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Supplément à la Lettre n°220

La société européenne : Les atouts du droit français face au « law shopping » européen

La société européenne : Les atouts du droit français face au « law shopping » européen
11/07/2005

Introduction



Face à l'intensification des échanges internationaux, les différents pays de l'Union européenne tentent d'adapter leur réglementation pour permettre aux entreprises européennes de mieux se structurer et de favoriser leur développement en Europe et à travers le monde.

C'est dans ce cadre que la forme juridique de la Société Européenne (SE) fait un retour sur le devant de la scène juridique et politique française depuis la fin du mois de juin 2005.

En effet, la SE est née, après une très longue gestation, lors du Conseil européen de Nice des 7 et 8 décembre 2000, au cours duquel les Etats membres de l'Union européenne se sont accordés sur le principe de la création d'un statut de Société Européenne afin de renforcer l'efficacité du marché intérieur. La SE a ensuite été consacrée par un Règlement et une Directive communautaires [1] en date du 8 octobre 2001.

La SE a pour objectif d'offrir aux entreprises dont l'activité transnationale s'y prête, une formule leur permettant de mener à bien la réorganisation de leurs activités à l'échelle communautaire et de permettre aux acteurs économiques d'agir sous la forme d'une seule société opérant par le biais d'établissement dans les Etats membres.

Sur le fond, la SE offre de nouvelles possibilités de réaliser des opérations transfrontalières avec plus de simplicité, plus d'efficacité et une sécurité juridique accrue.

Sur la forme, la SE est aussi l'aboutissement d'un long processus qui a souffert des divergences entre les Etats membres, mais qui a su les surmonter, pour franchir un pas important dans le processus d'harmonisation.

L'ensemble des textes applicables à la SE devait encore être complété par des mesures techniques au niveau de chaque Etat membre, afin de permettre la constitution d'une Société Européenne à partir du 8 octobre 2004.

Force est de constater qu'en juin 2005, à peine plus d'une dizaine des vingt cinq Etats membres [2] ont mis leur législation en conformité avec les textes relatifs à la SE.

La France essaie aujourd'hui de combler son retard en adaptant sa législation. En effet, le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie actuellement débattu devant le Parlement intègre dans sa dernière version adoptée par le Sénat dans la nuit du 5 au 6 juillet 2005, les dispositions nécessaires à l'introduction en droit français de la forme juridique de la SE.

Cette évolution mérite d'être soulignée à plusieurs titres puisque, si elle se concrétise, elle aboutira d'une part à une évolution du droit français dépassant parfois le cadre de la SE, et d'autre part à un progrès pour l'Union européenne et ses entreprises, puisque les entreprises françaises pourront participer à la création de SE.

Mais cette évolution attendue expose encore plus la France au risque de voir ses entreprises quitter l'hexagone au profit d'un autre Etat membre où la législation et la fiscalité sont plus attrayantes.

Or, l'analyse des mesures d'adaptation du droit français qui sont envisagées fait ressortir un souhait d'offrir plus de souplesse aux SE ayant leur siège social en France et aux entreprises françaises en général. Néanmoins, il reste une marge de progression considérable pour atteindre certains standards européens. Certaines évolutions ciblées de la législation, notamment fiscale, permettraient peut-être de rendre la France plus attractive pour les sociétés et de favoriser grandement l'implantation communautaire des entreprises françaises.

I - Transposer le droit communautaire tout en favorisant les entreprises françaises



Les spécificités de la SE découlent à la fois des règles de droit communautaire et des règles de droit national. Elles peuvent profiter aussi bien aux très grands groupes largement implantés en Europe, qu'aux PME implantées seulement dans deux ou plusieurs Etats membres. Cette forme semble cependant moins adaptée pour les très petites entreprises.

L'introduction en droit français de la SE suit une méthode spécifique découlant du lien étroit entre le Règlement et la Directive, c'est-à-dire entre le droit des sociétés et le droit du travail.

A) Les apports de la SE issus du droit communautaire



Sur le fond, le Règlement communautaire sur la SE et la Directive communautaire sur l'implication des travailleurs salariés abordent certains aspects, comme le droit des sociétés et le droit du travail, mais ne traitent pas d'autres aspects comme la fiscalité, la concurrence, la propriété intellectuelle ou l'insolvabilité. En conséquence, les dispositions de droit national et de droit communautaire, ainsi que les statuts, sont applicables dans les domaines non couverts par le Règlement et la Directive.

