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Élections en Europe
Corinne Deloy
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Le Rassemblement national (RN), parti de droite radicale présidé par Jordan Bardella, est arrivé en tête du 1er tour des élections législatives anticipées organisées en France le 30 juin, une première dans l’histoire de la Ve République. Avec ses alliés qui ont décidé de suivre Eric Ciotti et fait le choix de se rallier au RN, il a recueilli 33,34% des suffrages et remporté 39 élus à l’Assemblée nationale, chambre basse du parlement français, dès le 1er tour. Le RN est devenu le principal parti d’opposition au président de la République Emmanuel Macron (Renaissance, RE). Il arrive en tête dans la moitié des 577 circonscriptions.
Il a devancé le Nouveau Front populaire (NFP), coalition de gauche qui rassemble La France insoumise (LFI), le Parti socialiste (PS), le Parti communiste (PCF), les Écologistes, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPa), Place publique (PP), le Parti ouvrier indépendant (POI), qui a obtenu 27,99% des voix et 32 députés dès le 1er tour.
Ensemble !, coalition de la majorité présidentielle d’Emmanuel Macron conduite par le Premier ministre Gabriel Attal (Renaissance (RE), Horizons, dirigé par l’ancien Premier ministre (2017-2020) Edouard Philippe et le Mouvement démocrate (MoDem) de François Bayrou), a pris la 3e place du scrutin avec 20,04% des voix et 2 sièges au 1er tour.
Son résultat est plus élevé qu’attendu mais la défaite est indéniable. Le bloc du centre s’est considérablement réduit par rapport au précédent scrutin des 12 et 19 juin 2022 ; de même, le clivage droite/gauche (emmené par des forces extrêmes de chaque côté) est fortement réactivé lors de ce 1er tour.
Les Républicains (LR), qui n’ont pas suivi leur président Eric Ciotti, ont obtenu 6,57% des voix et 1 élu au 1er tour.
La France est véritablement fracturée entre villes et zones rurales. Ainsi, à Paris, le NFP est arrivé en tête dans 13 des 18 circonscriptions. 9 candidats ont été élus dès le 1er tour. Alors que dans de très nombreuses communes rurales, le RN attire plus de la moitié des électeurs.
La participation a été élevée, la plus importante pour un scrutin législatif depuis 1997 : elle s’est établie à 64,99% ; soit +17,49 points par rapport au 1er tour des précédentes élections législatives des 12 et 19 juin 2022. Le 2e tour de scrutin aura lieu le 7 juillet.
Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024 en France
Participation : 64,99%
Source : https://www.resultats-elections.interieur.gouv.fr/legislatives2024/ensemble_geographique/index.html
Le pari de provoquer des élections législatives anticipées et de dissoudre de l’Assemblée nationale (et de remporter ce scrutin) a été perdu par le président de la République. Les Français, qui ont été très nombreux à se rendre aux urnes, ont exprimé un désir de changement et la majorité du chef de l’État a été défaite. Le vote des électeurs n’est pas très différent de celui qui avait été le leur le 9 juin pour le scrutin européen. La campagne éclair pouvait difficilement permettre aux Français de modifier leurs choix.
Le 9 juin au soir, le chef de l’État avait d’ailleurs cherché à prendre ses adversaires de vitesse. Il avait espéré que 3 semaines seraient insuffisantes pour que les forces politiques radicales, à droite comme à gauche, parviennent à se mettre en ordre de marche, qu’elles surmontent leurs divergences et qu’elles soient en mesure de se rassembler et de s’accorder sur un programme. Une fois de plus, Emmanuel Macron avait positionné son parti Renaissance comme un recours contre le RN et tenter d’en faire le seul vote barrage possible à la droite radicale. Échec donc puisque le RN rassemble un tiers des électeurs et qu’il obtient pour la première fois de son histoire, des députés élus dès le 1er tour. Par ailleurs, le RN est devenu le représentant principal de la droite dans plusieurs régions.
