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La confusion règne après les élections législatives en Allemagne où chacune des deux grandes formations revendique la victoire

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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19 septembre 2005
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

C'est la confusion qui dominait en Allemagne dimanche soir à l'issue de l'annonce des résultats des élections législatives qui ont mis à jour l'indécision de l'électorat face aux projets du SPD et de la CDU. Le système politique d'outre Rhin –deux « grands partis » (le Parti social-démocrate, SPD, et l'Union chrétienne démocrate, CDU-CSU) et deux « petits » partis (les Verts et le Parti libéral démocrate, FDP)- a été fortement ébranlé.

Les deux principales formations obtiennent des résultats parmi les plus faibles de leur histoire : 35,2% pour l'Union chrétienne-démocrate, soit deux cent vingt-cinq sièges au Bundestag, et 34,3% pour le Parti social-démocrate, soit deux cent vingt-deux sièges. Elles tombent, pour la première fois depuis 1949, sous la barre des 70% des suffrages.

A l'inverse, les « petits » partis se maintiennent -comme les Verts qui n'enregistrent qu'un très léger recul par rapport aux précédentes élections législatives du 22 septembre 2002, 8,1% (- 0,4 point) et cinquante et un sièges- ou progressent -comme le Parti libéral démocrate, qui obtient l'un de ses meilleurs résultats, 9,8%, soit 2,4 points de plus qu'il y a trois ans (soixante et un sièges).

Formation récemment arrivée sur la scène politique, le Parti de gauche (L) réussit sa percée en recueillant 8,7% des suffrages (cinquante-quatre sièges) et devançant très légèrement les Verts (de 0,5 point) mais ne parvient cependant pas à s'imposer comme la troisième formation politique du pays.

L'Union chrétienne-démocrate redevient la première formation allemande, mais elle peut être déçue de son résultat. Créditée de près de 49% des voix par les instituts de sondage il y a tout juste trois mois, la CDU-CSU recueille 35,3% des suffrages et obtient le deuxième plus mauvais résultat de son histoire (après les 35,2% lors des élections législatives de 1998). « Le Parti social-démocrate et les Verts ont été désavoués (...) Je voudrais dire au président du Parti social-démocrate : « L'élection est terminée, il est temps maintenant de former une coalition stable » Et cette mission nous a clairement été confiée à nous, l'Union chrétienne-démocrate » a déclaré Angela Merkel, présidente de la CDU-CSU, dimanche soir.

Angela Merkel sera très probablement tenue pour personnellement responsable de ce qui peut être perçu comme un échec. La « rupture » qu'elle préconisait durant cette campagne électorale semble avoir effrayé un grand nombre d'électeurs allemands. De surcroît, les propos de l'homme dont elle souhaitait faire son ministre des Finances, l'ancien juge constitutionnel et professeur de droit fiscal à l'université d'Heidelberg Paul Kirchhof, en faveur de l'instauration d'un taux moyen d'imposition de 25% pour tous les citoyens d'une réforme de la fiscalité ont été mal perçus par l'électorat et créé la controverse au sein même de l'Union chrétienne-démocrate. Enfin, les forces de droite sont apparues divisées durant la campagne. Ainsi, le Parti libéral-démocrate, allié de la CDU-CSU, s'est ouvertement opposé à la proposition de l'Union chrétienne-démocrate d'augmenter de deux points la TVA. Au sein de la CDU-CSU, certains « barons », leaders régionaux ou locaux dominants au Bundesrat, Chambre haute du parlement, n'ont pas toujours facilité le travail d'Angela Merkel, critiquant ses choix de campagne ou remettant en cause ouvertement les personnalités dont elle avait choisi de s'entourer.

Le fait d'être une femme a sans doute également privé Angela Merkel de certaines voix qui ont pu se reporter sur le Parti libéral-démocrate qui retrouve le rôle de « faiseur de rois » qui a si longtemps été le sien. Recueillant 9,8% des suffrages, la formation libérale obtient l'un des meilleurs scores de son histoire. Son président, Guido Westerwelle, peut s'enorgueillir de ce résultat qui met un terme à la grave crise interne qu'a traversé sa formation après les précédentes élections législatives du 22 septembre 2002 qui avaient vu son leader, Jürgen Möllemann, démissionner avant de se suicider.

