Election présidentielle en Finlande, 15 et 29 janvier 2006

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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12 décembre 2005
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Le 15 janvier 2006, les Finlandais sont appelés aux urnes pour le premier tour de l'élection présidentielle. Celle-ci a lieu tous les six ans le troisième dimanche de janvier et se déroule, depuis 1994, au suffrage universel direct à deux tours.

Tarja Halonen (Parti social-démocrate, SDP) est la deuxième Présidente à avoir été désignée de la sorte après Martti Ahtisaari (SDP) il y a onze ans. En 1988, le Président Mauno Koivisto (SDP) avait été élu selon un système mêlant suffrage universel et élection par un collège électoral. Avant cette date, le Chef de l'Etat finlandais était désigné par le Parlement (en 1919 et 1946) ou par un collège de grands électeurs. Le 15 janvier prochain, si aucun des huit candidats en lice n'obtient la majorité absolue des suffrages exprimés, un deuxième tour sera organisé le 29 janvier prochain.

La nouvelle Constitution, adoptée en 2000, a limité les pouvoirs du Président de la République de Finlande. Celui-ci reste cependant le commandant en chef des armées et dirige la politique étrangère et de sécurité du pays en collaboration avec le gouvernement et non plus seul comme auparavant. Notons qu'il est d'usage en Finlande que le Président de la République remette, le cas échéant, sa carte de membre d'une formation politique pendant la durée de son mandat.

Les candidats doivent être nés citoyens finlandais et être désignés à la candidature par une formation politique ou un groupe rassemblant un minimum de vingt mille électeurs. Dans le cas où une seule personne est candidate au poste présidentiel, l'élection n'a pas lieu et l'unique candidat est élu d'office à la tête de l'Etat. Le Chef de l'Etat, qui ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs, prend ses fonctions le premier jour du mois suivant son élection.

Huit personnalités sont candidates à la fonction de Président de la République de Finlande :

- Tarja Halonen, Présidente sortante, élue le 6 février 2000 avec 51,61% des suffrages contre Esko Aho (Parti du centre, KESK) et candidate du Parti social-démocrate (SDP) ;

- Sauli Niinistö, candidat du Parti de la coalition nationale (KOK) dont il fût auparavant le président. Ancien ministre des Finances (1996-2003), il est l'un des huit vice-présidents de la Banque européenne d'investissement (BEI) basée à Luxembourg ;

- Matti Vanhanen, Premier ministre en place à la tête d'une coalition gouvernementale rassemblant le Parti du centre, le Parti social-démocrate et le Parti du peuple suédois (SKP). Il a été désigné à l'unanimité comme candidat à l'élection présidentielle par sa formation ;

- Heidi Haulata, candidate des Verts (VIHR) ;

- Bjarne Kallis, candidat du Centre des démocrates-chrétiens (SKL) ;

- Henrik Lax, candidat du Parti du peuple suédois (SKP), représentant de la minorité suédoise vivant en Finlande ;

- Timo Soini, candidat et leader de la formation d'extrême droite, les Vrais Finlandais (VP) ;

- Arto Lahti, candidat indépendant.

Le bilan de Tarja Halonen à la tête de l'etat (2000-2005)

Qualifiée d'intègre, de compétente, de sympathique par la grande majorité de ses compatriotes, Tarja Halonen, première femme élue à la tête de l'Etat en Finlande, est la Présidente la plus populaire de tous les temps depuis l'indépendance du pays en 1917.

