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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
Le candidat de Droit et justice (PiS), Lech Kaczynski, a largement remporté l'élection présidentielle du 23 octobre en recueillant 54,47% des suffrages. Son rival, Donald Tusk (Plateforme civique, PO) obtient 45,53% des voix. Aucun institut d'opinion n'avait donné Lech Kaczynski vainqueur du scrutin même si les derniers sondages montraient que l'écart entre les deux adversaires se resserrait jour après jour. Le 9 octobre dernier lors du premier tour, le candidat de la Plateforme civique était arrivé en tête avec 36,33% des suffrages, contre 33,10% pour son rival. « Lech Kaczynski a fait une campagne de peur dans les dernières semaines et il a réussi à effrayer les gens. Comme en Allemagne il y a un mois, les gens ont eu peur des réformes » analyse Cornelius Ochmann, politologue de la fondation Bertelsmann. « Lech Kaczynski est en phase avec une tendance des hommes politiques occidentaux au sein de l'Union européenne qui consiste à défendre à des fins électoralistes les intérêts de leur pays aux dépens de ceux de l'Europe » a souligné Eugeniusz Smolar, directeur du Centre des relations internationales de Varsovie.
La participation a été à peu près équivalente à celle enregistrée lors du premier tour du 9 octobre dernier, 50,5%.
« Aujourd'hui, je dois me dire que j'ai échoué J'ai très vraisemblablement perdu cette campagne mais vous, vous avez gagné ! » a déclaré Donald Tusk à l'issue de l'annonce des résultats. De son côté, Lech Kaczynski a appelé la Plateforme civique à boucler rapidement les négociations autour de la formation de la future coalition gouvernementale. « Je veux m'adresser à présent à mes amis de la Plateforme civique pour leur demander de mener rapidement à leur terme nos discussions sur la formation du gouvernement Je lance un appel pour que nous concluions rapidement. J'entrerai à cet égard en contact avec Donald Tusk, qui s'est superbement battu durant cette campagne » a déclaré le nouveau Président de la République.
Si le rôle du Président de la République de Pologne est officiellement honorifique, celui-ci exerce en réalité une influence non négligeable. Elu pour cinq ans, il dispose d'un droit de veto que la Diète, Chambre basse du Parlement, peut rejeter, la majorité des trois cinquièmes des voix et la présence d'au moins la moitié des députés étant cependant requises. Le Président de la République est également le chef des forces armées, ratifie les accords internationaux et peut également décider de la tenue d'un référendum national. La Constitution stipule qu'il ne peut effectuer plus de deux mandats.
Lech Kaczynski a donc réédité la performance réalisée le mois dernier par sa formation qui, à la surprise générale, avait devancé la Plateforme civique lors des élections législatives du 25 septembre. Les « Kaczory » -les canards- comme sont appelés les deux frères Kaczynski, Lech et son frère jumeau Jaroslaw, président de Droit et justice, ont remporté leur double pari de gagner à la fois les élections législatives et le scrutin présidentiel. « Mission accomplie » a déclaré Lech à son frère Jaroslaw à qui il a d'ailleurs dédié sa victoire et qu'il a qualifié de stratège principal de sa campagne.
Agé de cinquante-six ans, Lech Kaczynski a connu sa première heure de gloire à treize ans en jouant, avec son frère, le rôle principal dans un film polonais de 1962 intitulé « Les deux petits voyous qui ont décroché la Lune ». Il choisit de poursuivre des études de droit à l'université de Gdansk, ville où il résidera jusqu'en 2001, date de son élection à la mairie de Varsovie. Elevé dans l'anticommunisme et le patriotisme –ses parents Jadwiga et Rajmund Kaczynski ont participé à l'insurrection de Varsovie, en août 1944- Lech s'engage à la fin des années soixante-dix dans le Comité de défense des ouvriers (KOR) avant de conseiller, en sa qualité de spécialiste du droit du travail, les grévistes des chantiers navals de Gdansk lors du grand mouvement de 1980 qui donnera naissance au premier syndicat libre de l'Europe centrale communiste. Délégué du premier congrès historique de Solidarité en 1980, il devient un proche de Lech Walesa et connaîtra la prison durant plusieurs mois pendant l'état de guerre décrété en décembre 1981 par le général Jaruzelski. Lech Kaczynski participera au printemps 1989 à la table ronde qui réunit le pouvoir et l'opposition et qui scellera la fin du communisme. Il sera élu sénateur sur les listes de Solidarité lors des premières élections démocratiques en juin 1989 avant de se brouiller avec le leader historique de Solidarité devenu Président de la République (1990-1995) en raison de son opposition à la thérapie de choc administrée à l'économie polonaise. Ministre d'Etat à la Sécurité puis Président de la Cour des comptes de 1992 à 1995, il se construit alors une réputation d'homme intègre et incorruptible en luttant contre le crime organisé et en promouvant un système juridique répressif. Il sera ministre de la Justice en 2000 dans le gouvernement dirigé par Jerzy Buzek.
