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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Les Russes sont appelés, le 2 mars prochain, à désigner leur futur Président et le successeur de l'actuel chef d'Etat Vladimir Poutine. Il s'agit de la 4e élection présidentielle depuis la chute du communisme en 1991 et le candidat élu deviendra le 3e Président de la Fédération de Russie après Boris Eltsine et Vladimir Poutine (2000-2008).
Selon la Constitution russe, l'élection présidentielle se déroule le 2e dimanche du mois de mars suivant les élections législatives. Si ce dimanche suit un jour férié, le scrutin doit être organisé le 1er dimanche du mois. Le 8 mars, journée internationale de la femme, étant férié en Russie, l'élection présidentielle a donc été déplacée au 2 mars.
Après l'écrasante victoire du parti de Vladimir Poutine, Russie unie (Edinaïa Rossia, ER), lors des élections législatives du 2 décembre dernier (64,3% des suffrages) et la désignation, par Vladimir Poutine lui-même, de son successeur le 10 décembre dernier en la personne de Dmitri Medvedev, la victoire le 2 mars de celui qui occupe actuellement le poste de 1er vice-Premier ministre ne fait aucun doute.
11 régions de la Fédération éliront leurs députés régionaux ce même jour. La campagne électorale a officiellement démarré le 2 février dernier.
La fonction présidentielle en Russie
Elu pour 4 ans, le Président russe dispose d'importants pouvoirs. Chef de l'exécutif, il nomme et renvoie le Premier ministre, il peut dissoudre la Chambre basse du Parlement, la Douma, il soumet des projets de loi au Parlement et propose des référendums. Il décide également des nominations dans l'armée et les services de sécurité, il nomme les juges de la Cour suprême, de la Cour constitutionnelle, de la Cour des comptes et de la Cour suprême d'arbitrage. Il ne peut être élu pour plus de deux mandats consécutifs.
Tout candidat doit être âgé d'au moins 35 ans et résider en Russie depuis un minimum de 10 ans. Ainsi, Vladimir Boukovski, ancien dissident du régime soviétique qui vit en exil à Londres depuis 1976 et son "échange" contre le dirigeant communiste chilien Luis Corvalán, s'est vu refusé le droit d'être candidat à l'élection du 2 mars prochain.
Selon la nouvelle loi électorale de 2005, tout candidat dont le parti n'est pas représenté à la Douma doit obligatoirement réunir les signatures d'au moins 500 partisans et collecter également 2 millions de signatures d'électeurs. Celles-ci doivent être recueillies dans au moins la moitié du pays. Le seuil de participation obligatoire de 50% minimum a été abrogé tout comme la possibilité de voter "contre tous les candidats".
4 personnalités sont candidates, soit –3 par rapport au scrutin du 14 mars 2003 et le plus faible nombre jamais enregistré :
- Dmitri Medvedev (ER), 42 ans, actuel 1er-vice Premier ministre du gouvernement dirigé par Viktor Zoubkov. Il est soutenu par Russie juste (SR) de Sergueï Mironov, Force civile et le Parti agrarien (APR) de Vladimir Plotnikov ;
- Guennadi Ziouganov (Parti communiste, KPRF), 63 ans, fondateur et leader du parti, principal parti d'opposition à la Douma ;
- Vladimir Jirinovski (Parti démocrate libéral, LDPR), 61 ans, leader nationaliste et populiste qui vote toujours en faveur des lois du Kremlin ;
- Andreï Bogdanov (Parti démocratique de Russie, DPR), 37 ans.
De ces 4 candidats, Andreï Bogdanov est le seul à avoir eu besoin de collecter 2 millions de signatures, son parti ayant recueilli 0,13% aux élections législatives du 2 décembre dernier.
