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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
La campagne électorale officielle en vue des élections législatives du 5 juillet prochain a débuté le 14 juin dernier. Elle durera vingt jours pour s'achever le 3 juillet prochain. 1 741 449 électeurs sont appelés à se rendre dans l'un des 2973 bureaux de vote du pays pour renouveler les 120 membres de la Sobranie, Chambre unique du Parlement. 3 514 Macédoniens (soldats, personnes invalides ou encore hospitalisées) seront autorisés à voter le 4 juillet. 2 620 candidats représentant 25 formations politiques et 6 coalitions concourent pour ces élections législatives.
Les deux principales formations de la scène politique, l'Organisation révolutionnaire - Parti démocratique pour l'unité nationale (VMRO-DPMNE) et l'Union sociale-démocrate (SDSM), ont mis l'accent sur la situation économique. Toutes deux présentent des programmes d'inspiration libérale qui cherchent à attirer le maximum d'investissements étrangers.
L'Organisation révolutionnaire-Parti démocratique pour l'unité nationale, dirigée par Nikola Gruevski, se prononce en faveur d'une baisse importante des impôts ; le VMRO-DPMNE entend faire de la Macédoine l'Etat au plus faible taux d'imposition de toute l'Europe. Un projet qui, en cas de victoire de ce parti aux élections législatives du 5 juillet prochain, resterait néanmoins soumis à l'appréciation du Fonds monétaire international (FMI). La principale formation de l'opposition mène également campagne pour un renforcement de la lutte contre la corruption et promet de mettre tous les moyens en œuvre pour empêcher les départs à l'étranger des jeunes Macédoniens. «Les changements à venir bénéficieront à tous les citoyens macédoniens et pas seulement aux sympathisants de l'Organisation révolutionnaire-Parti démocratique pour l'unité nationale. La renaissance du pays débutera le 6 juillet prochain » a affirmé le leader du VMRO-DPMNE, Nikola Gruevski. Le parti a annoncé récemment qu'il allait fusionner avec quatre autres petites formations, nées de divisions ayant eu lieu au sein du VMRO-DPMNE au cours de ces dernières années. « La volonté de Nikola Gruevski de fusionner avec ces petites formations dérive de son besoin de représenter son parti comme le seul VMRO légitime » analyse Gjorgji Ivanov, professeur de sciences politiques à l'université de Skopje, faisant notamment allusion à la récente création de l'Organisation révolutionnaire-Parti du peuple (VMRO-NP) par celui-là même qui a fondé le VMRO-DPMNE, l'ancien Premier ministre (1998-2002) Ljubco Georgievski.
Le leader de l'Union sociale-démocrate, le Premier ministre, Vlado Buckovski, a, de son côté, annoncé, le 20 juin dernier à Gostivar, qu'en cas de victoire, son gouvernement consacrerait 100 millions d'euro aux petites et moyennes entreprises. Après l'économie, c'est sur l'éducation que la principale formation de l'actuelle coalition gouvernementale au pouvoir a choisi de mettre l'accent pour ces élections législatives. Enfin, l'intégration du pays au sein de l'Union européenne et de l'OTAN figure également parmi les priorités de l'Union sociale-démocrate, comme d'ailleurs de tous les partis politiques macédoniens.
Constatant que les conflits ethniques n'ont toujours pas été réglés et exprimant son scepticisme face à une politique d'intégration des minorités dans un pays où, selon lui, les deux communautés ont des intérêts différents, le leader du Parti démocratique albanais (PDA-PDSh), Arben Xhaferi, fait campagne pour l'établissement d'institutions séparées pour les Macédoniens et les albanophones. Il promet, par ailleurs, de créer 60 000 nouveaux emplois, de réformer le budget en faveur de la partie orientale du pays, où vit la majorité de la population albanophone, et de créer une zone franche économique dans une région allant de Tetovo à Gostivar. Le PDA-PDSh promet également de créer 10 000 postes réservés aux albanophones dans l'administration publique et d'augmenter de 28% les salaires des personnels des secteurs de l'éducation et de la santé.
