Elections législatives en Hongrie, 9 et 23 avril 2006

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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9 mars 2006
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Le 9 avril, les Hongrois se rendront aux urnes pour le premier tour des élections législatives dans lesquelles s'affronteront les deux principales formations : le Parti socialiste (MSZP) de l'actuel Premier ministre Ferenc Gyurcsany, au pouvoir en coalition avec l'Alliance des démocrates libres (SZDSZ) depuis le 21 avril 2002, et l'Alliance des jeunes démocrates-Union civique (FIDESZ-MPP de l'ancien Premier ministre Viktor Orban (1998-2002).

Le système politique

L'Orszaggyules (Parlement), monocaméral, comprend cent quatre vingt-six membres élus pour quatre ans.

Le système électoral est l'un des plus complexes au monde. Sur les 386 députés, 176 sont élus au scrutin majoritaire à deux tours au sein de circonscriptions individuelles, 152 sont désignés au scrutin proportionnel au sein de dix-neuf départements et enfin 58 députés sont élus sur des listes nationales à partir des restes cumulés des votes s'étant déroulés au sein des circonscriptions individuelles et des départements, soit l'ensemble des suffrages n'ayant pas permis d'élire un candidat. Chaque citoyen effectue un double vote : il se prononce en faveur d'un des candidats de sa circonscription et il vote pour la liste départementale d'une formation politique. Ce système complexe a pour but de garantir une représentation importante de la première formation de l'opposition. Pour être représenté au Parlement, un parti doit obtenir au minimum 5% des suffrages exprimés.

Chaque formation politique souhaitant présenter une liste aux élections législatives doit impérativement obtenir la recommandation de sept cent cinquante élus. Au sein des circonscriptions individuelles, les candidats peuvent être présentés soit par des formations politiques, soit par des citoyens. Dans les départements ne peuvent présenter des listes que les partis ayant des candidats dans au moins un quart des circonscriptions individuelles du département. Enfin, seules les formations ayant une liste dans au moins sept départements sont autorisées à présenter une liste nationale.

Trois formations politiques sont actuellement représentées au parlement :

- L'Alliance des jeunes démocrates-Union civique (FIDESZ-MPP), principal parti de l'opposition libérale créé en 1988 et dirigé par l'ancien Premier ministre (1998-2002), Viktor Orban ;

- Le Parti socialiste (MSZP), formation social-démocrate du Premier ministre Ferenc Gyurcsany, issue du Parti communiste au pouvoir jusqu'à la chute du communisme en 1989 ;

- L'Alliance des démocrates libres (SZDSZ), parti libéral appartenant à la coalition gouvernementale depuis les élections législatives des 7 et 21 avril 2002 et traditionnellement considéré comme l'allié « naturel » du Parti socialiste.

Ferenc Gyurcsany (MSZP) a succédé à Péter Medgyessy au poste de Premier ministre en septembre 2004. Ce dernier, ministre des Finances de 1996 à 1998 sous le gouvernement de coalition socialiste-libérale de Gyula Horn et n'appartenant à aucune formation politique, a démissionné de ses fonctions le 25 août 2004 après la crise qui l'a opposé aux formations de sa coalition gouvernementale à la suite de la défaite du Parti socialiste aux élections européennes du 13 juin 2004. Après le scrutin européen, Ferenc Gyurcsany, à l'époque ministre de la Jeunesse et des Sports, a présenté sa démission à Péter Medgyessy qui lui a alors demandé de patienter jusqu'au prochain remaniement ministériel par lequel il souhaitait remplacer le ministre du Travail et de l'Emploi, Sandor Burany (MSZP), et le ministre de l'Economie, Istvan Csillag (SZDSZ). Mais ce dernier, soutenu par sa formation, a refusé de quitter le gouvernement. Péter Medgyessy a alors pris la décision de le révoquer. L'Alliance des démocrates libres a immédiatement annoncé qu'elle retirait sa confiance au Premier ministre. Le 25 août 2004, Péter Medgyessy démissionnait de ses fonctions et était remplacé par Ferenc Gyurcsany.

Ancien consultant financier puis fondateur de la société Altus, le Premier ministre, âgé de quarante-quatre ans, fait partie des cent hommes les plus riches de Hongrie. Adhérent du Parti socialiste depuis l'année 2000, il a été nommé trois ans plus tard ministre de la Jeunesse et des Sports dans le gouvernement de Péter Medgyessy. En février dernier, 46% des personnes, interrogées par l'institut Szonda Ipsos Median, déclaraient avoir une image positive de Ferenc Gyurcsany, contre 41% qui étaient d'un avis contraire.

