Elections législatives en Ukraine, Le point à une semaine du scrutin

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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24 septembre 2007
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Elections législatives en Ukraine, Le point à une semaine du scrutin

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Le 30 septembre prochain, 36,8 millions d'électeurs ukrainiens sont appelés aux urnes pour renouveler les 450 membres de la Verkhovna Rada (Conseil suprême), Chambre unique du Parlement. 420 000 Ukrainiens vivant à l'étranger rempliront leur devoir civique dans l'un des 115 bureaux de vote installés hors Ukraine. 21 partis politiques sont en lice pour ce scrutin anticipé et 880 observateurs internationaux seront présents pour veiller à son bon déroulement.

Alors que le Conseil suprême a été dissous, le 2 avril dernier, par le Président de la République Viktor Ioutchenko, 269 députés, appartenant principalement à la majorité parlementaire sortante, ont siégé le 4 septembre. Ils ont voté la suppression de l'immunité et des privilèges des parlementaires, du Président de la République et des juges. Le Chef de l'Etat a affirmé qu'il ne signerait pas cette nouvelle loi. "Le Parlement rebelle n'a aucune légitimité. Aucune décision prise lors de cette session n'est légitime, ne peut être appliquée et n'aura de valeur juridique" a t-il indiqué. Iouri Loutsenko, leader de la coalition Notre Ukraine-Autodéfense (Samoobrona), a accusé le président de la Verkhovna Rada de discréditer le Parlement. "Notre but n'est pas de déstabiliser la campagne électorale. Nous voulons que la situation se stabilise au plus vite. Le travail de la Verkhovna Rada ne constitue pas une menace pour la stabilité nationale" a affirmé le Premier ministre Viktor Ianoukovitch qui, en déplacement à Louhansk, n'était pas sur les bancs du Conseil suprême.

Le 7 septembre dernier, le Parti des régions a lancé sa campagne de collecte des signatures en vue de l'organisation d'un référendum sur trois sujets. Les Ukrainiens devraient être appelés à dire s'ils sont favorables à ce que l'Ukraine compte deux langues officielles - l'ukrainien et le russe -, s'ils veulent que les gouverneurs de régions et les chefs de districts soient élus au suffrage universel et s'ils souhaitent que le pays conserve sa neutralité militaire (actuellement, l'Ukraine n'est membre d'aucun bloc militaire). La formation au pouvoir pense recueillir 9 millions de signatures en 70 jours. Si tel était le cas, l'organisation du référendum devrait ensuite être approuvée par le Parlement, le Président de la République et la Cour constitutionnelle. Viktor Ioutchenko a qualifié cette initiative "d'aventurisme politique". Le Parti des régions s'est dit prêt à initier une procédure d'impeachment contre le Chef de l'Etat dans le cas où celui-ci refuserait d'organiser la consultation populaire. Le 17 septembre dernier, le Parti des régions a annoncé qu'il avait recueilli 3 millions de signatures, venant notamment des régions orientales du pays et de Crimée.

Ioulia Timochenko, leader du Bloc d'opposition Ioulia Timochenko, allié au Président de la République Viktor Ioutchenko, désire changer la Constitution afin de voir annuler la réforme constitutionnelle, adoptée le 8 décembre 2004 et entrée en vigueur le 1er janvier 2006, qui a renforcé les pouvoirs du Parlement en transférant une partie de ceux du Chef de l'Etat vers le Conseil suprême. Elle est partisane de l'établissement d'une République présidentielle. L'égérie de la révolution orange souhaite la tenue d'un référendum sur le système de gouvernement de l'Ukraine - présidentiel ou parlementaire – et veut demander aux Ukrainiens s'ils sont favorables à l'élection des juges (actuellement appointés par le Président de la République et le Parlement).

Le Président de la République s'est prononcé à plusieurs reprises en faveur d'un Parlement bicaméral et de la réduction du nombre de députés. Des mesures qui, pour êtres adoptées, devraient obtenir l'aval du peuple.

Programmes

Le programme électoral de Notre Ukraine-Autodéfense prévoit une hausse des salaires -Viktor Ioutchenko a annoncé qu'en cas de victoire de sa formation, il ferait passer le salaire mensuel minimum de 258 hrivnia à 500 hryvnia (73 euro) -, des retraites et de l'allocation pour le deuxième enfant à 15 000 hryvnia (2 100 euro), l'adhésion du pays à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), l'augmentation des échanges commerciaux avec l'Union européenne et la mise sur pied d'une armée professionnelle en 2010.