Outre la possibilité de naître à la suite d'une fusion, la SE pourra être constituée sous la forme d'une holding ou d'une filiale commune. Elle pourra aussi résulter de la transformation d'une société anonyme nationale qui aura prouvé son caractère européen en ayant depuis deux ans une filiale dans un autre Etat membre.

Pour les aspects de droit du travail, la Directive sur l'implication des travailleurs prévoit que tout projet de constitution de SE devra s'accompagner de négociations avec les représentants des travailleurs des sociétés concernées afin d'organiser l'implication des travailleurs dans la SE. Si un accord est conclu sur cette implication, il s'applique. Si aucun accord ne peut être conclu, les dispositions dites de référence annexées à la Directive s'appliquent.

Ces dispositions visent dans tous les cas l'information et la consultation de la représentation des travailleurs sur la base de rapports réguliers établis par les dirigeants de la SE. Ces rapports portent sur l'évolution des activités de la SE: perspectives, production, ventes, situation et évolution probable de l'emploi, changements d'organisation, fusions, réductions d'activités, fermetures, licenciements collectifs.

Le Règlement permet ainsi aux sociétés d'Etats membres différents de réaliser des fusions transfrontalières réglementées en droit fiscal depuis une précédente Directive adoptée en 1990. Cette opération n'est toutefois pas encore juridiquement possible en droit des sociétés.

Une fusion aboutissant à la création d'une SE conduirait aussi à transformer les sociétés fusionnées en succursales. Cette structure d'une SE avec plusieurs succursales devrait ainsi faciliter la transmission et l'exécution des décisions stratégiques au sein d'une même entité juridique.

Les SE pourront également transférer leur siège social dans un autre Etat membre sans avoir, comme c'est souvent le cas actuellement, à se dissoudre dans l'Etat de départ et se reconstituer dans l'Etat d'arrivée avec tous les frais et les conséquences fiscales inhérents à une telle opération.

Pour illustrer l'apport de la SE, il est intéressant de rappeler que les groupes du secteur de la banque et de l'assurance, qui sont actifs en Europe, doivent composer avec les règles applicables en matière de ratios prudentiels et les exigences comptables spécifiques à leur activité. Ils recherchent donc à transformer leurs filiales en succursales. Ces opérations, aujourd'hui difficiles à réaliser avec simplicité et efficacité, seront largement facilitées par la SE.

Sur la forme, l'intérêt de l'introduction de la SE en droit français répond à un double objectif : d'une part l'obligation de transposer la Directive et d'autre part, l'opportunité d'édicter des règles spécifiques pour le SE en droit national.

Le recours à un Règlement communautaire renforce le caractère impératif fort des dispositions relatives à la SE, de par la portée générale et le caractère obligatoire de tous les éléments d'un tel texte. Un Règlement est en outre directement applicable dans tout Etat membre [3].

A la différence du Règlement, une Directive se contente de définir un objectif, laissant aux Etats membres les moyens d'y arriver. Cet instrument plus souple nécessite que chaque Etat membre transpose les principes de la Directive dans son droit interne. La Directive s'efface alors devant les dispositions du droit national de chaque Etat membre qui auront ainsi été harmonisées.

L'article 70 du Règlement prévoit à titre dérogatoire qu'il devrait entrer en vigueur que le 8 octobre 2004 [4] afin de différer son entrée en vigueur jusqu'à l'échéance de la période prévue pour la transposition de la Directive sur l'implication des travailleurs.

Cette coïncidence en matière de calendrier illustre la volonté affirmée de lier les aspects de droit des sociétés et ceux de droit du travail [5].

Il était donc impératif de transposer les dispositions de droit du travail issues de la Directive dans le droit national.

Par ailleurs, il existe aussi une forte interaction entre le droit communautaire et le droit national, puisque le Règlement sur la SE dispose que, outre les renvois directs des textes communautaires au droit national, ces derniers offrent aux Etats membres des opportunités explicites ou implicites de préciser, compléter ou adapter certains aspects de la réglementation applicable à la Société Européenne.

C'est dans cet état d'esprit que deux propositions de lois ont soumis un ensemble de suggestions en droit des sociétés et en droit du travail. Il s'agit des propositions présentées par Monsieur MARINI du 8 octobre 2003 et de Messieurs BRANGER et HYEST du 19 janvier 2004. Ces propositions visaient à introduire la SE en droit français et à offrir plus de souplesse à la Société Européenne pour rendre la France plus attirante et compétitive.

