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La coalition emmenée par l'ancien président Sali Berisha arrive largement en tête des élections législatives albanaises

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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3 juillet 2005
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

La coalition, emmenée par le Parti démocratique (PD) de l'ancien Président de la République (1992-1997) Sali Berisha, arrive largement en tête des élections législatives qui se sont déroulées en Albanie le 3 juillet dernier, recueillant environ 45% des suffrages et remportant cinquante-cinq des cent sièges du Parlement attribués au scrutin majoritaire (les quarante autres sont attribués au scrutin proportionnel de liste), contre 30% des voix et quarante-deux sièges pour le Parti socialiste (PSSH), dirigé par le Premier ministre sortant Fatos Nano. Celui-ci devrait, s'il respecte sa promesse faite durant la campagne électorale, quitter la scène politique. Plusieurs des ministres du gouvernement sortant, dont ceux des Affaires étrangères, de l'Intérieur, des Finances, des Transports et de l'Agriculture, ont été battus lors de ce scrutin. En outre, les socialistes ont perdu leurs fiefs de Tirana et de Durres où les électeurs se sont laissés séduire par le Mouvement socialiste pour l'Intégration (MSI), parti fondé il y a un an par l'ancien Premier ministre, dissident du PSSH, Ilir Meta. « Ceux qui votent pour Ilir Meta votent pour Sali Berisha » avait prévenu Fatos Nano avant les élections mais le MSI, crédité de 8% des suffrages, est parvenu à mordre sur l'électorat habituel des socialistes. Le Nord du pays a voté en majorité pour le Parti démocratique ; le Sud, plus proche du Parti socialiste, s'est prononcé pour la formation dirigée par Fatos Nano. Mille deux cent cinquante-trois candidats, issus de vingt-deux partis et coalitions, étaient en lice pour ce scrutin.

« Ces élections législatives doivent confirmer l'adoption par la société des normes démocratiques européennes. Elles doivent être gagnées par l'Albanie et les Albanais plus que par les partis. J'appelle toutes les formations politiques à reconnaître les résultats et à ne pas les contester. Respecter les critères en matière électorale est plus important que le résultat » avait déclaré le Président de la République Alfred Moisu quelques jours avant le scrutin. Depuis la chute de la dictature communiste au début des années quatre vingt dix, les élections ont toujours été, en Albanie, marquées par de nombreuses irrégularités et de violents incidents. Pour ce scrutin, plus de six mille cinq cents policiers avaient été affectés près des quatre mille sept cents bureaux de vote et l'armée avait été appelée à surveiller les bâtiments publics. L'Union européenne et les Etats-Unis, par la voix de leur ambassadrice Marcie Ries, avaient fait du scrutin un test « de la progression de l'Albanie vers son intégration dans les structures euro-atlantiques ». Le Haut représentant pour la politique étrangère de l'Union européenne, Javier Solana, s'est félicité de « la tenue pacifique » des élections législatives. « Je note cependant que les premiers compte-rendu font état de certaines irrégularités » a-t-il souligné, précisant que « celles-ci doivent être examinées de près et réglées afin de ne pas se reproduire à l'avenir ».

« Ceux qui ont gagné, ce sont les électeurs albanais qui ont voté dans le calme et ont respecté le scrutin » a déclaré Ilirian Celibashi, président de la commission électorale centrale. Cette dernière a signalé quelques irrégularités, essentiellement des problèmes de listes électorales ainsi que des cas de vote en famille, pratique ancienne permettant au chef de famille de voter pour tous ses parents. De leur côté, les observateurs internationaux chargés de veiller au bon déroulement de ces élections législatives ont indiqué que celles-ci avaient « globalement respecté les normes démocratiques ». « Quelques problèmes ont cependant été constatés qui ont jeté une ombre sur le processus » a ajouté le chef de la mission de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Jürgen Grunnet. La représentante du Conseil de l'Europe, Moregn Ostengaard, a souligné « la nécessité de poursuivre les réformes, notamment celles destinées à rendre les listes électorales plus fiables avant les prochaines élections locales ». Les deux principales formations se sont accusées mutuellement d'être responsables de ces incidents. « Sali Berisha a violé les standards de ces élections » a déclaré Fatos Nano. « Fatos Nano est responsable d'un scrutin entaché d'irrégularités » a affirmé la secrétaire générale du Parti démocratique, Jozefina Toppalli.

