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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
Pour la première fois de son histoire, le Parti socialiste (PS) remporte les élections législatives qui se sont tenues le 20 février au Portugal à la majorité absolue des voix. « Le vieux mythe selon lequel seule la droite pouvait aspirer à obtenir une majorité absolue au Parlement est tombé » a déclaré son leader, José Socrates. Sa formation recueille 45,05% des suffrages et cent vingt des deux cent trente sièges du Parlement portugais (+ 25 par rapport au précédent scrutin législatif du 17 mars 2002). Rappelons qu'aucune formation politique n'avait obtenu de majorité absolue depuis plus de dix ans au Portugal. Le Parti social-démocrate (PSD) au pouvoir obtient son résultat le plus faible depuis 1983 : 28,69% des voix et soixante-douze députés (- 30). La Coalition démocratique unitaire (CDU), alliance du Parti communiste et des Verts emmenée par Jeronimo de Sousa, arrive en troisième position, recueillant 7,57% des suffrages et quatorze sièges (+ 2). Il devance légèrement le Parti populaire (CDS/PP), allié du Parti social-démocrate au pouvoir, qui obtient 7,27% des voix et douze députés (- 2). Enfin, le Bloc des gauches (BE), dirigé par Francisco Louça, réussit une véritable percée en recueillant 6,38% des suffrages (+ 3,6 points) et huit sièges au Parlement (+ 5). Les quatre députés élus par les Portugais de l'étranger ne seront connus que le 2 mars prochain.
Réunies, les forces de gauche obtiennent 59% des suffrages, un résultat qu'elles n'avaient jamais atteint dans toute l'histoire du Portugal. L'écart entre les deux principales formations politiques, le Parti socialiste et le Parti social-démocrate, est également le plus important jamais enregistré.
En dépit d'une campagne menée par un mystérieux groupe appelé « Un cap pour le Portugal » afin d'encourager les Portugais à exprimer leur défiance à l'égard de l'ensemble des hommes politiques, les électeurs se sont fortement mobilisés pour ces élections législatives. La participation atteint 65,02%, elle est en progression de 2,68 points par rapport au précédent scrutin du 17 mars 2002.
« Il est temps d'en finir avec le pessimisme, la désillusion et la défiance » a affirmé le leader socialiste, ajoutant qu'il mettait sa victoire « au service de la modernisation, la lutte contre le chômage et la pauvreté et la réduction des inégalités ». «Le fait que tant de Portugais aient voté et dans de telles proportions pour le Parti socialiste ne peut avoir qu'une lecture. Ce n'est pas seulement une majorité de rejet mais une majorité d'affirmation d'une alternative et d'une ambition, d'une volonté de changement. Ce n'est pas une majorité de protestation, c'est une façon de construire un nouvel avenir pour le Portugal » a également affirmé José Socrates. Une opinion que ne partage cependant pas Rui Oliveira Costa, directeur de l'institut d'opinion Eurosondage « Il ne s'agit pas d'un virage à gauche du Portugal mais simplement d'un discrédit de la droite » affirme t-il. Politologue à l'institut des sciences sociales de l'université de Lisbonne, Pedro Magalhaes souligne que « l'image de ce gouvernement –celui de Pedro Lopes Santana- auprès des électeurs était l'une des pires dont il y ait mémoire dans la démocratie portugaise. L'enjeu était d'empêcher le maintien de cette coalition au pouvoir ».
« J'assume pleinement mes responsabilités. La responsabilité est celle de celui qui gouverne. Je voulais gagner ces élections et j'avais publiquement dit que la victoire serait de les remporter » a indiqué l'ancien Premier ministre Pedro Santana Lopes (PSD) en indiquant qu'il allait demander la convocation d'un congrès extraordinaire de sa formation afin que les militants se prononcent sur les résultats des élections législatives et l'avenir du parti. « Un cycle politique se termine. Malheureusement, je ne peux pas dire que j'ai eu tout ce que j'ai demandé ou tout ce que j'attendais de la part des responsables de ma formation » a t-il tenu à ajouter. Le leader social-démocrate a rencontré, ces derniers mois, de nombreuses oppositions, y compris au sein de sa propre formation. Ainsi, l'ancien Premier ministre (1985-1995), Anibal Cavaco Silva, a refusé que son image soit utilisée durant la campagne électorale. « Connaissez-vous un homme politique aussi maltraité que moi ? » avait écrit Pedro Santana Lopes dans une lettre envoyée à tous les Portugais, « Nous avons quelque chose en commun, nous ne sommes pas à l'aise dans ce système » concluait-il.