Néanmoins la date limite du 8 octobre 2004 a été dépassée sans que la France ait introduit la SE en droit Français, alors que d'autres pays l'avaient déjà fait. Il est même cocasse de constater que les pays ayant traditionnellement des systèmes plus développés de participation des salariés dans les sociétés, tels que l'Allemagne et l'Autriche avec la cogestion, ont introduit la SE dans leur droit national avant la France, alors qu'ils étaient initialement les plus réticents vis-à-vis de la SE !

Il devenait donc urgent d'accélérer les travaux parlementaires visant à introduire la SE en droit français.

B) Le projet visant à introduire la SE en droit français



Il a déjà été exposé que le Règlement a pour finalité de définir un cadre juridique uniforme. Les travaux menés en France visaient donc à préciser les contours de ce cadre juridique et à mettre à profit certaines facultés laissées par la Directive et le Règlement pour préciser le régime des SE qui auront leur siège social en France.

Les dispositions qui sont aujourd'hui transmises par le Sénat à l'Assemblée reprennent très largement les deux propositions de lois mentionnées ci-dessus. Elles ont en outre été soutenues à la fois par la commission des lois, la commission des finances et le gouvernement.

Ces projets visent à modifier le Code de commerce et le Code du travail en insérant diverses dispositions complétant le régime d'une SE ayant son siège social en France.

Les dispositions en droit des sociétés portent sur la constitution de la SE (rappel de la hiérarchie des normes applicables, caractéristiques de la SE unipersonnelle, …), la structure de la SE (nombreux renvois au droit applicable aux sociétés anonymes, lien avec les dispositions relatives à la participation des travailleurs, …), le fonctionnement de la SE (souplesse accrue pour les SE ne faisant pas appel public à l'épargne) et des dispositions diverses et de coordination.

Les dispositions en droit du travail portent sur l'insertion d'un chapitre intitulé « Implication des salariés dans la société européenne et comité de la société européenne » [6].

II - La SE en droit français : un premier essai à transformer



L'introduction de la SE en droit français, telle qu'elle est envisagée à ce jour, représente indiscutablement un progrès. C'est d'abord un progrès pour l'Europe et ses entreprises, puisque le champ d'application effectif de la SE s'élargit. C'est aussi un progrès pour la France, car en saisissant cette opportunité pour faire évoluer son droit interne, elle renforce son attractivité non seulement vis-à-vis des SE, mais aussi d'autres formes de société.

Toutefois, ces avancées méritent d'être complétées par d'autres dispositions, d'ordre fiscal en particulier, et doivent rester cohérentes.

A) Progresser sans rompre l'équilibre juridique



Le projet d'introduction de la SE en droit français a été l'occasion de faire évoluer le droit français. Les propositions les plus marquantes portent notamment sur les dispositions relatives au contrôle du capital des SE ne faisant pas appel public à l'épargne et l'insertion en droit français des Sociétés Anonymes unipersonnelles qui découle de la SE unipersonnelle.

Ces évolutions appellent les remarques suivantes :

1. La SE entre rigueur et souplesse



Depuis 1994, il existe en droit français, en plus de la forme juridique de la Société Anonyme (la SA), qui est relativement lourde et rigoureuse, celle de la Société par Actions Simplifiée (la SAS) qui est plus souple.

Alors que la SA offre de nombreuses garanties aux actionnaires et aux tiers, la SAS est plus adaptée aux hypothèses dans lesquelles, les actionnaires, les dirigeants ou les tiers sont plus avisés, ou plus impliqués, de sortent qu'ils ont besoin de moins de garanties, ou de garanties plus spécifiques. La liberté contractuelle est donc beaucoup plus présente dans la SAS.

Très vite, et surtout depuis 1999, les entreprises françaises ont plébiscité la forme juridique de la SAS, très appréciée car beaucoup plus adaptée à certaines situations. La SAS, a été conçue comme une société par actions, ce qui est aussi le cas de la SA, sans pour autant être une société « anonyme », afin d'échapper aux lourdeurs qui leur sont applicables. En quelque sorte, la SAS n'est pas une SA, mais elle partage des règles communes avec cette dernière.

En revanche l'Allemagne a une autre approche dans ce domaine. L'équivalent de la SAS est une « petite société anonyme » [7], qui est une société « anonyme », ayant des règles différentes de la société anonyme allemande !

Face à cette nuance juridique subtile, la difficulté consistait donc à préserver l'intérêt de la SAS tout en offrant un maximum des atouts de cette dernière à la SE qui établirait son siège social en France. La proposition aujourd'hui soumise à la commission mixte paritaire consiste à dupliquer une partie des dispositions spécifiques aux SAS au profit des SE. Les dispositions portent essentiellement sur le contrôle du capital social (droits de préemption et d'agrément, ainsi que des clauses d'inaliénabilité et d'exclusion).