Le bilan de quatre ans de pouvoir du parti socialiste

Dans son discours sur l'état de la nation prononcé devant le Parlement et retransmis à la télévision, Ferenc Gyurcsany a dressé fin janvier le bilan de son gouvernement. Le Premier ministre s'est félicité de la hausse des investissements et des salaires (le salaire moyen est en Hongrie d'environ six cent cinquante euro), ainsi que de la baisse des impôts et de l'inflation (3,6% en 2005). « La hausse des salaires, à un niveau jusqu'ici inconnu en Hongrie, a bénéficié à la majorité de la société » a-t-il affirmé, soulignant que, dans le même temps, les pensions de retraite s'étaient élevées de 25%

L'augmentation de 50% des salaires des personnels de la santé et de l'éducation a été l'une des premières mesures du Parti socialiste à son arrivée au pouvoir le 21 avril 2002. Les gouvernements sociaux-démocrates ont également baissé les impôts (la loi de finances 2006 adoptée en décembre dernier a entériné une nouvelle réduction des impôts de quatre milliards d'euro sur cinq ans), l'impôt sur le revenu est ainsi passé de 40% en 2002 à 36% et a été supprimé sur le salaire minimum. « Nous sommes entrés dans l'ère de la stabilité du forint, nous avons ramené le taux de TVA de 25% à 20% et baissé les impôts indirects » a déclaré Ferenc Gyurcsany. S'exprimant également sur « les choses dont il n'est pas fier », le Premier ministre a évoqué le déficit public (6,1% du PIB en 2005), le taux de chômage (7,3% de la population active en 2005) et la réforme inachevée de l'administration publique (la Hongrie emploie huit cent trente mille fonctionnaires, soit seulement cent soixante dix mille de moins qu'en 1989).

Dans son discours, Ferenc Gyurcsany a également mis en avant les grands travaux développés par son gouvernement. « Nous construisons cinq autoroutes en même temps pour relier la campagne à la capitale Budapest » a-t-il déclaré, soulignant que le développement de ces infrastructures « n'était pas une dépense inutile mais un investissement pour l'avenir ». La Hongrie était, avant 1989, quasiment dépourvue d'autoroutes alors que le pays est, par sa situation géographique, un axe important par lequel transitent vers l'Allemagne et l'Autriche de nombreuses marchandises en provenance de Grèce et de Turquie. Le Premier ministre a accéléré le programme de construction d'autoroutes ; la liaison avec la Croatie et la construction de l'autoroute, permettant le contournement de Budapest, devraient être achevées prochainement.

Les analystes politiques et économiques se disent inquiets des promesses électorales émanant tant de la coalition au pouvoir que des forces de l'opposition dans la perspective des élections législatives des 9 et 23 avril prochains. En dépit de la croissance du PIB (4% en 2005), ils considèrent que de trop nombreux cadeaux électoraux ont été faits ces dernières années, par les forces de droite (prêts immobiliers à taux bas financés par l'Etat pour l'Alliance des jeunes démocrates en 2002) comme par celles de gauche (augmentation des salaires et des pensions de retraite, aides aux entreprises d'Etat durant ces quatre dernières années). Ces cadeaux, s'ajoutant aux lourdes dépenses structurelles, ont mis en danger les comptes. La dette publique atteint 60% du PIB et son déficit budgétaire est en constante augmentation. « Depuis 2002, le gouvernement n'arrête pas de prendre des mesures populistes » estime Laszlo Csaba, professeur à l'université d'Europe centrale de Budapest, pour qui le coût de ces mesures représenterait près de 3% du PIB.

L'assainissement des comptes publics devra donc être l'une des priorités du prochain gouvernement. La Hongrie doit en effet absolument parvenir à un déficit budgétaire inférieur à 3% en 2008 si elle souhaite pouvoir adopter l'Euro deux ans plus tard. La Commission européenne a récemment rappelé aux autorités les efforts qu'elles avaient à faire pour tenir leurs engagements et leur a demandé de présenter en septembre prochain un plan de réduction de son déficit budgétaire. Les deux principales formations se sont engagées en faveur d'une politique de soutien à l'activité et de lutte contre le chômage, une politique qui ne laisse pas présager d'une réduction des dépenses de l'Etat. L'Alliance des jeunes démocrates a déjà déclaré que 2016 lui semblait une date plus appropriée pour que la Hongrie rejoigne l'Union économique et monétaire et adopte la monnaie unique.

