Analyse

Élection présidentielle et référendum en Slovaquie, 3 et 17 avril 2004

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

-

3 avril 2004
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Pour la deuxième fois depuis l'indépendance de leur pays le 1er janvier 1993, les Slovaques éliront les 3 et 17 avril prochains leur Président de la République au suffrage universel direct. La Constitution slovaque a été modifiée en 1999 pour permettre à la population de choisir le chef de l'Etat qui était jusqu'alors élu par les cent cinquante membres du Conseil national de la République slovaque. L'actuel Président, Rudolf Schuster (Parti de l'Entente civique, SOP), avait été élu le 29 mai 1999 au deuxième tour de scrutin, recueillant 57,2% des suffrages, contre 42,8% à son adversaire Vladimir Meciar (Mouvement pour une Slovaquie démocratique, HZDS).

La fonction présidentielle

La Slovaquie est une République parlementaire au sein de laquelle le Président de la République possède peu de pouvoirs, notamment en matière de politique intérieure. Elu pour cinq ans, il nomme le Premier ministre ainsi que son cabinet, il est le commandant en chef des forces armées slovaques, il négocie et ratifie les accords internationaux, promulgue les lois et peut accorder des amnisties.

Tout candidat à la Présidence de la République doit obligatoirement présenter quinze mille signatures de citoyens ou celle de quinze parlementaires soutenant sa candidature. Le premier tour de l'élection se déroulera le 3 avril. Si, comme c'est fort probable, aucun candidat n'y obtient la majorité absolue, un second tour aura lieu le 17 avril suivant.

Douze personnalités sont officiellement candidates à la Présidence de la République :

- Rudolf Schuster, 70 ans, actuel Président ;

- Vladimir Meciar (HZDS), 61 ans, ancien Premier ministre (1994-1998) ;

- Eduard Kukan, 64 ans, ancien diplomate et actuel ministre des Affaires étrangères, candidat de l'Union démocratique et chrétienne slovaque (SDKU) du Premier ministre Mikulas Dzurinda ;

- Ivan Gasparovic (HZD), ancien bras droit de Vladimir Meciar, aujourd'hui son rival. Cet ancien porte parole du Conseil national de la République slovaque (1994-1998) est soutenu par la formation SMER (Direction) ;

- Frantisek Miklosko, 56 ans, député, candidat du Mouvement chrétien démocrate (KDH), membre de la coalition gouvernementale, soutenu par le Parti de la coalition hongroise (SMK) ;

- Lubo Roman, 59 ans, acteur, président du gouvernement régional de Bratislava, soutenu par l'Alliance du nouveau citoyen (ANO), formation appartenant à la coalition gouvernementale ;

- Martin Butora, 59 ans, politologue, ancien ambassadeur slovaque aux Etats-Unis (1999-2003) ;

- Jan Kralik ; membre du Parti de la gauche démocratique (SDL) ;

- Josef Kalman ; ancien vice Premier ministre de Slovaquie ;

- Stanislav Bernat ; chef de la délégation slovaque au Conseil de l'Europe et maire de Martin ;

- Josef Sestak ; ancien secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères et ancien ambassadeur de Slovaquie en Autriche ;

- Julius Kubik, de nationalité slovaque et suisse, fondateur du Parti populaire pour une Slovaquie helvétique et membre fondateur du Club suisse de la presse. Le principal point de son programme tient dans sa volonté de renouveler le personnel politique slovaque.

La campagne électorale

L'actuel Président Rudolf Schuster s'est présenté en sauveur du pays pour justifier sa candidature. « Il serait irresponsable de fermer les yeux devant les problèmes de notre pays » a t-il déclaré. Durant ces derniers mois, le Président s'est montré très critique envers le gouvernement de Mikulas Dzurinda, lui reprochant notamment ses réformes économiques et s'attirant ainsi la sympathie des syndicats et d'une partie de l'opposition. De son côté, Vladimir Meciar, père de l'indépendance slovaque et ancien Premier ministre controversé -durant les quatre ans où la Slovaquie a été dirigée par le leader du HZDS, le pays a connu une période d'isolement sur la scène internationale, l'Union européenne et l'OTAN s'élevant contre les positions autoritaires de son Premier ministre- a annoncé : « Ma candidature a pour but d'aider au processus d'intégration qui se réalise en Europe, d'aider à la coopération au sein de l'Union européenne et de l'OTAN ainsi qu'à l'approfondissement des relations avec nos voisins ». Vladimir Meciar, longtemps anti européen, se présente depuis les dernières élections législatives des 20 et 21 septembre 2002 comme favorable à Bruxelles et à l'intégration de son pays dans l'Union. Aujourd'hui, Vladimir Meciar juge injustes les accusations portées contre son passé. « Ce sont des opinions dépassées. Depuis, six ans ont passé » affirme t-il.