Sali Berisha retrouve donc le pouvoir huit ans après en avoir été chassé par des émeutes consécutives à l'effondrement du système de pyramides financières. Encouragé par le Président de la République, ce système offrait des placements à des taux d'intérêt atteignant 100%. Environ 70% des familles albanaises y avaient placé leurs économies. Accusé par les socialistes d'avoir « les mains couvertes de sang » (deux mille personnes sont mortes durant les émeutes de 1997), Sali Berisha assure avoir changé et s'est engagé à faire oublier le souvenir de la fin de sa présidence.

Agé de soixante et un ans, le futur Premier ministre, cardiologue de formation, est le fondateur du Parti démocratique. Il est à la tête du mouvement qui a fait chuter le régime d'Enver Hoxha. Elu Président de la République en 1992 après la victoire de sa formation aux premières élections législatives libres du pays, Sali Berisha gouverne l'Albanie d'une main de fer. Hostile à une chasse aux sorcières, il fait juger pour génocide des dizaines d'anciens dirigeants communistes. « Je me suis opposé au régime communiste parce que je me suis senti co-responsable de la dictature » a-t-il déclaré.

« C'est la politique des mains propres qui a gagné » a déclaré le futur Premier ministre qui a promis de construire un « Etat social » en libérant l'entreprise privée. Considéré par tous comme « incorruptible », il a promis de résoudre la question de la corruption en cent jours. « L'Albanie n'est pas le seul pays corrompu au monde mais c'est le seul à l'avoir érigé en système. Je vais éradiquer la corruption, aider les investissements étrangers en brisant les mafias en cheville avec le gouvernement qui aujourd'hui les bloquent» affirme Sali Berisha, mettant ainsi ouvertement en cause le Premier ministre sortant. Le leader du Parti démocratique n'hésite d'ailleurs pas à affirmer : « Fatos Nano est le chef des clans mafieux contrôlant le gouvernement le plus corrompu des Balkans ». Interrogé sur la façon selon laquelle il luttera contre le fléau de la corruption, le futur Premier ministre promet de diminuer de 50% le taux des impôts, et ce dès sa première semaine au pouvoir. « Je vais beaucoup couper dans les dépenses de l'administration, me battre contre la corruption en commençant par ce qui se passera dans mon propre gouvernement » a-t-il affirmé. « Nous avons renversé la tyrannie ensemble en 1992. Le temps est venu désormais de combattre la pauvreté et de soigner les maladies ensemble » a-t-il déclaré à ses électeurs.

Par ailleurs, contrairement au Premier ministre sortant Fatos Nano, attaché à conserver de bonnes relations avec l'ensemble des dirigeants de la région et pour qui le dossier du Kosovo n'a jamais constitué une priorité, Sali Berisha est très attaché à l'indépendance de la province, placée sous protectorat international depuis 1999. Sa victoire ne devrait donc pas être sans conséquences quant à l'avenir du Kosovo.

« Nous savons tous très bien que Sali Berisha peut devenir dangereux, mais c'est probablement la seule personne honnête d'Albanie. Les gens comptent sur lui pour arrêter la corruption. Ce qu'il faudrait, c'est qu'il ne reste pas trop longtemps au pouvoir » souligne le journaliste M. Lumi. Selon un récent rapport des Nations Unies, un quart des Albanais vivent au-dessous du seuil de pauvreté (moins de deux dollars par jour). De son côté, le dernier rapport de la Banque mondiale fait état d'une situation économique désastreuse, voire pire qu'elle ne l'était en 1996, et déplore l'absence d'amélioration dans la lutte contre la corruption et le crime organisé. Le trafic de drogue et la prostitution rapporteraient aux différentes mafias albanaises près de deux fois le budget de l'Etat (environ quatre milliards d'euro par an).

Le nouveau Premier ministre n'aura donc pas trop de ses quatre années de mandat pour mener à bien la lourde tâche qui est la sienne, celle de faire entrer l'Albanie dans la modernité et le développement. Sali Berisha est favorable à l'entrée de l'Albanie dans l'Union européenne et dans l'OTAN.

Résultats des élections législatives en albanie le 3 juillet 2005

participation : 56%

source : commission électorale centrale albanaise

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