« Les Français, par ce vote sans ambiguïté, ont témoigné leur volonté de tourner la page après 7 ans de pouvoir méprisant et corrosif » a déclaré Marine Le Pen (RN), candidate malheureuse du parti à l’élection présidentielle contre Emmanuel Macron en 2017 et en 2022. « Le choix est clair et 2 chemins s'offrent à la France. D'un côté l'alliance du pire, celle du Nouveau Front populaire rassemblé derrière Jean-Luc Mélenchon, qui conduirait le pays au désordre, à l'insurrection et à la ruine de notre économie. De l'autre, l'union nationale, que j'ai l'honneur de conduire aux côtés de Marine Le Pen, d'Eric Ciotti et de nos alliés » a affirmé le président du RN, qui postule au poste de Premier ministre en cas de victoire le 7 juillet et seulement dans le cas où le RN obtiendrait une majorité absolue à l’Assemblée nationale, soit 289 sièges. « Nous sommes l'unique rempart républicain et patriote face à une extrême gauche dangereuse qui propose de désarmer la police, d'ouvrir grand les vannes de l'immigration, d'abolir la loi de lutte contre les squats ainsi que la loi de lutte contre le séparatisme islamiste » a ajouté Jordan Bardella.
Il reste difficile de dire si le RN sera en mesure d’obtenir la majorité absolue à l’issue du 2e tour. L’important taux de participation entraîne en effet un grand nombre de triangulaires, a priori 304, ainsi que 5 quadrangulaires, avant d’éventuel(s) désistement(s). Seules 192 circonscriptions verront 2 candidats s’affronter. Les candidats ont jusqu’au 2 juillet, 18 heures, pour déposer leur candidature pour le 2e tour le 7 juillet. Comme le disent tous les analystes politiques, cette semaine entre les deux tours est celle d’une nouvelle bataille électorale et elle sera faite de nombreuses tractations politiques dans et entre les partis.
Les appels au front républicain (c’est-à-dire l’union de tous contre la droite radicale) se font nombreux devant la crainte de l’accession au pouvoir du RN.
Le président de la République a appelé à « un large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le 2e tour ». « Notre objectif est clair, empêcher le Rassemblement national d’avoir une majorité absolue au 2e tour, de dominer l’Assemblée nationale et donc de gouverner le pays avec le projet funeste qui est le sien » a déclaré le Premier ministre, Gabriel Attal (RE). Le chef du gouvernement a demandé à tout candidat de la majorité présidentielle arrivé en 3e position face au RN de se désister. Néanmoins, les propos restent flous dans la majorité présidentielle concernant l’attitude à adopter face à certains candidats de La France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon. Gabriel Attal a parlé de désistements en faveur de candidats défendant « les valeurs de la République », or le camp présidentiel a dénoncé les positions anti-républicaines de certains membres du parti de gauche radicale à plusieurs reprises durant la campagne.
« Dans les 129 triangulaires où un candidat de gauche arrive en 3e position et un candidat Rassemblement national en 1ère position, nous retirerons notre candidature, où que ce soit, en toutes circonstances » a indiqué le dirigeant de LFI. « Pas une voix, pas un siège de plus pour le Rassemblement national » a-t-il ajouté. « Il n’y a plus dans ce pays d’échappatoire. C’est eux ou nous, il n’y a rien au milieu » a souligné Jean-Luc Mélenchon. Le Nouveau Front populaire ne pourra toutefois pas obtenir de majorité absolue le 7 juillet, empêché par la droite radicale mais également par une coalition de la majorité présidentielle qui se maintient mieux que ce qu’il avait estimé.
Enfin, Les Républicains (LR) refusent de donner toute consigne de vote au 2e tour. « Là où nous ne sommes pas présents au 2e tour, considérant que les électeurs sont libres de leur choix, nous ne donnons pas de consigne nationale et nous laissons les Français s’exprimer en conscience ».
Eric Ciotti a appelé les Républicains à suivre son exemple et à s’allier au RN. « L'union inédite et historique que nous avons bâtie avec Jordan Bardella a mis fin à trop d'années d'immobilisme qui reléguaient la droite au rôle de spectateur impuissant » a indiqué celui qui est toujours officiellement le président de LR.
Le président de la République Emmanuel Macron a toujours affirmé que son premier objectif était de stopper la progression de la droite radicale dans le pays. Aujourd’hui, il doit faire face à son échec sur ce point. Comme l’écrit Alexis Brézet dans le quotidien Le Figaro, « La France se retrouve placée devant la double perspective de l'aventure politique ou du blocage institutionnel : les deux facettes d'une crise de régime ».
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