Le référendum

Le jour du premier tour de l'élection présidentielle se déroulera également un référendum pour décider s'il faut ou non organiser des élections législatives anticipées. Ce référendum résulte d'une pétition émanant de la Confédération des syndicats slovaques (KOZ) qui proteste contre les réformes économiques et sociales mises en place depuis un an par le gouvernement de Mikulas Dzurinda. Les syndicats ont recueilli la signature de six cent six mille Slovaques alors que trois cent cinquante mille paraphes suffisent, selon la Constitution du pays, pour exiger la tenue d'un référendum. L'initiative des syndicats est soutenue par les trois formations d'opposition au Parlement, le Mouvement pour une Slovaquie démocratique de Vladimir Meciar, le SMER, dirigé par Robert Fico et le Parti communiste de Slovaquie (KSS). Cependant, le parti de Vladimir Meciar, tout en rappelant que le référendum est un droit inaliénable, a affirmé ne pas approuver l'éventuel renversement du gouvernement actuel. « Il n'y a pas d'alternative à ce gouvernement et aucun signe d'accord n'est en vue parmi les formations de l'opposition, ce qui est très dommageable » a déclaré Vladimir Meciar. Les dernières élections législatives ont eu lieu les 20 et 21 septembre 2002 et les prochaines devraient normalement se tenir à l'automne 2006.

Le référendum ne sera déclaré valide que si une majorité d'électeurs inscrits y participent. Or, sur les cinq précédents référendums organisés par le gouvernement slovaque depuis l'indépendance du pays (1993), quatre ont échoué faute d'une participation suffisante (en 1997, les Slovaques se sont prononcés sur l'OTAN et les privatisations et, en 1999, sur l'élection du Président de la République au suffrage universel direct et sur la tenue d'élections législatives anticipées), un seul, celui sur l'adhésion à l'Union européenne (16-17 mai 2003), ayant été validé (la participation a cependant été faible, 52,15%). Après le dépôt de la pétition, le Président a, selon la Constitution, trente jours pour convoquer le référendum qui doit obligatoirement avoir lieu dans les trois mois suivant sa proclamation. Rudolf Schuster a donc choisi de faire coïncider le premier tour de l'élection présidentielle avec ce référendum, une décision qui a été critiqué par les formations de la coalition gouvernementale du Premier ministre Mikulas Dzurinda qui accuse le Président d'utiliser le référendum pour faciliter sa propre réélection. « Il est particulièrement malhonnête de tenter d'exploiter le mécontentement issu des réformes impopulaires mais nécessaires que le gouvernement a eu le courage de mettre en place » a affirmé le Premier ministre. « Le choix de lancer le référendum le jour du premier tour de l'élection présidentielle a été prise pour assurer les meilleurs conditions d'une vaste participation des électeurs slovaques » lui a répondu Rudolf Schuster. La dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut MVK durant la première semaine de mars indique que 62% des électeurs s'apprêtent à voter pour le référendum ; un autre sondage de l'institut de la recherche sur l'opinion publique effectué début mars souligne que 54% se prononceraient en faveur d'élections législatives anticipées.

Selon les enquêtes d'opinion, Eduard Kukan arriverait en tête du premier tour de l'élection présidentielle le 3 avril prochain, recueillant 27,9% des suffrages. Il serait suivi de Vladimir Meciar (22,4% des voix), Ivan Gasparovic (15,8%), Rudolf Schuster (15,5%), Frantisek Miklosko (6,7%) et Martin Butora (6,3%). Le 15 mars dernier, Lubo Roman, soutenu par la formation gouvernementale, l'Alliance du nouveau citoyen (ANO), a décidé de se retirer de la course présidentielle et s'est prononcé en faveur d'Eduard Kukan, candidat également soutenu par le gouvernement. La bataille présidentielle se jouera très probablement entre le ministre des Affaires étrangères Eduard Kukan et l'ancien Premier ministre Vladimir Meciar. Mais il est néanmoins difficile d'évincer complètement le Président Rudolf Schuster, qui pourrait profiter des difficultés actuelles du gouvernement, ou Ivan Gasparovic qui bénéficie du soutien du très populaire Robert Fico.

Rappel des résultats de l'élection présidentielle des 15 et 29 mai 1999:

Participation : 70,07%

Source Office des statistiques de la République slovaque

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