Cet exemple démontre à la fois les atouts de la SAS qui illustrent la qualité de certaines évolutions du droit français des sociétés, et la volonté de la France de rester concurrentielle en Europe, au profit des entreprises françaises et communautaires.

2. Les caractéristiques de la SA unipersonnelle



Le droit des sociétés français actuel prévoit qu'une SA à conseil d'administration doit avoir au moins sept actionnaires. Le conseil d'administration doit être composé d'au moins trois administrateurs qui doivent obligatoirement être actionnaires.

De très nombreux entrepreneurs français ont choisi cette forme juridique, notamment parce qu'elle permettait au dirigeant de la société de cumuler une protection sociale et un régime fiscal favorable avec son statut de dirigeant. Pourtant, ces mêmes entreprises n'atteignaient que très rarement les nombres minimum d'administrateurs et d'actionnaires.

Dans ces circonstances, le recours à des prêtes noms, cessions d'actions en blanc ou prêts à la consommation d'actions (techniques souvent complexes, inefficaces, voire interdites) était très fréquent.

L'existence d'une SE unipersonnelle prévue par le Règlement invitait légitimement à adapter le droit des SA afin de mettre un terme à cette situation de fait.

La proposition de Monsieur MARINI consistait à offrir la possibilité aux SA ne faisant pas appel public à l'épargne de se constituer avec un seul actionnaire et de supprimer la nécessité pour les administrateurs de ces SA d'être actionnaires de la société.

Ces deux propositions n'ont cependant pas été retenues au cours des débats récents, alors qu'un autre amendement prévoyant la possibilité de créer des SA unipersonnelle a pour sa part été retenu !

Cette situation rend incohérente le projet de rédaction de l'article L 229-6 qui renvoie aux règles applicables à la Société à Responsabilité Limitée à associé unique. Cette rédaction est particulièrement surprenante dans la mesure où la disposition du Règlement qui vise les SE unipersonnelles justifie à lui seul la mise en place de la SA unipersonnelle.

En outre, il est à noter que l'amendement retenu prévoit que « la société anonyme à actionnaire unique est dirigée par un président désigné par l'actionnaire unique [...] » et que « les attributions dévolues [...] au conseil d'administration, à son président ou au directeur général sont exercées par le président de la société ».

Cet amendement semble donc incohérent à double titre. D'une part, le souhait de simplifier l'actionnariat d'une SA (actionnaire unique et administrateur non actionnaire) doit être dissocié de l'organisation de la direction de la SA.

D'autre part, le remplacement du conseil d'administration par un président tend à rapprocher la SA de la SAS. Mais cet objectif est dépourvu de moyens et tend plus à rendre confus le droit des sociétés français.

Il serait donc certainement plus efficace de maintenir inchangé le régime de la SAS et d'adapter le régime de la SA selon les propositions de Monsieur MARINI.

A ce stade, les débats au plan juridique démontrent l'intérêt de la souplesse. Il sera donc parfaitement utile de continuer les travaux relatifs à la mise en place d'une « société européenne simplifiée » et ceux relatifs aux projets de 10ème et 14ème directives permettant aux sociétés, autres que les SE, de réaliser des fusions transfrontalières et de transférer leur siège social.

B) Adapter certains principes de la fiscalité



Sur le plan fiscal, les SE seront traitées comme n'importe quelle société transnationale. En effet, le Règlement et la Directive ne comportent aucune disposition, en dehors des considérants, relatifs à la fiscalité.

Il convient toutefois de noter, pour être complet, qu'une disposition de la loi de finances pour 2005 vise explicitement le traitement fiscal du transfert de siège d'une SE. Cette confirmation sur le plan fiscal permet de mettre fin aux inquiétudes déjà manifestées sur ce point.

La mobilité dont va bénéficier la SE lui permettra de s'immatriculer dans un Etat membre plutôt qu'un autre.

Or l'état d'esprit du projet de loi français, souhaitant rendre la France plus compétitive, démontre bien que les différents Etats Membres se livrent à une certaine compétition pour attirer les entreprises, sources d'emplois et de produit fiscal.

Les dirigeants du Royaume Uni font partie de ceux qui ont manifesté explicitement leur refus d'harmoniser la fiscalité au plan communautaire, préférant maintenir ainsi une compétition entre les Etats membres.

