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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Les deux principaux candidats sont arrivés, comme prévu, en tête du premier tour de l'élection présidentielle qui s'est déroulé dimanche 29 septembre en Serbie et se retrouveront face-à-face lors du second tour le 13 octobre prochain.. Le Président de la République fédérale de Yougoslavie, Vojislav Kostunica, a obtenu 30,89% des suffrages exprimés, devançant d'une courte tête Miroljub Labus, vice-Premier ministre du gouvernement fédéral de Serbie, qui recueille 27,36% des voix. En troisième position se trouve Vojislav Seselj, candidat ultranationaliste soutenu par Slobodan Milosevic, qui obtient 23,24%. Aucun autre candidat n'a été en mesure d'atteindre plus de 5% des voix. Les deux cent cinquante observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont déclaré que ce premier tour de l'élection présidentielle s'était déroulé dans le respect des normes.
Premier enseignement de ce scrutin : l'importance de l'abstention (44,5%). C'est peu de dire que l'élection présidentielle n'a guère mobilisé les Serbes. Ce chiffre est particulièrement important au regard de la loi électorale serbe qui prévoit l'invalidation du scrutin en cas d'abstention supérieure ou égale à 50%. La participation sera donc l'un des enjeux majeurs du second tour.
Second enseignement : l'importance du vote nationaliste. Le leader ultranationaliste Vojislav Seselj a créé la surprise en obtenant le score considérable de 23,24% des suffrages alors que les sondages le créditaient de 10 à 15% des intentions de vote. Il a fait le plein de ses voix dans le Sud de la Serbie, où la population albanophone (environ 70% des citoyens des régions de Bujanovac et Presevo) a boycotté le scrutin. Il occupe la deuxième position dans la province de Voïvodine. La population albanophone du Kosovo, comme à son habitude lors d'élections organisées par Belgrade, s'est abstenu de se rendre aux urnes. Deux des principaux partis albanais avaient d'ailleurs ouvertement appelé au boycottage de l'élection. En revanche, 55% des électeurs serbes de la province ont apporté leur vote à Vojislav Seselj. De fait, un quart de la population reste donc attaché aux thèses nationalistes. « Il est inquiétant de voir que dans les milieux où vivent des minorités, l'électorat est aussi radical » a tenu à souligner Goran Svilanovic, ministre des Affaires étrangères de Serbie.
Le leader ultranationaliste doit en partie son succès au soutien que lui a apporté Slobodan Milosevic. L'ancien dictateur avait en effet appelé depuis sa prison du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de La Haye à se prononcer en sa faveur plutôt que de voter pour le candidat officiel de son parti (le Parti socialiste de Serbie, SPS), Velimir Bata Zivojinovic. Les clés du second tour sont désormais entre les mains des électeurs de Vojislav Seselj. Selon une enquête du SMMRI, 80% d'entre eux s'apprêteraient à voter pour Vojislav Kostunica.
Les thèmes nationalistes ont été omniprésents tout au long de la campagne électorale. Vojislav Kostunica a volontiers martelé son opposition au Tribunal pénal international ainsi qu'aux « injonctions » de la communauté internationale, allant jusqu'à affirmer que les Serbes de Bosnie-Herzégovine ne seront que « temporairement » séparés de leurs frères de Serbie. Une déclaration qui a provoqué la colère de Sarajevo et de la communauté internationale. Le Président de la République Fédérale de Yougoslavie, qui se prétend un nationaliste mesuré, a déclaré « Je suis une alternative à Seselj aussi bien qu'à Djindjic et Labus. A mes yeux, ils sont également extrémistes, même si certains sont mieux vus par l'Occident ».
Le 13 octobre, le second tour de l'élection présidentielle verra donc s'affronter Vojislav Kostunica et Miroljub Labus. Les deux hommes, unis dans la lutte contre le régime de Slobodan Milosevic et qui ont participé ensemble à l'exercice du pouvoir, s'opposent dorénavant sur le rythme des changements à mettre en œuvre dans le pays. Le vice-Premier ministre du gouvernement fédéral de Serbie préconise une accélération des réformes entreprises il y a deux ans afin de permettre à la Serbie de rejoindre l'Union européenne à l'horizon 2010. « Plus on traîne, plus le coût sera élevé pour la Serbie. Soit le pays continue avec des réformes politiques et économiques hardies pour en finir avec le passé, soit il lui faut tout repenser » affirme ainsi Miroljub Labus. En revanche, Vojislav Kostunica est partisan d'un ralentissement des réformes qui entraînent, selon lui, une trop grande instabilité sociale dans le pays. « Si je deviens Président, je contraindrai Djindjic à dissoudre le Parlement pour organiser des élections législatives anticipées » a t-il promis (le Président de Serbie ne dispose pas du pouvoir de dissoudre lui-même le Parlement). En cas de victoire, le Président de la République fédérale de Yougoslavie devra lui-même démissionner de ses fonctions.
Une chose paraît sûre : l'élection du nouveau Président mettra fin au règne de Milan Milutinovic, l'un des derniers hommes forts de Slobodan Milosevic encore en poste. Inculpé de crimes de guerre au Kosovo par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de La Haye, celui-ci devrait faire l'objet d'une procédure judiciaire internationale en vue de son transfert au TPI. Quant au deuxième tour de l'élection, il pourrait, grâce à l'apport des voix des partisans de Milosevic, consacrer la victoire de Vojislav Kostunica sur Miroljub Labus. Si toutefois, la majorité des Serbes ne décident pas de bouder les urnes.
Résultats du premier tour de l'élection présidentielle du 29 septembre:
Participation : 55,5%
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