Membre de l'actuelle coalition gouvernementale au pouvoir, l'Union démocratique pour l'intégration (DUI-BDI) d'Ali Ahmeti a basé sa campagne sur l'économie, la cohésion sociale et l'égalité des droits. La lutte contre la corruption et l'intégration du pays dans l'Union européenne et l'OTAN constituent également des priorités du parti albanophone. Dans la perspective des élections législatives du 5 juillet prochain, l'Union démocratique pour l'intégration a formé une coalition avec la Ligue démocratique des Bosniaques (DLB) de Rafet Muminovic et le Parti de la prospérité démocratique (PPD-PDP) dirigé par Abduladi Veiseli. La coalition, qui présente des candidats dans cinq circonscriptions, a choisi comme slogan de campagne « Nous osons, nous agissons, vous jugez ». « Nous allons gagner parce que nous avons à nos côtés deux partis frères ainsi que d'autres communautés comme les turcophones, les Roms et les Macédoniens et que nous n'avons pas peur de parler le langage de toutes les communautés » a déclaré Ali Ahmeti. « L'Union démocratique pour l'intégration n'a pas fait beaucoup mais a cependant permis la reconnaissance officielle de l'université de Tetovo (ville située à la frontière avec le Kosovo), l'érection du mémorial de Skenderbeg dans la capitale Skopje et le droit de commémorer les moments importants de l'histoire des albanophones, toutes choses ayant conduit notre pays à s'intégrer au sein de la communauté européenne » a-t-il ajouté.
S'exprimant sur l'après-élection, le député Rafiz Haliti (DUI-BDI) n'a pas exclu la possibilité pour l'Union démocratique pour l'intégration de former une coalition gouvernementale avec l'Organisation révolutionnaire -Parti démocratique pour l'unité nationale ne en cas de victoire de cette dernière. La veille, le directeur de campagne du VMRO-DPMNE, Antonio Milosevski, avait annoncé que sa formation ne répèterait pas son erreur de 1991 lorsqu'elle avait accepté l'offre de coalition du Parti de la prospérité démocratique.
La formation majoritaire de l'actuelle coalition gouvernementale, l'Union sociale-démocrate mène campagne sous le slogan « En avant, la Macédoine » qui, selon le leader de la formation, le Premier ministre, Vlado Buckovski, signifie que le parti est prêt à assumer un nouveau mandat à la tête de l'Etat et que la création d'une Macédoine européenne a commencé. L'Organisation révolutionnaire-Parti démocratique pour l'unité nationale a lancé sa campagne par le slogan « La Macédoine a la force de surmonter les épreuves cruciales ». Le Nouveau parti social-démocrate (NSDP), formation de gauche créée à partir d'une scission de l'Union sociale-démocrate et du Parti libéral-démocrate et dirigée par Tito Ptekovski, a débuté sa campagne à Kumanovo avec le slogan « Plus fort et plus honnête ». La formation veut se battre pour une plus grande prospérité économique. Sous le slogan « Rester humains », le Parti pour le renouveau démocratique (DOM) dirigé par Liljana Popovska et formé par des dissidents du Parti libéral-démocrate a choisi de débuter sa campagne à Struga, « ville symbole de la démocratie et de la résistance civique». Enfin, l'Union démocratique pour l'intégration mènera campagne sous le slogan « Nous pouvons » tandis que le Parti démocratique albanais, qui a lancé sa campagne à Tetovo, a choisi les mots « Nous croyons ».