Mikhaïl Kassianov, leader de l'Union populaire et démocratique (RNDS), s'est vu refuser le droit à être candidat le 27 janvier dernier, la Commission électorale ayant jugé que 80 147 des 2 067 000 signatures qu'il avait recueillies, soit 13,36% du total, n'étaient pas valides, soit plus que le seuil de 5% autorisé. Ancien Premier ministre de Vladimir Poutine de 2000 à 2004, Mikhaïl Kassianov est devenu un opposant. Il affirme que deux événements, l'affaire Ioukos (le 25 octobre 2003, Mikhaïl Khodorkovski, ancien patron de la compagnie pétrolière IoukosSibneft, était arrêté. Il purge actuellement une peine de 8 ans de prison pour fraude fiscale. Le 19 décembre 2004, après que le fisc russe lui a réclamé un arriéré d'impôts d'un équivalent de plus de 3 milliards de dollars et que l'entreprise s'est déclaré en faillite, Iouganskneftegas, la principale filiale de Ioukos, était vendue aux enchères) et la prise d'otages de Beslan (le 1er septembre 2004, des terroristes prenaient des centaines d'enfants et d'adultes en otage dans une école de Beslan en Ossétie du Nord. Les forces spéciales russes donnaient l'assaut après 3 jours de siège. On dénombrera 344 morts dont 186 enfants) lui ont ouvert les yeux sur la véritable nature du régime actuel. Mikhaïl Kassianov est plutôt impopulaire auprès des Russes qui le soupçonnent de corruption durant les années où il a exercé le pouvoir. "Le pays s'est finalement mis en route sur un terrain glissant vers le totalitarisme avec un pouvoir illégitime et irremplaçable. Cette élection sera une farce. J'appelle les citoyens à ne pas voter, à ne pas participer à cette farce" a t-il déclaré après que la Commission électorale a refusé de l'enregistrer.
"Le pouvoir n'avait pas peur qu'il gagne, car le candidat du Kremlin Dmitri Medvedev est largement plus populaire. Mais Mikhaïl Kassianov aurait pu commencer à critiquer le pouvoir à la télévision, arguments forts à l'appui" affirme le politologue Mark Ournov. Cette décision des autorités russes peut également être vue comme un désir de diviser encore davantage les forces de l'opposition.
L'ancien Secrétaire général du Parti communiste de l'Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, s'est élevé contre la décision de la Commission électorale. "Nous avons besoin d'un ajustement de notre système électoral" a-t-il indiqué. S'il a souvent félicité Vladimir Poutine pour son gouvernement et les performances économiques du pays, Gorbatchev a plusieurs fois exprimé ses craintes face au manque de tolérance des autorités envers l'opposition politique et l'absence de médias indépendants.
Une élection jouée d'avance
Dmitri Medvedev a été nommé candidat de Russie unie (ER) par le 7e congrès du parti le 17 décembre dernier. Quelques jours avant sa nomination officielle, il avait demandé au Président russe de devenir son Premier ministre. "En me déclarant prêt à me porter candidat à l'élection présidentielle, je demande à Vladimir Poutine d'accepter le gouvernement de la Russie après l'élection du nouveau Président" avait-il déclaré le 11 décembre, ajoutant "Il est important de préserver l'efficacité de l'équipe formée par le Président actuel". Le 17 décembre, le Chef de l'Etat sortant lui répondait : "si les gens accordent leur confiance à Dmitri Medvedev et s'il est élu Président de la Fédération, alors je serai prêt à continuer en tant que chef du gouvernement sans changement dans les attributions de pouvoir entre le Président et le Premier ministre".
Fin janvier, le président du Conseil de la Fédération, Chambre haute du Parlement, et le leader de Russie juste, Sergueï Mironov, a suggéré que Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev se passent le relais pour occuper le Kremlin jusqu'en... 2033 tout en respectant l'esprit de la Constitution qui n'autorise pas plus de deux mandats consécutifs.