71% des personnes interrogées se déclarent « satisfaites » du travail de leur Présidente. Ancienne ministre des Affaires sociales, de la Santé, des Affaires étrangères et de la Justice (Tarja Halonen est la femme qui fût le plus longtemps ministre), la Présidente a su garder son image de femme ordinaire et proche de ses concitoyens. Ainsi, au festival de jazz de Pori en 2003, elle n'hésitera pas à danser sur scène avec James Brown sur sa chanson « Sex machine ». Mère célibataire, Tarja Halonen a élevé seule sa fille âgée de vingt-six ans. Avant son élection à la tête de l'Etat, elle avait tenu à déclarer publiquement qu'elle n'était plus membre de l'Eglise luthérienne et qu'elle vivait en union libre depuis quatorze ans. Depuis, la Présidente a épousé son compagnon, Pentti Arajävi, docteur en droit à l'université de Joensuu. Son humanité et sa faculté de comprendre les problèmes quotidiens auxquels sont confrontés les Finlandais sont très souvent citées comme ses deux plus grandes qualités. La Présidente est également respectée des Finlandais pour ses nombreux engagements en faveur de la défense des plus démunis et d'une plus grande solidarité. Dans les années soixante-dix, Tarja Halonen a par exemple présidé la SETA, organisation militant pour la défense des droits des homosexuels.

Au cours de son mandat, la Présidente de la République de Finlande a su s'imposer sur la scène internationale, notamment en assistant à de nombreux Conseils européens et à l'occasion de ses visites officielles à l'extérieur de la Finlande. Elle a également présidé avec le Président de la Namibie, Sam Nujoma, en septembre 2000 à New York, le Sommet du millénaire consacré à l'avenir et au rôle des Nations Unies au XXIème siècle. De 2002 à 2004, elle a dirigé avec le Président de la Tanzanie, Benjamin William Mkapa, une commission mondiale sur la dimension sociale de la globalisation créée à l'initiative du directeur général de l'Organisation internationale du travail (OIT), Juan Somavia. Enfin, Tarja Halonen est à l'origine de ce qui doit devenir l'assemblée consultative des douze millions de Tsiganes au niveau européen, le Forum des Roms et des gens du voyage lancé en décembre 2004 par le Conseil de l'Europe en vue « d'assurer l'exercice effectif des droits et des libertés fondamentales des Roms et des gens du voyage, de prévenir tout racisme et discrimination à leur encontre et de faire avancer leur intégration dans les pays où ils vivent ». Le Forum tiendra d'ailleurs sa première session les 13, 14 et 15 décembre prochains à Strasbourg et rassemblera des représentants tsiganes de quarante-deux Etats membres du Conseil de l'Europe.

En revanche, comme le veut la Constitution, la Présidente est restée en retrait des affaires intérieures, n'omettant pas cependant de rappeler à chaque fois qu'elle en avait l'occasion l'importance à ses yeux de l'Etat providence, de la défense des plus défavorisés, de la diversité culturelle et de la tolérance. Candidate à la réélection, la Présidente est soutenue par l'Alliance des gauches (VAS), formation pourtant critique envers la politique gouvernementale du Parti social-démocrate. Justifiant son soutien à Tarja Halonen, la présidente du parti, Suvi-Anne Siimes, a déclaré qu'il était bon que la Finlande ait une femme à sa tête et que Tarja Halonen avait su, lors de son premier mandat, élargir l'agenda de la politique étrangère et le concept de la politique de sécurité en mettant l'accent sur les droits de l'Homme, la gestion civile des crises et la justice internationale. Traja Halonen bénéficie également du soutien de l'Organisation centrale des syndicats finlandais (SAK).