Le thème de la corruption figure au cœur de la campagne électorale. La branche macédonienne de l'association Transparency international, principale organisation non gouvernementale mondiale consacrée à la lutte contre la corruption, a annoncé que près de 90% des activités des formations politiques étaient, en Macédoine, financées par des anonymes. « Le système ne laisse aucune place pour mener de véritables réformes et conduit in fine à la destruction des institutions du pays » constate le professeur d'économie, Ljubomir Kekenovski. Selon lui, seule une économie prospère et ouverte sur l'extérieur pourra permettre d'avancer dans le combat contre la corruption. « Il est vrai que le taux de corruption est élevé en Macédoine. La lutte contre ce fléau doit être la première priorité nationale. Par ailleurs, il est évident que la corruption est surtout présente parmi les hommes de pouvoir. Nous devons donc impérativement renforcer les moyens judiciaires de l'Etat » a déclaré le Président de la République, Branko Crvenkovski (SDSM) dans un entretien qu'il a accordé, le 17 juin dernier, au quotidien Dnevnik.
Les incidents (explosions de grenades, destruction de bâtiments, violences contre des adversaires politiques) se sont multipliés au cours des derniers jours, opposant notamment militants ou sympathisants du Parti démocratique albanais et proches de l'Union démocratique pour l'intégration. « Les récents incidents constituent un mauvais début pour la campagne électorale macédonienne. Nous sommes très concernés par ce qui se passe et rappelons que nous ne sommes pas là seulement pour surveiller le déroulement du scrutin le jour du vote mais également le processus électoral dans son entier » a déclaré Andrea Angeli, porte-parole de la mission de l'Union européenne en Macédoine.
L'Union européenne et l'OTAN répètent depuis des mois aux autorités macédoniennes l'importance du bon déroulement des élections législatives du 5 juillet pour l'éventuelle intégration du pays au sein de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord comme des institutions européennes et du respect, lors de ce scrutin, de la transparence et de la démocratie. « Je veux rappeler que ces élections constituent un test d'une importance cruciale pour la Macédoine et représentent une étape importante sur son chemin vers l'Europe. Une campagne propre respectant les standards internationaux est une première condition pour le succès des élections » a affirmé l'ambassadeur de l'Union européenne auprès de la Macédoine, Erwan Fouere. « Personnellement, je suis convaincu que les citoyens comme les formations politiques ont la volonté et les capacités de faire que ces élections législatives soient honnêtes et libres. Chaque citoyen peut le faire en se rendant aux urnes le 5 juillet prochain » a-t-il ajouté.
De son côté, le secrétaire général de l'OTAN, Jaap de Hoop Scheffer, a rappelé que la communauté internationale surveillerait de très près la tenue des élections législatives du 5 juillet prochain. « Je suis convaincu que si la Macédoine continue sur son chemin, parvient à assurer un scrutin transparent et libre et poursuit ses réformes, les alliés lui donneront un signal positif au prochain sommet de l'OTAN qui se tiendra à Riga en novembre prochain » a-t-il affirmé. Enfin, l'ambassadrice des Etats-Unis en Macédoine, Gillian Milovanovic, a averti que « la manière dont les dirigeants seront choisis lors des prochaines élections législatives sera d'une importance significative. S'ils sont choisis frauduleusement, cela aura un impact sur les engagements pris par la Macédoine en vue de son accession à l'OTAN et à l'Union européenne ».
«L'intérêt que montre la communauté internationale pour l'organisation d'élections législatives honnêtes et démocratiques en Macédoine constitue un très bon indicateur et signifie que nous ne devons pas répéter les erreurs du passé » a répondu le Premier ministre Vlado Buckovski. « Nous avons l'opportunité d'organiser des élections honnêtes et démocratiques et de montrer à l'Europe que la Macédoine peut respecter les standards européens » a affirmé Eleonora Petrova Mitevska, ambassadrice de Macédoine auprès du Conseil de l'Europe. La Macédoine vient d'ailleurs de renforcer les peines encourues pour les irrégularités commises lors du processus électoral. Le code pénal, amendé par le Parlement deux jours avant le début officiel de la campagne, prévoit désormais des sanctions plus sévères pour les fauteurs de trouble. Ainsi, l'auteur d'une infraction électorale mineure risque jusqu'à trois ans de prison alors qu'il n'encourait auparavant que des sanctions financières. Environ 250 observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) seront présents pour surveiller la tenue des élections législatives du 5 juillet prochain à travers tout le pays. L'organisation européenne enverra également treize experts et dix-huit observateurs pour veiller au bon déroulement de toute la campagne électorale.