"Dans un premier temps, il est à peu près certain que Vladimir Poutine exercera une influence énorme sur la politique russe. Mais la suite reste inconnue. Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev ont peut-être passé un pacte en vertu duquel l'actuel Président reprendra sa place au Kremlin dans 1 ou 2 ans" analyse le politologue Vladimir Pribylovski.
Dmitri Medvedev a fait toute sa carrière dans le sillage de Vladimir Poutine qu'il a connu à la mairie de Saint-Pétersbourg, dont il est originaire comme l'actuel Président. En 1999, il le suit à Moscou pour mener sa campagne électorale. Nommé président du Conseil d'administration de Gazprom en juin 2000, il devient, en 2003, chef de l'administration présidentielle. En novembre 2005, il obtient le poste de 1er vice-Premier ministre chargé des grands projets nationaux.
Le candidat officiel du Kremlin promet la stabilité, la continuité, la lutte contre la corruption, l'amélioration du système de santé, du système éducatif, du secteur agricole, du niveau des pensions de retraite et du logement. "Nous avons besoin de réduire considérablement la pauvreté. L'essentiel pour notre pays, c'est la poursuite du développement calme et stable. Il nous faut juste des décennies de développement stable, ce dont notre pays a été privé au XXe siècle" a souligné Dmitri Medvedev. Vladimir Poutine a fait savoir qu'il gardera la main sur la politique économique, tandis que Dmitri Medvedev se concentrera sur la politique sociale. "Il ne s'agit plus de lutte contre le terrorisme ni de rétablir l'ordre en Tchétchénie ou dans les rangs de l'armée. Les priorités sont désormais le développement économique et social du pays. Dmitri Medvedev a pour mission principale d'améliorer le niveau de vie des Russes" déclare Leonid Poliakov, politologue proche du Kremlin.
Dmitri Medvedev a refusé de participer à des débats télévisés avec les autres candidats durant cette campagne électorale, ce que Vladimir Poutine avait fait avant lui lors des précédents scrutins présidentiels et les candidats de Russie unie aux élections législatives du 2 décembre dernier. Selon une enquête d'opinion réalisée par l'institut Levada à la fin du mois de janvier, 73% des Russes pensent que Dmitri Medvedev devrait participer aux débats préélectoraux.
Du côté des autres candidats, Guennadi Ziouganov propose la nationalisation des ressources naturelles et promet une baisse de l'inflation, une hausse des salaires, des créations d'emplois et une amélioration des infrastructures. Vladimir Jirinovski se pose en défenseur de la Russie contre ses ennemis extérieurs et prône un renforcement de l'armée, ainsi qu'un plus grand soutien à l'agriculture et l'amélioration du logement. Enfin, Andreï Bogdanov est favorable à l'adhésion de son pays à l'Union européenne dans les 10 prochaines années, l'augmentation des salaires et des pensions de retraite. Les 3 candidats se sont également engagés en faveur du combat contre la corruption. Selon un sondage réalisé à l'été 2007 par l'institut Levada, 43% des Russes estiment que la corruption constitue le principal frein au développement économique de leur pays.
Selon une enquête d'opinion réalisée les 26 et 27 janvier derniers par l'institut VTsIOM, Dmitri Medvedev recueillerait 74% des suffrages, Guennadi Ziouganov 12,8%, Vladimir Jirinovski 11,5% et Andreï Bogdanov 0,9%. La participation devrait atteindre 70,7%. L'enquête montre également que Vladimir Poutine reste toujours celui auquel les Russes accordent la plus grande confiance : sa cote de confiance s'élève à 60%, contre 30% pour Dmitri Medvedev.
"Pour cette élection présidentielle, il s'agit de convaincre les électeurs qu'en élisant Dmitri Medvedev, ils élisent Vladimir Poutine" indique l'analyste politique Dmitri Gousev. L'opération semble partie pour être un grand succès.
Rappel des résultats de l'élection présidentielle du 14 mars 2004 en Russie
Participation : 64,27%
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