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La coalition des forces de gauche au pouvoir sort renforcée des élections législatives chypriotes

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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22 mai 2006
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

La coalition au pouvoir est sortie victorieuse des élections législatives qui se sont déroulées le 21 mai ; les premières depuis l'échec du référendum du 24 avril 2004 sur le plan de paix proposé par les Nations Unies en vue de la réunification de l'île après trente ans de divisions et de négociations inabouties entre les deux communautés grecque et turque. Première formation du pays, le Parti progressiste des travailleurs (AKEL) a recueilli 31,16% des suffrages (- 3,6 points par rapport au précédent scrutin du 27 mai 2001) et remporté dix-huit sièges (-2). Il devance la principale formation d'opposition libérale, le Rassemblement démocratique (DISY), qui obtient 30,33% des voix (- 3,7 points) et également dix-huit sièges (-1). Mais le véritable vainqueur de ces élections législatives est le Parti démocratique (DIKO), formation du Président de la République et Chef du gouvernement (à Chypre, le Président de la République possède également le titre et les fonctions de Chef du gouvernement), Tassos Papadopoulos, qui est le seul parti à progresser par rapport aux précédentes élections législatives; il recueille 17,91% des suffrages (+ 3,1 points) et remporte onze sièges (+ 1).

Les Démocrates unis (EDI), parti favorable à la réunification de l'île et qui avait défendu le « oui » au référendum sur le plan de paix des Nations Unies le 24 avril 2004 et sur les listes duquel se présentait la poétesse chypriote-turque Neshe Yashin, enregistre un recul qui lui fait perdre son unique siège au Parlement. « Nous reconnaissons que la société chypriote n'accepte pas notre message mais en même temps, nous sommes en paix avec notre conscience pour avoir mené un combat honorable et patriotique » a déclaré le président des Démocrates unis, Michalis Papapetrou, qui a annoncé sa prochaine démission.

Au total, les cinq formations composant la coalition gouvernementale - le Parti progressiste des travailleurs, le Parti démocratique, le Mouvement des sociaux démocrates-Union du centre (EDEK), le Mouvement écologiste et environnementaliste-Parti vert (KEP) et le Parti européen (EK) - ont recueilli 65,66% des suffrages et trente-huit des cinquante-six sièges de la Chambre des représentants, Chambre unique du Parlement.

La participation s'est élevée à 89,02%, (445 915 votants) en légère baisse de 1,5 point dans une île où le vote est obligatoire mais où aucun abstentionniste n'a été sanctionné depuis quinze ans pour ne pas avoir rempli son devoir civique.

« Ces élections doivent montrer que le peuple chypriote-grec est ferme dans son opposition au plan de paix des Nations Unies » affirmait il y a quelques semaines le Président de la République et Chef du gouvernement. « La communauté internationale espère trouver dans les élections législatives du 21 mai prochain la marque d'un soutien croissant au plan de Kofi Annan, mais nous devons les décevoir » ajoutait Tassos Papadopoulos qui semble avoir réussi son pari puisque les forces politiques opposées au plan de paix des Nations Unies sortent victorieuses du scrutin et que la progression du Parti démocratique, qui fût le fer de lance de la campagne du « non » au référendum du 24 avril 2004, constitue bien une approbation de sa politique d'opposition au plan de paix de l'ONU et « devrait conforter la position du Président de la République » selon Tim Potier, professeur de droit international à l'Intercollege de Nicosie. Les électeurs chypriotes n'ont pas fait mentir les enquêtes d'opinion qui montrent toutes que la moitié d'entre eux souhaitent vivre séparés des Chypriotes turcs, alors que les deux tiers d'entre eux se déclaraient favorables à la réunification de l'île il y a tout juste deux ans. La moitié des Chypriotes grecs (50%) se disent opposés à la reprise du dialogue entre les deux communautés de l'île sur la base du plan de paix proposé par les Nations Unies.

« C'est un référendum bis. Tassos Papadopoulos peut l'interpréter comme une relégitimation de sa politique et poursuivre sur sa ligne dure » affirme James Ker-Lindsay, professeur à la Kingston University de Londres. « C'est une justification de la politique de Tassos Papadopoulos, qui vise à dépasser le plan des Nations Unies et à obtenir un maximum de concessions de la Turquie sur la voie de son adhésion à l'Union européenne » souligne Hubert Faustmann, professeur de relations internationales à l'Intercollege de Nicosie.

Interrogé sur d'éventuels changements de sa politique à l'issue de ces élections législatives, Tassos Papadopoulos a répondu qu'il ne voyait « aucune raison pour le gouvernement de changer sa position sur la question de la réunification ». « La politique de la partie chypriote-grecque est claire et correcte. Je ne vois pas de raison pour la changer » a t-il affirmé. « Dès demain matin nous devrons faire face ensemble à ce qui constitue peut-être notre plus important défi et à lutter pour notre objectif, celui d'une solution pleinement fonctionnelle et viable» a déclaré le Président de la République à l'issue de l'annonce des résultats. « Le gouvernement, renforcé par ces résultats, continuera à travailler afin de mettre en oeuvre la totalité de son programme » a t-il ajouté.

Deux jours avant les élections législatives, le Commissaire européen chargé de l'Elargissement, Olli Rehn, avait appelé la communauté internationale à relancer le processus de réunification de l'île. « Nous devons commencer à travailler plus activement -et cela concerne plus spécialement les Nations unies- pour reprendre les négociations sur un accord global. Les prochaines semaines et mois seront très importants. Nous avons une certaine fenêtre d'opportunités ce printemps et cet été et nous devons utiliser cette opportunité » a souligné Olli Rehn. « Nous nous sommes mis d'accord sur le fait que l'été prochain, juste avant l'évaluation de la Turquie par la Commission européenne en octobre et avant les élections législatives turques prévues à l'automne 2007, était une bonne période pour prendre des initiatives » avait affirmé le président de la Chambre des représentants et secrétaire général du Parti progressiste des travailleurs, Demetris Christofias, après un entretien à Bruxelles avec la vice-présidente de la Commission européenne, Margot Wallström, et Olli Rehn, Commissaire chargé de l'Elargissement.

Les négociations sur l'avenir du pays sont donc au point mort et ces élections ne peuvent être que très décevantes pour les partisans de la réunification des deux parties de l'île. A la fin du mois de févier dernier, Tassos Papadopoulos avait rencontré le secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, Kofi Annan, mais les deux hommes étaient restés prudents à l'issue de leur entrevue, déclarant que toute relance des négociations pour réunifier Chypre devait être fondée « sur une minutieuse préparation». Tout au long de la campagne électorale, le Président de la République qui, lors de son élection à la tête de l'Etat le 16 février 2003, s'était fixé comme objectif la réunification de son pays par une solution « juste, viable et fonctionnelle », a cependant répété qu'il était prêt à entamer, après le scrutin, de nouvelles négociations de paix. Après les mots, la communauté internationale attend désormais des actions de sa part ainsi que de celle de Mehmet Ali Talat, Président de la République turque de Chypre du Nord (Etat reconnu au niveau international par la seule Turquie).

Le nouveau Parlement chypriote se réunira le 1er juin prochain.

Résultats des élections législatives du 21 mai 2006 à Chypre

Participation : 89,02% (le vote est obligatoire à Chypre)

source : commission électorale chypriote

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