les candidats

Les forces libérales ne sont pas parvenues à s'entendre pour présenter un candidat commun dès le premier tour. Le Parti de la coalition nationale a désigné Sauli Niinistö et le Parti du centre le Premier ministre Matti Vanhanen. Par ses fonctions européennes, Sauli Niinistö est depuis quelques années à l'écart de la vie politique nationale. Le candidat conservateur a néanmoins fait la une des journaux à la fin de l'année dernière lorsqu'en vacances en Thaïlande, il a survécu au tsunami qui a ravagé une partie de l'Asie du Sud-Est en s'agrippant à un poteau électrique. Sauli Niinistö avait par la suite critiqué la lenteur des autorités de son pays à réagir aux informations faisant état d'un grand nombre de victimes finlandaises du raz-de-marée. Le candidat du Parti de la coalition nationale, qui se présente comme le « Président des travailleurs », a été jugé par la presse et les analystes politiques comme particulièrement performant lors du débat télévisé qui a eu lieu le 7 décembre dernier et qui réunissait pour la première fois les huit candidats à la magistrature suprême. Le premier débat télévisé de la campagne présidentielle s'était déroulé le 20 novembre sur la chaîne MTV3 et rassemblait les trois principaux candidats, Tarja Halonen, Matti Vanhanen et Sauli Niinistö qui étaient interrogés par Jorma Ollila, PDG de Nokia. Au cours de cette émission, la Présidente a mis en avant la nécessité de la coopération, le Premier ministre a déclaré qu'il souhaitait devenir un Chef de l'Etat spirituel et rénovateur et le candidat du Parti de la coalition nationale qu'il voulait « réveiller les Finlandais ». Selon les enquêtes d'opinion, la télévision est le média qui, en Finlande, « fait » l'élection. Lors du dernier scrutin présidentiel des 16 janvier et 6 février 2000, près de la moitié de la population (46%) déclaraient avoir fait leurs choix après avoir entendu les propos des candidats lors des débats télévisés.

Distancé dans toutes les enquêtes d'opinion par Sauli Niinistö, Matti Vanhanen est dans une position difficile. En outre, en tant que Premier ministre, il est amené à travailler quasi-quotidiennement avec la Présidente de la République à laquelle il doit cependant s'opposer comme candidat. Les deux candidats libéraux se sont déclarés en faveur d'une baisse des impôts tandis que Tarja Halonen a rappelé que les besoins en éducation, santé et services publics devaient absolument se voir alloués des ressources suffisantes, ce qui n'était pas le cas actuellement. La Présidente a promis durant son deuxième mandat de continuer à travailler avec encore plus d'efficacité, de défendre l'Etat providence et de se consacrer à la politique étrangère et de sécurité. Elle s'est d'ailleurs décrite comme « un peu plus expérimentée, professionnelle, rôdée à la tâche et plus routinière dans le bon sens du terme » qu'il y a six ans.

la campagne présidentielle

Comme souvent en Finlande, la question de l'adhésion du pays à l'OTAN a resurgi à l'occasion de cette campagne électorale. L'ensemble des enquêtes d'opinion montre que la majorité de la population reste très attachée à la neutralité du pays (la doctrine officielle de la Finlande est une doctrine de non-alliance militaire en temps de paix et de neutralité en cas de guerre). Selon un sondage réalisé par l'institut Suomen Gallup et publié en novembre dernier par le Helsingin Sanomat, 55% des Finlandais se déclarent opposés à l'adhésion de leur pays à l'OTAN, contre 26% qui y sont favorables. Cependant, dans une enquête d'opinion réalisée en octobre dernier pour la télévision, près de la moitié des personnes interrogées (49%) déclaraient qu'elles pourraient soutenir l'intégration de leur pays à l'OTAN si la Présidente de la République et le Premier ministre le demandaient et justifiaient leur décision avec de solides arguments. Le nombre de Finlandais favorables à une adhésion de leur pays à l'OTAN a augmenté de cinq points en un an et demi. Les femmes, les habitants des zones rurales, les employés, les jeunes de moins de vingt-cinq ans, les étudiants et les chômeurs sont les plus nombreux à s'opposer à l'intégration. Politiquement, les membres du Parti de la coalition nationale sont les seuls à se déclarer majoritairement en faveur d'une adhésion de la Finlande à l'Alliance atlantique (51%), les adhérents de l'Alliance des gauches y étant les plus opposés.

Le fait que des soldats finlandais puissent être envoyés se battre dans n'importe quelle partie de la planète constitue le principal argument des adversaires de l'intégration dans l'OTAN (74%). De nombreux opposants estiment également que la sécurité de la Finlande est suffisamment assurée par l'Union européenne ou que l'adhésion à l'Alliance atlantique aurait pour conséquence d'accroître les dépenses militaires et qu'elle entraînerait une détérioration des relations de la Finlande avec son voisin russe. Les partisans d'une intégration du pays dans l'OTAN mettent en avant le fait qu'il serait préférable de ne pas attendre qu'une crise survienne pour rejoindre l'Alliance atlantique et soulignent le fait que les soldats finlandais participent d'ores et déjà à des missions de maintien de la paix sous le commandement de l'OTAN.

