoir et de le conserver lors des élections législatives du 12 avril 2000. A cette époque, il avait affirmé que « deux législatures suffisaient ». Alors qu'il s'apprête à quitter le pouvoir, le Premier ministre peut s'enorgueillir d'avoir tourné la page de la politique nationaliste et populiste de son prédécesseur à la tête du PASOK et d'être parvenu à moderniser l'économie en permettant à son pays d'entrer dans l'Union économique et monétaire (UEM) en 2000. La Grèce est d'ailleurs le pays des Quinze enregistrant le plus fort taux de croissance de son PIB.
Costas Simitis sera remplacé comme chef de file des sociaux-démocrates par George Papandréou, fils d'Andréas, fondateur du PASOK, et petit-fils de George Papandréou, grand dirigeant de gauche de l'après-guerre, tous deux anciens Premier ministre. Né en 1952 aux Etats-Unis de mère américaine, formé dans ce même pays, Yorgakis, comme l'appellent ses sympathisants pour le différencier de son grand-père, est très attaché à l'intégration européenne de son pays et fervent partisan de bonnes relations transatlantiques, deux sujets sur lesquels le PASOK a souvent été divisé. Très populaire ministre des Affaires étrangères depuis quatre ans, George Papandréou est également, aux yeux de nombreux Grecs, le symbole d'un renouveau dans la gestion des affaires publiques. Après la mort de son père, il a soutenu la rénovation du PASOK menée par Costas Simitis. Il a précédemment occupé les postes de secrétaire d'Etat aux Affaires culturelles, puis de ministre de l'Education nationale avant de devenir le chef de la diplomatie. En 2000, il est le premier ministre des Affaires étrangères de son pays à se rendre en visite dans la capitale turque, Ankara, et, durant son mandat, a beaucoup oeuvré en faveur d'un rapprochement entre Grecs et Turcs.
Lors de sa démission, Costas Simitis a mis en avant la nécessité de « donner un nouvel élan et une dynamique rénovatrice » à sa formation. « Je présente aujourd'hui ma démission de président du PASOK. Il faut continuer avec le même esprit de rénovation. L'élection d'un nouveau président va rassembler le parti et renforcer son image en vue des élections » a t-il déclaré. Le 8 février dernier, George Papandréou a été plébiscité à la tête du Parti socialiste, recueillant 99,83% des suffrages au cours d'une élection sans précédent à laquelle ont participé, pour la première fois, plus d'un million de Grecs. Le nouveau chef du parti, qui était le seul candidat à la succession de Costas Simitis, avait souhaité, afin de renforcer sa légitimité, que lors de cette élection s'expriment non seulement la base de la formation (soit 146 000 membres) mais également les « amis du PASOK », c'est-à-dire l'ensemble des sympathisants inscrits sur les listes électorales. Le parti avait, en toute hâte, modifié ses statuts au cours d'un congrès extraordinaire le 6 février afin de rendre cette élection possible. L'héritier du clan Papandréou incarne donc tous les espoirs de la gauche en vue du scrutin législatif du 7 mars. Ce changement à la tête du PASOK a permis à la formation au pouvoir de remonter dans les enquêtes d'opinion et de réduire de moitié son écart avec ses principaux adversaires de Nouvelle démocratie.
Les enjeux des élections
Le 7 mars, ce sont donc les héritiers des deux principales dynasties politiques grecques du XXème siècle qui s'affronteront. George Papandréou sera confronté à Constantin Caramanlis, neveu de Constantin Caramanlis, quatre fois Premier ministre (1953-1963 et 1974-1981). On estime également qu'un candidat sur cinq des prochaines élections législatives est un héritier politique.
Principale formation d'opposition, Nouvelle démocratie a connu un moment fort avec l'annonce de Constantin Mitsotakis le 23 janvier dernier de son retrait de la vie politique. L'ancien Premier ministre (1990-1993) était jusqu'alors président honoraire de la formation qu'il avait présidée de 1984 à 1996. Le 3 février dernier, Constantin Caramanlis, président de la formation, et George Souflias, député, ont présenté le programme économique de Nouvelle démocratie. Celui-ci prévoit, entre autres, une réduction à 25% et 20% du coefficient d'impôt sur les bénéfices des sociétés anonymes, une augmentation de l'allocation aux revenus les plus faibles (EKAS) qui passerait de 200 à 330 euros d'ici à 2008, la privatisation des télécommunications et la vente d'Olympic Airways à une compagnie aérienne privée.
Quelques jours plus tard, George Papandréou a présenté les dix engagements de sa formation en vue du scrutin législatif. Parmi les promesses du PASOK, on trouve un nouveau régime d'emploi à l'intention des jeunes, visant à limiter le chômage à une période maximale de six mois, des allègements fiscaux pour les contribuables et les entreprises, une augmentation des retraites, la création de nouveaux hôpitaux et l'institution d'une démocratie participative par l'organisation de référendums locaux. Il a également annoncé son intention de changer la procédure d'entrée à l'université, ce qui a été largement dénoncé par la coalition des forces de gauche et du progrès, Synaspismos. « Les théoriciens classiques du néolibéralisme ou de l'Organisation mondiale du Commerce n'auraient même pas osé songer à une telle pénétration de la logique des marchés dans l'Education » a déclaré son président, Nicos Constantopoulos, ajoutant que « Chaque jour qui passe, George Papandréou annonce une transformation de la physionomie politique de son parti ».
A trois semaines des élections, Nouvelle démocratie se maintient en tête des enquêtes d'opinion sur les intentions de vote. Dans le dernier sondage réalisé par l'institut VPRC les 9 et 10 février et rendu public le 12 de ce mois, la formation est créditée de 47% des suffrages, contre 41,5% pour le PASOK. Parmi les autres formations, le Parti communiste (KKE) recueille 6,5% des voix, la Coalition des forces de gauche et du progrès Synaspismos, 2,5%, le Mouvement démocratique et social (Dikki), 1% et enfin le Laos (Peuple), mouvement d'extrême droite, 0,5%. Cependant, George Papandréou reste l'homme politique le plus populaire du pays et celui considéré comme le plus apte pour exercer les fonctions de Premier ministre (45% des personnes interrogées sont de cet avis, contre 37% favorables au leader de Nouvelle démocratie).
Le 12 février, comme le prévoit la pratique politique du pays, Costas Scandalidis et Christos Protopapas, respectivement ministres de l'Intérieur et de la Presse, ont démissionné de leurs postes et ont été remplacés par des personnalités indépendantes. La veille, George Papandréou a également quitté ses fonctions de chef de la diplomatie afin de conduire la campagne électorale de son parti. Si les jeux sont loin d'être faits, l'héritier de la dynastie Papandréou n'aura néanmoins pas trop des trois semaines restantes pour permettre à sa formation de conserver son pouvoir et pour devenir le troisième Papandréou de l'histoire à diriger la Grèce.
Rappel des résultats des élections législatives du 9 avril 2000:
Participation : 75%

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