Attendue ou redoutée par les Etats membres, cette compétition permettra certainement aux entreprises dont l'imagination et l'habileté ne manquent pas, de trouver parmi 25 régimes différents les solutions les plus adaptées.

En matière fiscale, la tâche reste immense. En dépit d'évolutions intéressantes, comme la proposition de modification de la directive fiscale communautaire sur les fusions qui date de 1990, l'idée d'un régime fiscal consolidé au plan européen est réclamé par tous, sans qu'aucun Etat n'accepte les remises en causes nécessaires. S'il est vrai qu'il est plus difficile de prendre de telles décisions en période de restriction budgétaire, chaque Etat membre, et la France en particulier, ne doit pas perdre de vue qu'une SE pourra s'immatriculer dans un autre Etat, tel que l'Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas ou le Danemark, qui semblent aujourd'hui beaucoup plus intéressants pour les entreprise sur le plan fiscal.

La France a beaucoup à perdre vu son régime fiscal basé sur la territorialité de l'impôt, qui devient une exception en Europe.

Face à l'absence de projet concret en matière d'harmonisation fiscale, l'immobilisme serait certainement une erreur. Ne conviendrait-il pas plutôt de continuer à travailler au plan communautaire dans le sens d'une harmonisation de la fiscalité, gage de sécurité pour l'économie et les entreprises européennes, tout en continuant en parallèle au plan national à adapter la législation fiscale pour maintenir une certaine attractivité.

Afin de concrétiser ces objectifs, la France aurait tout à gagner à élargir l'accès au régime du bénéfice mondial aux SE.

Le bénéfice mondial est un régime fiscal français spécifique accordé uniquement sur agrément du ministère de l'économie, dont bénéficient aujourd'hui une petite douzaine d'entreprises françaises seulement. Ce régime permet notamment de compenser les pertes réalisées par les filiales étrangères avec les bénéfices réalisés par la société mère française et de réaliser une économie fiscale en conséquence. Ce régime encourage donc très largement les implantations des groupes français à l'étranger.

Si ce régime peut apparaître comme exceptionnel en France, il souligne surtout l'exception française, puisque la règle du bénéfice mondial est un principe dans la quasi-totalité des autres Etats membres, où toutes les entreprises bénéficient de ce régime.

Sans bouleverser la fiscalité française, il serait donc intéressant de prévoir que les SE immatriculées en France auraient la faculté de bénéficier, de droit, du régime du « bénéfice communautaire », qui serait identique à celui du « bénéfice mondial », mais limité sur le plan géographique au territoire de l'Union européenne.

Si une telle disposition ne contrevient pas aux principes de libre circulation, la France devra étudier les impacts négatifs éventuels (baisse des rentrées fiscales) liés à une telle disposition et les retombées positives découlant de l'implantation ou du maintien de nombreuses SE en France.
Conclusion

La SE se présente donc comme un progrès évident pour les entreprises exerçant leur activité en Europe.

Alors que l'urgence a été décrétée, la commission mixte paritaire qui étudiera les dispositions d'introduction en droit français de la SE pourrait franchir avec succès un cap important pour la SE le 13 juillet 2005. L'introduction en France de la SE, sous réserve de quelques adaptations, permettrait aux entreprises françaises et européennes de réaliser plus facilement certaines opérations transfrontalières avec une sécurité juridique plus grande.

Il semble en outre nécessaire de continuer à travailler au plan français et communautaire, dans les domaines juridiques, fiscaux et sociaux afin de mieux répondre aux attentes des entreprises, afin de permettre le renforcement et le développement de l'Union européenne et de son économie.
[1] Règlement (CE) 2157/2001 relatif au statut de la SE et la Directive 86/2001 portant sur la question de l'implication des travailleurs dans la SE

[2] Allemagne, Autriche, Belgique, Finlande, Danemark, Royaume-Uni, Hongrie, Slovaquie, Malte, Islande et Suède

[3] Article 249 du traité CE

[4] La version française du Règlement disponible sur le site Internet de la Commission Européenne contient une erreur, puisque l'article 70 y vise le 8 octobre 2001 alors qu'il s'agit du 8 octobre 2004

[5] Voir le considérant 19 du Règlement

[6] articles L 439-25 à L 439-50 qui constituent le nouveau chapitre XI inséré dans le le titre III du livre IV du code du travail

[7] « kleine Aktiengesellschaft »
Directeur de la publication : Pascale JOANNIN
ISSN 2402-614X
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L'auteur
Etienne Mathey
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