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Résultats

Le parti démocrate civique arrive en tête des élections législatives mais n'est pas encore en mesure de former une majorité.

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

-

5 juin 2006
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

La principale formation d'opposition, le Parti démocrate-civique (ODS), est arrivée en tête des élections législatives tchèques qui se sont déroulées les 2 et 3 juin. Le parti recueille 35,37% des suffrages (un bond de 10,87 points par rapport au précédent scrutin des 14 et 15 juin 2002) et il devance le Parti social-démocrate (CSSD), qui obtient 32,32% des voix, enregistrant une progression de deux points. Le Parti communiste de Bohème et Moravie (KSCM) arrive en troisième position avec 12,81% des suffrages, en recul de 5,69 points. L'Union chrétienne-démocrate-Parti du peuple (KDU-CSL) recueille 7,22% des voix (il y a quatre ans, la formation se présentait en coalition avec l'Union de la liberté-Union démocrate, US-DEU) ; les Verts (SZ) avec 6,29% (+ 3,89 points) font une entrée historique à la Chambre des députés, devenant la première formation écologiste d'Europe centrale à obtenir une représentation parlementaire.

Le Parti démocrate-civique disposera de 81 sièges (+ 23), le Parti social-démocrate de 74 (+ 4), le Parti communiste de Bohème et Moravie de 26 (- 15), l'Union chrétienne-démocrate-Parti du peuple de 13 et les Verts de 6 (+ 6).

Enfin, la République tchèque semble avoir mis un terme à la baisse, constante depuis 1989, de la participation aux élections législatives, puisque 64,47% des électeurs se sont rendus aux urnes les 2 et 3 juin, un taux supérieur de 6,47 points à celui enregistré lors du scrutin de 2002. Dès le premier jour de vote, environ 40% des électeurs inscrits avaient rempli leur devoir, et jusqu'à 60% en Moravie du Sud. Dans certains bureaux de vote, les électeurs avaient davantage voté en cette première demi-journée qu'en deux jours lors des précédentes élections législatives.

Cette participation a profité aux deux principales formations de la scène politique, le Parti social-démocrate et le Parti démocrate-civique. Les citoyens résidant à l'étranger ont également été nombreux à remplir leur devoir civique, plus de 90% de ceux vivant aux Etats-Unis, 82% de ceux résidant au Canada et 66% de ceux en Australie.

Les premiers résultats donnaient une victoire sans équivoque au Parti démocrate-civique. Au fil du dépouillement, l'écart entre la principale formation d'opposition et le Parti social-démocrate au pouvoir s'est rétréci jusqu'à ne plus représenter que 3,5 points et 11 sièges. Si le Parti démocrate-civique est la première formation du pays, aucune majorité en siège ne se dessine après ces élections. Droite et gauche seraient à égalité parfaite si l'on regroupe d'un côté, le Parti démocrate-civique, l'Union chrétienne-démocrate-Parti du peuple et les Verts –un regroupement loin d'avoir été confirmé par les leaders de ces formations en particulier par les Verts- et, de l'autre, le Parti social-démocrate et le Parti communiste de Bohème et Moravie, une alliance tout aussi incertaine. La position des Verts reste en effet inconnue. Les écologistes étaient divisés à la veille des élections législatives sur les éventuelles alliances post-électorales qu'ils pourraient faire et plusieurs militants, se revendiquant de gauche et favorables à une alliance avec le Parti social-démocrate, avaient fait entendre leur voix.

Le leader du Parti démocrate-civique, Mirek Topolanek, a toutefois rappelé que son parti avait « obtenu son meilleur score depuis 1992 ». Le résultat de la formation libérale est l'un des plus élevés atteints par un parti lors d'élections législatives en République tchèque. « Nous sommes prêts à former une coalition non-socialiste : avant les élections, nous avions affirmé notre volonté de négocier avec les Verts et les Chrétiens démocrates » a t-il souligné. « Je pensais pas que la social-démocratie ferait un si bon score et qu'elle serait en dessous des 30%. Je suis surprise que la corruption et les relations qu'entretiennent certains membres sociaux-démocrates du gouvernement avec la mafia ne dérangent pas une partie plus importante de la population » a souligné la vice-présidente de la formation d'opposition, Miroslava Nemcova.