«Nous devons changer l'image des Albanais de Macédoine et montrer qu'ils ne constituent pas un facteur de déstabilisation » a déclaré le fondateur et leader du Parti démocratique albanais, Arben Xhaferi, le 20 juin dernier lors d'un meeting électoral à Bogovinje. « Le Parti démocratique albanais est favorable à des élections démocratiques. J'appelle nos militants et nos sympathisants à ne pas tomber dans les pièges tendus par nos adversaires politiques » a-t-il ajouté. Le porte-parole de la formation, le député Menduh Thaci, qui par ailleurs figure sur la liste noire des personnes non grata aux Etats-Unis, a accusé l'Union démocratique pour l'intégration d'être responsable des incidents de la campagne par crainte de se voir défaits lors des élections législatives du 5 juillet prochain. De son côté, Ali Ahmeti, président de l'Union démocratique pour l'intégration, a réclamé au Parti démocratique albanais « de demander à ses sympathisants de garder leur calme car ces incidents sont néfastes pour l'ensemble des citoyens macédoniens ».
L'Eglise orthodoxe a également exhorté les fidèles à « assurer le déroulement pacifique des élections qui doivent être libres et démocratiques afin de conduire le pays vers un avenir meilleur (...) Ces élections sont un test critique pour les institutions démocratiques de notre pays ». Par la voix de Jakup Selimovski, la Communauté religieuse islamique (IVZ) a rappelé qu'il était de la plus haute importance pour les musulmans du pays que ces élections se déroulent dans une atmosphère de paix. L'organisation confessionnelle a déclaré qu'elle essaierait de convaincre les musulmans d'exercer leur droit de vote de façon individuelle plutôt qu'en tant que représentant d'une communauté. « Le vote de communauté n'a pas de raison d'être, une personne ne doit pas voter pour d'autres » a souligné Jakup Selimovski.
Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'Institut pour la démocratie, la solidarité et la citoyenneté, 17,6% des électeurs s'apprêtent à voter en faveur de l'Organisation révolutionnaire-Parti démocratique pour l'unité nationale lors des élections législatives du 5 juillet prochain, contre 13,2% à l'Union sociale-démocrate. Le dernier sondage réalisé par l'International Republican Institute crédite, au contraire, l'Union sociale-démocrate de 18% des intentions de vote, contre 16% à l'Organisation révolutionnaire -Parti démocratique pour l'unité nationale. Les sondages restent donc à prendre avec précaution. « L'électorat est presque divisé de manière égale dans son soutien envers les principaux partis politiques » déclare Natasa Gaber, analyste à l'Institut pour la recherche politique, sociologique et juridique. Cette situation s'explique par les nombreuses scissions ayant eu lieu ces dernières années au sein des deux principales formations politiques et qui ont mené à la création de plusieurs partis tels que le Nouveau Parti social-démocrate, dirigé par Tito Petkovski et l'Organisation révolutionnaire-Parti du peuple, dirigée par Ljubco Georgievski. Ces nouvelles formations devraient perturber l'électorat habituel des deux principales formations de la scène politique lors des élections législatives du 5 juillet prochain. « Ni Tito Petkovski ni Ljubco Georgievski ne sont des débutants en politique. Certains électeurs de l'Union sociale-démocrate et de l'Organisation révolutionnaire -Parti démocratique pour l'unité nationale vont sûrement les rejoindre » affirme Sonja Kramarska, journaliste au quotidien Utrinski Vesnik. « La position confortable traditionnellement occupée par l'Union sociale-démocrate et l'Organisation révolutionnaire -Parti démocratique pour l'unité nationale va être troublée pour la première fois lors des élections législatives du 5 juillet prochain » renchérit Aneta Jovevska, analyste à l'Institut pour la recherche politique, sociologique et juridique.
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