La campagne électorale

Le 19 février dernier, Ferenc Gyurcsany a été désigné par cinq cent dix-sept des cinq cent dix-neuf délégués du congrès national du Parti socialiste comme candidat au poste de Premier ministre en vue des élections législatives des 9 et 23 avril prochains. Le Premier ministre était le seul candidat en lice. « Je suis préparé. Je suis prêt » a t-il affirmé à l'annonce de son élection. Lors de ce congrès national, le Parti socialiste a présenté son programme électoral dont le titre est « Nouvelle Hongrie ». Celui-ci est centré sur le développement de l'économie, les sociaux-démocrates prévoyant d'affecter une grande part des fonds européens à la création d'emplois dans les petites et moyennes entreprises. « Le deuxième plan de développement national définit trois priorités : la modernisation de l'industrie, des services et du tourisme » a déclaré le ministre des Finances, Janos Veres (MSZP). Le Premier ministre a mis en avant sa volonté de réformer le système éducatif et notamment la nécessité de développer l'enseignement des mathématiques, de la physique, de la chimie et de l'informatique. Ferenc Gyurcsany souhaite voir multiplier par deux les effectifs des étudiants scientifiques, dans l'ingénierie comme dans les sciences de la vie ou dans les matières plus technologiques. « La priorité économique de la Hongrie est de développer une industrie moderne et compétitive, dans les secteurs allant des biotechnologies à la pharmacie en passant par les technologies de l'information et de la communication. Ce sont des secteurs dans lesquels notre pays peut devenir leader » a t-il déclaré.

Comme en 2002, le Parti socialiste et l'Alliance des démocrates libres se présenteront unis aux élections. Dans trois circonscriptions (Szombathely, Szeged et Kecskemet), les deux formations présenteront un candidat unique. Selon le leader de l'Alliance des démocrates libres, Gabor Kuncze, les deux partis ne devraient pas s'affronter dans plus de cinq circonscriptions.

De son côté, l'Alliance des jeunes démocrates-Union civique s'est engagée, en cas de victoire, à mettre fin à la « politique populiste » du gouvernement actuel, à redonner confiance aux entreprises et à créer des emplois. La principale formation de l'opposition propose de baisser de 29% à 19% les cotisations de sécurité sociale sur les salaires, de réduire encore les impôts sur le revenu et de verser l'équivalent de quatorze mois de pension aux retraités. Elle prévoit de consacrer 1,5 milliard de forints (près de six millions d'euro) à son plan de développement de l'économie. Enfin, l'Alliance des jeunes démocrates-Union civique a proposé de réduire le nombre de ministres à six ou sept, contre seize actuellement.

Les programmes des deux principales formations étant proches, les analystes politiques sont toutefois nombreux à estimer que les personnalités de leurs leaders joueront un rôle essentiel durant la campagne électorale.

Un incident a récemment émaillé la campagne lorsque le Parti socialiste a constaté, le 3 février dernier, une intrusion dans son serveur Internet. Environ trois mille fichiers de la campagne électorale ont été téléchargés illégalement et publiés quelques jours plus tard dans le quotidien Magyar Nemzet, proche de l'opposition. L'intrus a été identifié par le biais de son adresse IP et l'enquête a montré qu'il s'agissait de l'Alliance pour les jeunes démocrates-Union civique. Avoir piraté le serveur du Parti socialiste était « une grave erreur » a finalement admis la principale formation d'opposition le 16 février dernier. « Même si l'un de nos employés enthousiastes a commis un grave erreur, ce n'est pas la fin du monde » a cependant déclaré Antal Rogan, chef de la campagne électorale de l'Alliance des jeunes démocrates-Union civique.

Selon toutes les enquêtes d'opinion, les deux principales formations politiques sont au coude à coude pour les élections législatives des 9 et 23 avril prochains. L'Alliance des jeunes démocrates-Union civique a longtemps devancé le Parti socialiste, mais alors que cette avance, était de quinze points en décembre dernier, l'écart entre les deux partis n'est plus que de trois points. Selon une enquête d'opinion, conduite par l'institut Szonda Ipsos et Median à la mi-février, 47% des électeurs se déclarent prêts à voter pour l'Alliance des jeunes démocrates, contre 44% pour le Parti socialiste. Le Forum démocrate (MDF) et l'Alliance des démocrates libres sont crédités chacun de 3% des intentions de vote, soit un résultat inférieur aux 5% des suffrages indispensables pour être représenté au Parlement.

Rappel des résultats électoraux des 7 et 21 avril 2002

Participation : 70,43% au premier tour et 73,47% au deuxième tour

Source : agence france presse

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