Selon les enquêtes sortie des urnes, les primo-votants se sont majoritairement prononcés en faveur du Parti démocrate-civique.

« Il y a une semaine, une forte participation aurait joué en faveur du Parti social-démocrate. Mais le scandale du bio-carburant pourrait avoir marqué les esprits des indécis et inversé la tendance » écrit le politologue Tomas Lebeda le 3 juin dans le quotidien Lidove Noviny. L'analyste politique fait allusion aux déclarations, le 29 mai dernier, du colonel Jan Kubice, chef de l'unité policière de lutte contre le crime organisé, qui a affirmé devant la Commission de la défense de la Chambre des députés, que des pressions avaient été exercées sur l'unité de lutte contre le crime organisé par des hommes politiques. Le policier a directement mis en cause le Premier ministre Jiri Paroubek, et le ministre de l'Intérieur, Frantisek Bublan, qu'il accuse d'avoir voulu s'ingérer dans des enquêtes policières sur des affaires de meurtres et de corruption impliquant des membres de leur formation et cité une affaire de pots-de-vin versés dans le cadre de l'attribution de licences pour la production de bio-carburant. « Je crois que le crime organisé a pénétré l'organisation de l'Etat » a-t-il déclaré, évoquant notamment l'enquête sur l'assassinat de l'homme d'affaires, Frantisek Mrazek.

Jiri Paroubek a qualifié Jan Kubice de « menteur faisant du gangstérisme politique » et affirmé que ses accusations avaient « influencé de manière fondamentale la décision des électeurs ». Accusant les médias d'être «à la solde du Parti démocrate-civique », le Premier ministre a déclaré : «Nous avons été exposés à une pression inouïe, comparable à celle du régime totalitaire d'avant 1989. Je suis obligé de dire que la démocratie dans ce pays a subi un coup comparable au putsch communiste de 1948. La seule différence, c'est que c'est maintenant le totalitarisme bleu (la couleur du Parti démocrate-civique) qui menace ». Parlant d'un pouvoir « empêtré dans la corruption », Mirek Topolanek a affirmé que cette affaire représentait « la plus grave menace à la stabilité et à la sécurité de l'Etat depuis 1989 » et accusé le Parti social-démocrate de « participer au crime organisé y compris par des meurtres commandités ».

Le Premier ministre sortant a refusé de reconnaître la victoire du Parti démocrate-civique. « Vous vous attendez sûrement à ce que je reconnaisse la défaite électorale et à ce que je serre la main de mon rival. Je ne ferai pas ce geste » a-t-il affirmé accusant en outre l'opposition de « manipulation sans précédent ». « Il faut se rendre compte qu'il y a un an, la social-démocratie était crédité de quelques 10% des intentions de vote et de ce point de vue, le résultat qui se situe à plus de 30% est un succès, après huit années au pouvoir. Mes estimations se situaient autour de 30%. C'est une appréciation du travail de la social-démocratie de la part des électeurs et je voudrais les remercier de leur confiance » a déclaré Jiri Paroubek à l'annonce des résultats. « Les électeurs doivent choisir s'ils veulent que la République tchèque devienne le plus grand laboratoire d'Europe centrale où seront menées des expériences économiques qui ont échoué ailleurs dans le monde ou s'ils veulent un programme qui les conduisent au niveau de l'Europe occidentale dans les dix ans à venir » avait-il répété durant sa campagne électorale.