L'ancien Premier ministre a néanmoins reçu durant sa campagne le soutien du Président de la Commission européenne et ancien Premier ministre du Portugal. « Je veux exprimer ma solidarité et ma confiance que le Parti social-démocrate saura une fois de plus être à la hauteur de ces responsabilités, qu'il a la capacité de continuer à aider le Portugal sur la voie de la justice sociale et du progrès » déclarait José Manuel Durao Barroso dans un spot télévisé diffusé sur les chaînes du pays, en évitant de mentionner le nom de son successeur à la tête du gouvernement.
Battu, le ministre de la Défense du gouvernement de Pedro Santana Lopes et président du Parti populaire, Paulo Portas, a annoncé sa démission de la tête de sa formation dès l'annonce des résultats. « J'ai subi une défaite personnelle » a t-il affirmé. Le leader populiste a estimé avoir échoué à atteindre les quatre objectifs qu'il s'était fixé : le fait que le CDS/PP contribue à la formation d'une majorité de centre-droit, qu'il parvienne à empêcher les socialistes de détenir la majorité absolue au Parlement, qu'il remporte au moins 10% des suffrages et enfin qu'il reste le troisième parti du Parlement.
Agé de quarante-sept ans et natif de la deuxième ville du pays, Porto, le nouveau Premier ministre José Socrates est un fervent admirateur du modèle scandinave. Ingénieur de formation, membre du Parti socialiste depuis 1981, il est entré au Parlement en 1987 et s'est particulièrement illustré dans la défense des droits des consommateurs. Un an après sa première élection, l'hebdomadaire L'Expresso le désignait « meilleur nouveau député ». En 1995, José Socrates devient secrétaire d'Etat à l'Environnement puis ministre adjoint au Premier ministre de l'époque Antonio Gutteres (PS), responsable de la Jeunesse, des Sports et de la lutte contre la drogue. Nommé ministre de l'Aménagement du territoire en 1999, il obtient que le Portugal soit désigné comme pays organisateur du championnat d'Europe de football en juin 2004.
Pour résoudre la crise économique et sociale qui frappe le Portugal, José Socrates souhaite réformer la fonction publique, qui emploie sept cent cinquante mille personnes et représente 15% du PIB national, et diminuer les effectifs des fonctionnaires en ne remplaçant qu'un départ à la retraite sur deux. Il a pour objectif de faire renouer le pays avec la croissance économique en créant cent cinquante mille emplois grâce à un « choc technologique » qui devrait accroître les qualifications et permettre un réel développement de la recherche et de l'innovation. Deux Portugais sur dix seulement possèdent l'équivalent du baccalauréat, contre les deux tiers dans l'ensemble des pays occidentaux. Le nouveau Premier ministre est cependant resté discret durant la campagne sur les moyens avec lesquels il mènerait à bien sa politique. La majorité absolue qu'il a obtenue au Parlement lui permettra d'avoir les mains libres pour mettre en œuvre son programme.
Le Premier ministre espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, qui fêtait lui-même la large victoire du « oui » au référendum sur la ratification de la Constitution européenne organisé le jour même des élections législatives portugaises dans son pays, a félicité son voisin pour son succès. « Après une longue période, les horloges de l'Espagne et du Portugal marquent la même heure » a t-il déclaré.
Favorable comme son prédécesseur à l'organisation d'un référendum sur la Constitution européenne, José Socrates devrait convoquer les électeurs aux urnes assez rapidement. Initialement prévue en avril prochain, cette consultation populaire a été repoussée et reste à fixer dans un calendrier électoral déjà très chargé puisque les Portugais devront élire leurs représentants locaux à l'automne prochain (entre le 14 septembre et le 14 octobre) et leur Président de la République en tout début d'année prochaine.
Rappel des résultats des élections législatives du 20 février 2005
participation : 65,02%

* : Les quatre députés élus par les Portugais de l'étranger seront connus le 2 mars prochain.
Source : Agence Lusa
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