Election présidentielle en Pologne, le point à une semaine du scrutin

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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17 octobre 2005
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

La semaine passée a été marquée par les « révélations » faites par Jacek Kurski, membre de l'état-major électoral de Lech Kaczynski (Droit et justice, PiS), qui a accusé le grand-père de Donald Tusk (Plateforme civique, PO) d'avoir servi dans l'armée allemande. « Des sources sérieuses disent que le grand-père de Donald Tusk s'est enrôlé volontairement dans la Wehrmacht pendant la Deuxième Guerre mondiale » a déclaré Jacek Kurski. Cette accusation de collaboration est particulièrement ignominieuse dans un pays encore très meurtri par la guerre et dont cinq à six millions de citoyens (dont trois millions de Juifs) ont péri durant cette période. « Ces paroles ont dépassé les limites de ce qui est convenable » a répliqué le candidat de la Plateforme civique. « Tous ceux qui lèvent la main contre les morts ne sont pas dignes des honneurs et des pouvoirs » a-t-il ajouté, précisant que ses deux grands-pères avaient été membres de la résistance polonaise contre les nazis et avaient passé une partie de la guerre dans des camps de concentration. Lech Kaczynski a désavoué son collaborateur, soulignant « Je ne suis pas responsable de ce genre de campagne et j'en tirerai les conséquences également en ce qui me concerne, je demanderai pardon ». A la suite de ce scandale, Jacek Kurski, qui a présenté ses excuses à Donald Tusk sans toutefois admettre la nature scandaleuse de ses propos, a été exclu de l'état-major électoral de Lech Kaczynski et sera appelé à répondre de ses propos devant la direction de Droit et justice.

Si les deux candidats appartiennent aux forces de droite, ils représentent cependant deux visions opposées de l'avenir. Donald Tusk est un libéral pro-européen tandis que Lech Kaczynski est un catholique conservateur, eurosceptique et partisan d'un Etat fort et social. « La vision d'une Pologne solidaire est pour la majorité des Polonais plus attirante que celle d'une expérience libérale » a-t-il déclaré. « La Pologne des petites villes et des villages est conservatrice, la Pologne des grandes villes n'a pas peur des changements » analyse la directrice de l'institut des affaires publiques, Lena Kolarska-Bobinska, ajoutant que « ce clivage sera amplifié lors du deuxième tour (...) Lech Kaczynski soulignera ses liens avec la foi catholique, les symboles nationaux, il va s'adresser à la Pologne traditionnelle. Donald Tusk se réfèrera à la Pologne ouverte sur l'avenir, aux jeunes ».

Selon la dernière enquête d'opinion réalisée les 14 et 15 octobre par l'institut OBOP auprès de mille cinq cents personnes et publiée le 16 octobre dernier, Donald Tusk recueillerait 58% des intentions de vote pour le deuxième tour du scrutin qui se déroulera le 23 octobre prochain, contre 42% pour Lech Kaczynski. Il semble bien qu'avec ses déclarations fracassantes, Jacek Kurski ait sérieusement compromis les chances de son leader pour ce deuxième tour. « L'avantage de Donald Tusk sur Lech Kaczynski croît régulièrement. Les Polonais ont confirmé qu'ils ne voulaient pas qu'un seul parti, voire une seule famille, détienne tout le pouvoir en Pologne. Leurs soupçons n'ont pas disparu après la nomination de Kazimierz Marcinkiewicz à la fonction de Premier ministre. Ils ont en outre suivi le réflexe naturel qui nous fait soutenir les vainqueurs et c'est Donald Tusk qui a remporté le premier tour de la présidentielle » analyse Aleksander Smolar, président de la Fondation Batory. Un sondage, réalisé par l'institut PBS, révèle que la moitié des partisans de Marek Borowski (Parti social-démocrate, SDPL) s'apprêtent à voter pour Donald Tusk (48%), contre 29% en faveur de Lech Kaczynski. En revanche, 37% des partisans de Andrzej Lepper (Autodéfense de la République, S) se prononcent pour le candidat du PiS, contre 46% pour celui de la PO.

Marek Borowski a affirmé qu'il ne soutiendrait pas Lech Kaczynski dont le projet menace, selon lui, la démocratie et la liberté de conscience en Pologne. Le leader du Parti social-démocrate s'est déclaré prêt à demander à ses partisans de voter pour Donald Tusk si celui-ci s'engageait à bloquer le projet constitutionnel du PiS et à éclaircir le rôle de sa formation dans la « campagne de diffamation » contre Wlodzimierz Cimoszewicz, candidat soutenu par l'Alliance de la gauche démocratique (SLD) qui s'est retiré de la course présidentielle le 14 septembre dernier pour, selon ses propres termes, « protester contre la campagne de dénigrement » dont lui et sa famille étaient victimes. De son côté, Andrzej Lepper a transmis aux deux candidats du deuxième tour une lettre dans laquelle il leur demande de présenter leur vision de la « Pologne sociale », précisant qu'il appellerait à voter en faveur du candidat « le plus social » ou bien « nul » si aucun des deux ne parvenait à le convaincre.

Interrogé sur sa préférence, l'actuel Président de la République, Aleksander Kwasniewski, a répondu qu'il soutenait le candidat qui ne se prononçait pas en faveur d'une « décommunisation » radicale, un appui implicite à Donald Tusk. « J'écouterai parler Donald Tusk et Lech Kaczynski. De toute façon, je finirai par dire quel candidat m'est le plus proche. Je n'imagine pas, par exemple, qu'un futur Président de la République de Pologne puisse ne pas se préoccuper de notre position au sein de l'Union européenne et de l'OTAN, qu'il n'arrive pas à s'entendre avec nos voisins » a déclaré Aleksander Kwasniewski dans un entretien au quotidien Rzeczpospolita le 10 octobre dernier, précisant toutefois que « la Pologne de Donald Tusk sera certainement différente de la Pologne de Lech Kaczynski. Ce sera malgré tout la Pologne et il n'y a aucune raison de sonner l'alarme ». Quant à l'ancien Président de la République (1990-1995), Lech Walesa, il a confirmé, dans le journal du même jour, son soutien à Donald Tusk. « « La Pologne a besoin d'un certain équilibre garanti par Donald Tusk. Il est évident que le Président Lech Kaczynski et le gouvernement de Jaroslaw Kaczynski n'arriveront pas à réaliser leurs promesses, d'autant moins que leur base ne pense qu'à profiter du pouvoir ». a-t-il affirmé.

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