Le Chef de l'Etat veut également réformer le système de privatisation et celui de la vente des propriétés terriennes.

Le Parti des régions du Premier ministre fait campagne sous le slogan "Stabilité et bien-être". Il propose une augmentation de 25% des salaires chaque année et une réforme du système des retraites. Viktor Ianoukovitch se montre confiant dans sa victoire le 30 septembre prochain. "Les Ukrainiens sont fatigués des élections à répétition, ils veulent regarder vers demain" a t-il souligné. Le parti au pouvoir a édicté un code d'honneur pour les élections du 30 septembre prochain, que le directeur de campagne de Notre Ukraine-Autodéfense, Viktor Baloga, a refusé de signer.

Ioulia Timochenko veut transformer la situation actuelle de l'Ukraine dans laquelle "trois ou quatre familles possèdent tout et le peuple doit se contenter de restes". Elle qualifie le Parti des régions de "corporation du capital de l'ombre". "Leur seule ambition est de tout casser et de diviser pour s'accaparer tout" affirme t-elle, ajoutant que "cette fois, ils n'y arriveront pas". Elle promet de poursuivre en justice le Premier ministre Viktor Ianoukovitch et l'industriel Rinat Akhmetov, propriétaire de SCM Holdings et originaire de la région du Donbass. "Je veux dire à Viktor Ianoukovitch et à Rinat Akhmetov que je ne suis pas Viktor Ioutchenko, je ne les amnistierai pas" indiquant que si elle arrivait au pouvoir elle décréterait une peine de réclusion à vie pour corruption. Enfin, elle s'oppose à la privatisation des terres agricoles et souhaite revoir les accords gaziers conclus en 2006 avec la Russie. Sur un texte publié sur son site Internet, elle affirme vouloir privatiser de nouveau la compagnie Dnipro Energo, appartenant à Rinat Akhmetov.

Le leader du Parti communiste, Petro Simonenko, a évoqué la possibilité de constituer une coalition bleue (couleur du Parti des régions) et rouge (couleur du parti communiste) si l'accord entre les deux formations stipule expressément qu'elles s'opposent à l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN et sont favorables à la neutralité militaire du pays, qu'elles mettront en oeuvre les accords sur le marché unique simplifié (qui comprend la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan) et enfin qu'elles accordent au russe le statut de deuxième langue officielle du pays. Petro Simonenko souhaite supprimer purement et simplement la fonction de Président de la République qui "conduit l'Ukraine à la dictature". Le leader communiste affirme que Notre Ukraine-Autodéfense et le Bloc Ioulia Timochenko s'apprêtent à invalider les résultats du scrutin législatif et proclamer un régime présidentiel direct en Ukraine. "Le Parti communiste d'Ukraine espère recueillir entre 10% et 12% des suffrages aux élections législatives" a déclaré le leader de son groupe parlementaire, Adam Martyniuk.

Oleksandr Moroz, leader du Parti socialiste et président du Parlement, persiste à dire que ces élections législatives sont illégales. "L'aventure que constituent les élections législatives anticipées voulues par le Président de la République Viktor Ioutchenko ne sont rien d'autre qu'une guerre contre la Constitution, la réforme judiciaire et celle des gouvernements locaux" a t-il déclaré. Il affirme que le Chef de l'Etat est une menace pour l'Etat de droit. "Je peux dire que c'est bien plutôt une gigantesque fraude nationale que des élections que nous allons vivre, ce qui rendra possible par la suite une invalidation du scrutin" a t-il répété le 20 septembre dernier.

L'ancien Président de la République (1991-1994), Leonid Kravtchouk, n'a pas hésité à affirmer dans le journal Delo du 16 septembre dernier "qu'en cas de victoire du Parti des régions, le Président de la République Viktor Ioutchenko pourrait contester les résultats des élections législatives et instaurer un régime présidentiel direct".

Natalia Vitrenko, leader du Bloc populaire Natalia Vitrenko, se montre très critique des réformes mises en oeuvre durant les 15 dernières années et réalisées "sur prescription du Fonds monétaire international (FMI) et qui ont conduit à un déclin continu de la population ukrainienne et à la prise de possession des usines du pays par des oligarques étrangers et nationaux". Opposée à l'entrée de l'Ukraine dans l'Union européenne, elle se déclare favorable à son adhésion au marché unique simplifié "qui ouvrirait de larges marchés au pays et boosterait l'économie nationale". Elle promet enfin, en cas de victoire, de quadrupler le salaire minimum et de tripler le minimum vieillesse.