Si le chancelier sortant Gerhard Schröder peut considérer avoir gagner le pari, jugé fou par beaucoup d'analystes politiques, qu'il avait fait le 22 mai dernier en convoquant, après la déroute électorale de sa formation aux élections régionales de Rhénanie du Nord-Westphalie, des élections anticipées à la plus grande surprise de l'ensemble de la presse et de la classe politique, son gouvernement « rouge-vert » a été désavoué. Sa formation, avec 34,3% des suffrages, est en recul par rapport au scrutin de septembre 2002 (- 4,3 points). Cependant l'écart avec son principal adversaire, l'Union chrétienne-démocrate, qui la dominait encore de vingt points dans les enquêtes d'opinion de juin dernier, est moindre qu'attendu (0.9%). « Ceux qui avaient prévu un changement à la chancellerie (...) sont désavoués de manière grandiose. Je me sens autorisé à veiller à ce qu'il y ait un gouvernement stable dans notre pays sous ma direction pour les quatre années à venir » a déclaré Gerhard Schröder à l'issue de l'annonce des premiers résultats. Donné largement battu par l'ensemble des enquêtes d'opinion durant toute la campagne, le chancelier sortant a retourné la situation. Il a mis toutes ses forces dans une campagne électorale éclair qui s'est jouée, plus que toute autre, sur les personnalités autant que sur les programmes. Victime de l'usure du pouvoir et de l'impopularité des réformes qu'il a mises en place, le Parti social-démocrate, s'il a beaucoup mieux résisté que prévu, est cependant loin, même avec les voix de ses alliés verts, de la majorité absolue. « Angela Merkel n'obtiendra pas de coalition avec le Parti social-démocrate si elle veut devenir chancelière. A part moi, personne n'est en mesure de former un gouvernement stable J'ai le sentiment de disposer du mandat pour garantir qu'il y aura dans notre pays, au cours des quatre prochaines années, un gouvernement stable sous mon autorité » a affirmé Gerhard Schröder dimanche soir, annonçant que le Parti social-démocrate allait « entamer des discussions avec les autres partis, à l'exception du parti de gauche ». « Et je peux vous dire d'avance aujourd'hui : elles seront couronnées de succès » a-t-il ajouté.

Comme en 2002, les Verts, pourtant membres de la coalition « rouge-verte » au pouvoir depuis sept ans, échappent au vote sanction dont est victime le Parti social-démocrate et se maintiennent à leur niveau d'il y a trois ans. La formation écologiste recueille les fruits de la politique menée par son leader Joschka Fischer, vice-chancelier et ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Gerhard Schröder et, à ce titre, véritable artisan de la récente affirmation de l'Allemagne sur la scène internationale.

Enfin, le Parti de gauche réussit sa percée électorale sans parvenir toutefois à devancer le Parti libéral-démocrate (FDP). La formation protestataire prive même la coalition « rouge-verte » de la victoire puisque l'addition de l'ensemble des voix du Parti social-démocrate, des Verts et du Parti de gauche donne un total de 50,9% des suffrages. Le Parti du socialisme démocratique (PDS) recueille 4% des suffrages et l'Alternative pour le travail et la justice sociale (WASG), 4,7%. Emmenée par Oskar Lafontaine, ancien ministre des Finances, ancien président du Parti social-démocrate, opposant notoire au chancelier Gerhard Schröder, et par Gregor Gysi, ancien leader du Parti du socialisme démocratique, ancien ministre de l'Economie de la ville-Etat de Berlin et homme politique le plus populaire de la partie orientale du pays, la formation a réalisé ses meilleurs résultats dans les Länder de l'Est (près de 26%) tandis qu'à l'Ouest, 4,7% des électeurs lui ont accordé leur confiance.