«Tout résultat au-dessus de 30% est pour la social-démocratie un résultat rêvé, comparé à la période des élections pour le Parlement européen où le parti n'avait recueilli que 9% des suffrages (8,78%) et la chute qu'elle avait connue il y a quinze mois, c'est la résurrection du parti. Les plus de 30% de voix sont le résultat d'un travail fantastique et énorme » a ajouté le vice-Premier ministre chargé de l'Economie, Jiri Havel.

Les Verts, qui bénéficiaient du soutien de l'ancien Président de la République (1993-2003) Vaclav Havel et appelaient à un « vote alternatif », sont les grands vainqueurs de ce scrutin. Crédités en novembre dernier de 2% des intentons de vote, ils font leur entrée au Parlement et sont la seule formation à se réjouir des résultats. « C'est un moment historique » s'est félicité la vice-présidente du parti, Dana Kuchtova. Le leader de la formation, Martin Bursik, a promis « d'apporter de nouvelles idées et un nouveau style à la politique ».

Enfin, le leader du Parti communiste de Bohème et Moravie, Vojtech Filip, qui avait déclaré durant la campagne que 20% des suffrages les 2 et 3 juin prochains lui semblait un « objectif réaliste » et que sa formation obtiendrait de nouveaux sièges, faute de quoi il « renoncerait à son poste au sein du parti », a simplement déclaré : « Nous nous attendions à un meilleur résultat ».

« Il est évident que les citoyens ne veulent pas la continuation de l'évolution de ces dernières années » a souligné lors d'une conférence de presse le Président de la République et président d'honneur du Parti démocrate-civique, Vaclav Klaus, qui a également affirmé qu'il chargeait le leader du Parti démocrate-civique, Mirek Topolanek, de former le prochain gouvernement. Alors qu'il avait jusqu'alors exclu de former une grande coalition avec les sociaux-démocrates, Mirek Topolanek a confirmé au cours d'un débat télévisé qu'il engagerait des consultations « avec un esprit ouvert ». « Les négociations sont devant nous ; en tant que vainqueur des élections, c'est à moi qu'incombe en premier lieu d'éviter une crise politique. Dans les jours à venir, nous nous emploierons à parler avec des partenaires et je n'exclus pas même les sociaux-démocrates de ces négociations » a-t-il déclaré.

De son côté, le Premier ministre sortant et leader du Parti social-démocrate, Jiri Paroubek, a affirmé qu'il souhaitait que sa formation rejoigne les rangs de l'opposition. « Demain, la direction du parti se réunit et je vais dire ouvertement que je recommande au parti de passer dans l'opposition ». Interrogé sur la possibilité du Parti social-démocrate de former une grande coalition avec le Parti démocrate civique, Jiri Paroubek a prudemment répondu d'une seule phrase : « Voyons leur programme ». « J'ai conduit le gouvernement pendant treize mois, ce fut une période de stabilité, mon intérêt est que cette stabilité se maintienne » a-t-il cependant ajouté. Le Premier ministre sortant a implicitement déclaré dimanche qu'il pourrait tenter de former un gouvernement minoritaire. En revanche, il semblait lundi avoir renoncé à contester le dépouillement des urnes devant la Cour suprême administrative comme il l'avait annoncé samedi.

De son côté, le Parti communiste de Bohème et Moravie a proposé de former un « gouvernement d'entente nationale ». Le Parti démocrate-civique, l'Union chrétienne démocrate-Parti du peuple et les Verts ont toujours déclaré qu'ils refuseraient de participer à un gouvernement dans lequel les communistes seraient représentés. « Notre tâche est de soutenir les sociaux-démocrates dans un gouvernement qui pourrait être minoritaire » a proposé le député Jaromir Kohlicek.

Enfin, le leader des écologistes, Martin Bursik, a déclaré qu'il « ne jugeait pas pertinent de parler d'élections anticipées au lendemain d'un scrutin marqué par une participation de près de 65% » et le chef de l'Union chrétienne démocrate-Parti du peuple, Miroslav Kalousek, que « le devoir des partis est d'essayer de trouver une issue ».