Natalia Vitrenko s'est plainte le 13 septembre dernier de ne pas être invitée aux débats télévisés, déclarant que la campagne électorale était conduite par un triumvirat composé "des forces orange, des oligarques et des médias qui les servent tous deux".

Pour le Président de la République Viktor Ioutchenko, le risque est que les résultats de ces élections législatives soient quasiment identiques à ceux du précédent scrutin (26 mars 2006) et qu'elles ne soient donc pas le "détonateur" espéré. Même en cas de victoire du clan orange, la formation du gouvernement ne serait pas aisée tant les rivalités de personnes et les désaccords politiques restent nombreux entre Notre Ukraine-Autodéfense et le Bloc Ioulia Timochenko. "Bien sûr que je préférerai une coalition orange. Mais si une coalition orange est formée comme en 2006, uniquement sur la distribution des portefeuilles, cela ne marchera pas. L'idée n'est pas de former une coalition contre quelqu'un mais de déterminer les enjeux autour desquels on peut s'unir" affirmait, le 11 septembre dernier, Viktor Ioutchenko au Figaro.

Si Iouri Loutsenko a rejeté toute idée de coalition entre Notre Ukraine-Autodéfense et le Parti des régions, il a également affirmé, dans une interview au quotidien Korrespondent début septembre, "Le premier objectif de notre Ukraine-Autodéfense est d'obtenir assez de voix pour former une coalition avec le Bloc Ioulia Timochenko, le second est d'avoir assez de voix pour freiner Ioulia Timochenko si elle se passionne pour des projets populistes".

"70% des électeurs ne connaissent pas d'autres forces politiques que les cinq plus importantes. Les Ukrainiens ne sont pas très informés des programmes des différents partis. Leur choix se fonde sur des affinités" indique Irina Bekechkina, directrice d'Initiatives démocratiques.

4 enquêtes d'opinion ont été publiées le 14 septembre dernier. La publication des sondages d'opinion est interdite, en Ukraine, durant les deux semaines précédant le scrutin.

Toutes donnent le Parti des régions gagnant. Il recueillerait entre 29% et 34,7% des suffrages. Le Bloc Ioulia Timochenko arriverait en deuxième position (22%-25,7%) suivi de Notre Ukraine-Autodéfense (11,9%-15,2%), puis du Parti communiste (2,7%-5,9%), du Bloc Litvine (3%-5,6%) et du Parti socialiste (1,6%-3%).

Le sommet "Union européenne-Ukraine" s'est tenu à Kiev le 14 septembre dernier. Le Président de la République, Viktor Ioutchenko, s'est déclaré "satisfait du niveau de coopération" entre son pays et l'Union européenne. Le Premier ministre Viktor Ianoukovitch a indiqué que "la relation UE-Ukraine connaît une dégradation" estimant que les nouveaux accords signés entre Kiev et Bruxelles rendront plus difficile l'entrée des marchandises ukrainiennes sur le marché européen.

"Nous sommes venus en partenaires et amis qui croient en l'avenir de l'Ukraine" a déclaré le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso qui s'est réjoui de "l'amélioration des relations ukraino-européennes" et a répété qu'il était "important d'arriver à la stabilité pour que l'Ukraine puisse concentrer son énergie sur les réformes". La Commissaire européenne aux Relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner, a souligné "qu'une réforme constitutionnelle sera nécessaire après les élections pour apporter à l'Ukraine la stabilité dont elle a besoin". Elle a exprimé sa confiance de voir le nouveau système de visas entrer en vigueur à la fin de cette année. Les visas nécessaires aux Ukrainiens pour se rendre dans l'un des Etats membres de l'Union européenne seront moins onéreux et plus aisés à obtenir. Ils seront gratuits pour les hommes d'affaires, les scientifiques, les étudiants et les jeunes de moins de 21 ans.

Le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne, Javier Solana, a donné une interview, le 15 septembre, à l'hebdomadaire Zerkalo Nedeli "Le flou administratif entraîné par la réforme constitutionnelle de 2004 n'a fait qu'engendrer la lutte pour les pouvoirs qui s'accentue sur fond de faiblesse des institutions politiques. Ce problème est celui que les prochaines élections législatives doivent régler en premier lieu".

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