Néanmoins, les Finlandais ne devraient pas être appelés demain à trancher sur cette question de l'adhésion de leur pays à l'OTAN. Pour Tarja Halonen, la politique de sécurité de la Finlande doit continuer à se fonder sur une adhésion populaire : « Dans une démocratie, une politique de sécurité crédible se fonde sur le soutien du peuple. La politique actuelle en bénéficie et cela doit continuer à l'avenir » avait –elle déclaré l'an passé lors de sa présentation des vœux à la population.

Les pouvoirs du Président de la République et de leur éventuelle modification constituent l'un des thèmes principaux de l'actuelle campagne présidentielle, et ce alors que le gouvernement et le Parlement s'étaient engagés à ne pas modifier la Constitution et que les deux principales formations du gouvernement, le Parti social-démocrate et le Parti du centre, avaient décidé de ne pas toucher aux pouvoirs du Chef de l'Etat. Cependant, la Finlande doit recruter et former les soldats qui participeront au groupement tactique de l'Union européenne qui sera en alerte à partir de janvier 2007. Le 1er décembre dernier, le Premier ministre Matti Vanhanen a donc annoncé que le gouvernement allait proposer une modification de la Loi fondamentale, qui consisterait en un ajout d'un article stipulant que la participation de la Finlande à une opération militaire de gestion de crise relève de la responsabilité du Président de la République. Toute modification de la Loi fondamentale nécessite en Finlande le vote du Parlement à la majorité simple puis un vote de confirmation à la majorité des deux tiers des membres. La question ne sera cependant pas examinée avant les prochaines élections législatives du printemps 2007. Si le pays devait participer à une opération au tout début de l'année 2007, soit avant le vote sur la modification de la Constitution, le gouvernement devrait recourir à une « loi d'urgence » pour décider de l'envoie de troupes finlandaises, une loi qui devrait alors être adoptée par la majorité des cinq sixièmes des membres du Parlement.

Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Suomen Gallup et publiée le 3 décembre dernier par le quotidien Helsingin Sanomat, l'audience de Tarja Halonen, créditée de 52% des intentions de vote, est en recul (moins cinq points par rapport à octobre). Sauli Niinistö, dont l'électorat est majoritairement situé dans le Sud du pays, recueille 24% des suffrages (plus quatre points) et le Premier ministre Matti Vanhanen obtient 18% (plus trois points), principalement dans le Nord et l'Est de la Finlande. La candidate verte, Heidi Haulata, est créditée de 3% des intentions de vote, Bjarne Kallis, Henrik Lax et Timo Soini recueillant chacun 1%. Les deux tiers des Finlandais (65%) se disent certains d'aller voter le 15 janvier prochain lors du premier tour de l'élection présidentielle.

La Présidente sortante est notamment soutenue par les femmes (62%, contre 72% toutefois en octobre dernier), les jeunes de moins de vingt-cinq ans (64%) et les plus de soixante-quatre ans (51%). Son électorat dépasse largement l'ensemble des sympathisants sociaux-démocrates. Selon toutes les enquêtes d'opinion, lors d'un éventuel deuxième tour, Tarja Halonen serait victorieuse dans tous les cas de figure avec environ 70% des suffrages, face à Sauli Niinistö comme face à Matti Vanhanen. En revanche, un duel, actuellement improbable, entre les deux candidats libéraux serait beaucoup plus serré et verrait, selon les sondages, la victoire de l'actuel Premier ministre avec 51% des voix, contre 49% à son adversaire du Parti de la coalition nationale.

Résultats du premier tour de l'élection présidentielle du 16 janvier 2000 en Finlande

Participation : 73,62%

source : helsingin sanomat

Résultats du deuxième tour de l'élection présidentielle du 6 février 2000 en finlande

Participation : 76,83%

source : helsingin sanomat

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