« Le blocage est complet. Toutes les portes sont fermées sauf une. La formation d'une grande coalition entre le Parti démocrate-civique et leParti social-démocrate apparaît comme la seule solution pour un gouvernement stable Si cela ne se fait pas, nous allons sans doute avoir des élections anticipées » a déclaré le politologue Jiri Pehe, directeur de l'Université New York à Prague. La grande coalition serait, selon Petr Dufek, analyste financier à la Banque commerciale CSOB, « plus favorable du point du marché qu'un gouvernement incluant les communistes ». « Les deux partis ont des intérêts similaires : continuer la privatisation, simplifier le système fiscal et réduire l'imposition des entreprises » a-t-il encore souligné. Pavel Saradin, politologue à l'université Palacky d'Olomouc, confirme que le résultat de ces élections « est probablement le pire scénario » et affirme « à moins que des partis ne fassent volte-face, il pourrait être nécessaire de rebattre les cartes et d'organiser un nouveau scrutin ».

Pour expliquer les dernières évolutions de la scène politique, certains analystes politiques mettent en avant le fait qu'après huit années au pouvoir, les sociaux démocrates se sont accrochés à leurs postes et à leurs avantages. Certains membres de la formation au pouvoir ont été mis en cause dans des affaires de corruption, d'autres redouteraient de l'être prochainement. Cependant, les différences politiques entre le Parti social-démocrate et le Parti démocrate-civique, par ailleurs impatient de revenir au pouvoir, seraient tellement faibles qu'elles obligeraient les membres des deux partis à se démarquer l'un de l'autre par des attaques basses et calomnieuses, ce qu'on a pu constater par les nombreux incidents qui ont émaillé cette campagne électorale, l'une des plus agressives qui se soit jamais déroulée en République tchèque.

«Les démocrates civiques se disent libéraux, mais au pouvoir, ils sont conservateurs et populistes. Les sociaux démocrates, eux, sont très libéraux en économie. Le pays va bien, l'économie prospère, et ce, malgré des hommes politiques catastrophiques» résume ainsi le politologue Jiri Pehe. Selon lui, si une opposition s'est développée en Pologne et en Hongrie dès les années 1980, la dissidence a été plus limitée en Tchécoslovaquie où la classe politique comprend une majorité d'hommes politiques sans grande expérience, certes pragmatiques mais également sans grande conviction.

Après la Pologne le 23 septembre dernier, la République tchèque est le deuxième Etat des Vingt-cinq à accorder la majorité de ses voix à une formation eurosceptique. L'Europe, sujet quasiment absent de la campagne électorale, divise pourtant les deux principales formations. Le Parti social-démocrate est favorable à une plus forte intégration européenne tandis que le Parti démocrate-civique se prononce pour une Europe à plusieurs vitesses. Les deux formations ne s'accordent que sur la nécessité de réformer la Politique agricole commune.

Le leader du Parti démocrate-civique, Mirek Topolanek, a donc conduit sa formation à sa cinquième victoire électorale consécutive après les élections municipales des 25-26 octobre et 1-2 novembre 2002, européennes du 13 juin 2004, régionales des 5 et 6 novembre 2004 et sénatoriales des 5-6 et 12-13 novembre 2004. Ce dernier succès pourrait cependant être plus difficile à concrétiser que les précédents. Pour l'heure, les négociations post-électorales se poursuivent, mais aucune majorité de gouvernement n'a encore pu être constituée. La Constitution tchèque ne fixe aucun délai spécifique pour la formation du gouvernement à l'issue des élections législatives. Elle donne également au Président de la République le pouvoir de convoquer des élections anticipées dans le cas où le Parlement refuserait sa confiance à trois gouvernements successifs.

Résultats des élections législatives des 2 et 3 juin 2006 en République tchèque

Participation : 64,47%

source : the prague monitor

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