En tant que maire de Varsovie, Lech Kaczynski a interdit, au printemps dernier, la tenue de la « Gay pride » dans sa ville avant d'autoriser, trois jours plus tard, l'organisation par le mouvement des jeunes nationalistes de la Ligue des familles polonaises (LPR) d'une « marche de la normalité ». « Je suis partisan de la tolérance mais opposé à la propagation de l'orientation gay » avait-il alors affirmé. Au nom de la lutte contre la corruption, il a gelé les investissements de la ville dont seule une partie du budget est utilisée. Profondément catholique, pourfendeur des droits des homosexuels et de l'avortement, Lech Kaczynski défend une Pologne solidaire et fidèle à son passé et à ses traditions. Il a promis un renouveau moral, un retour aux valeurs et une rupture avec la Pologne post-communiste et l'instauration d'une IVe République. « Les Polonais ont le droit de se sentir en sécurité » aime t-il répéter. Atlantiste convaincu, Lech Kaczynski est plutôt eurosceptique et très méfiant envers ses deux voisins russe et allemand. « Je tiens à avoir de bonnes relations avec Moscou mais la Russie doit reconnaître que la Pologne ne fait plus partie de sa zone d'influence » a-t-il déclaré durant sa campagne électorale.
L'Eglise catholique, très puissante en Pologne avait officiellement refusé de prendre position pour cette élection présidentielle tout en appelant à voter en faveur du candidat soutenu par le syndicat Solidarité, soit Lech Kaczynski. Durant sa campagne électorale, le candidat de Droit et justice avait envoyé à toutes les paroisses une lettre dans laquelle il s'engageait à restaurer « les valeurs traditionnelles de la Pologne ». Le nouveau Président a rassemblé sur son nom les voix des plus âgés des électeurs et des habitants des plus petites villes. Lech Kaczynski a également bénéficié du report de voix des électeurs d'Andrzej Lepper (Autodéfense de la République, S) au premier tour. «Je ne livrerai pas la Pologne aux libéraux» a déclaré le leader populiste pour justifier son soutien au candidat de Droit et justice. Le 19 octobre dernier lors de la séance inaugurale de la Diète, Droit et justice a reçu le soutien d'Autodéfense de la République pour bloquer l'élection du candidat de la Plateforme civique à la présidence de l'Assemblée. En prônant un Etat providence fort et en s'engageant à améliorer la protection sociale, Lech Kaczynski semble être parvenu à convaincre une partie des électeurs de l'Alliance de la gauche démocratique (SLD) et ce alors que le Président de la République sortant, le social-démocrate Aleksander Kwasniewski, avait publiquement appelé à voter en faveur de Donald Tusk.
Plusieurs questions se font jour après ce scrutin présidentiel. Kazimierz Marcinkiewicz sera-t-il maintenu à son poste de Premier ministre ? Dans quelle mesure les résultats de l'élection présidentielle influenceront-ils la composition de la future coalition gouvernementale ? Les négociations entre la Plateforme civique et Droit et justice devraient reprendre et l'annonce du nouveau gouvernement est attendue pour la fin de cette semaine. Quant à Lech Kaczynski, il succèdera officiellement à Alexander Kwasniewski à la tête de l'Etat au mois de décembre prochain.
Résultats du deuxième tour de l'élection présidentielle du 23 octobre 2005 en Pologne
Participation : 50,5%

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