Le PDS qui jouait sa survie a donc gagné son pari. Quant à l'Alternative pour le travail et la justice sociale, formation sans appareil ni assise partisane, elle s'impose comme une véritable force politique. « L'aventure valait le coup. Il y a une gauche forte au Parlement allemand. Nous sommes très heureux que notre projet ait gagné » s'est réjoui Oskar Lafontaine dimanche soir. L'avenir des deux formations, qui déclarent vouloir fonder un véritable parti commun dans les prochains mois, dépendra beaucoup de la coalition gouvernementale qui se mettra en place à l'issue de ces élections législatives. Si le Parti social-démocrate rejoint l'opposition, il devrait en effet se situer plus à gauche qu'il ne le faisait lorsqu'il était au pouvoir ; en revanche, dans le cas d'une grande coalition CDU/SPD, le Parti de gauche pourrait continuer d'occuper l'espace libre laissé sur la gauche de l'échiquier politique.

A l'issue de ces élections législatives où aucune majorité claire ne se dégage, les possibilités de coalition sont nombreuses. Comme il en a été question durant la campagne électorale au fur et à mesure que se réduisait l'avance de l'Union chrétienne-démocrate sur le Parti social-démocrate, les deux principales formations pourraient former une « grande coalition » dirigée par la formation arrivée en tête du scrutin. Il reviendrait donc à la CDU/CSU de former un gouvernement de coalition et à Angela Merkel de devenir chancelière. Le chancelier allemand a toujours été issu de la formation ayant obtenu le plus grand nombre de sièges au Bundestag.

Plébiscitée par les électeurs, la « grande coalition » est, en revanche, jugée funeste par les milieux d'affaires qui craignent une paralysie de l'Etat au moment où le pays a plus que jamais besoin d'un véritable changement et de profondes réformes.

L'Allemagne a déjà été dirigée par une « grande coalition », sous le gouvernement du chancelier Kurt Georg Kiesinger de 1966 à 1969. A l'époque, celle-ci avait permis un redressement de l'économie mais avait échoué à mettre en œuvre les réformes nécessaires. « Le scénario le plus probable d'une grande coalition exclurait les deux grands gagnants du scrutin, le Parti de gauche et le parti libéral-démocrate (...) Ce n'est pas bon signe pour les problèmes structurels de l'Allemagne » souligne Thomas Straubhaar, directeur de l'institut de recherche HWWA.

Une autre coalition est possible, celle dite du « feu tricolore », à savoir « rouge-jaune-vert » dans laquelle le Parti libéral-démocrate (jaune) déciderait de changer de camp et de rejoindre la coalition « rouge-verte » (SPD-Verts) sortante. Le leader du FDP, Guido Westerwelle, s'oppose pour l'heure à cette éventualité, cette option ayant été rejetée à l'unanimité par le dernier congrès de la formation libérale. « Vous pouvez toujours continuer à rêver » a ainsi déclaré Guido Westerwelle dimanche soir à l'attention de Gerhard Schröder.

Certains évoquent encore la possibilité de voir les Verts rallier les forces libérales et former une coalition avec la CDU-CSU et le FDP.

Les leaders politiques pourraient choisir d'attendre la tenue des élections législatives de la ville de Dresde pour se départager et parvenir à un accord. Le décès le 8 septembre dernier de Kerstin Lorenz, candidate du Parti national démocrate (NPD) à l'élection au suffrage universel direct du député de la circonscription 160 de Dresde, a effectivement contraint les autorités électorales à reporter au 2 octobre l'organisation du scrutin législatif dans cette ville, capitale du Land de Saxe, et qui compte deux cent vingt mille électeurs. Les résultats de Dresde ne devraient pas offrir une majorité à l'Union chrétienne-démocrate et au Parti libéral-démocrate ni permettre à la coalition « rouge-verte » de se maintenir au pouvoir mais ils pourraient cependant permettre de départager les deux principales formations en nombre de sièges au Bundestag. En effet, 3 sièges sont normalement en jeu. A l'heure actuelle, la CDU compterait 225 sièges, le SPD 222.

Si les leaders politiques ne peuvent que prendre note de l'indécision des électeurs, ils doivent également parvenir à la dépasser et à rapidement former une majorité capable de répondre aux espérances de la population qui attend tout d'abord de ses gouvernants une relance de la croissance économique et une réduction du chômage. Ils ont un délai de un mois pour le faire.

résultats des élections législatives allemandes du 18 septembre 2005

Participation : 77.7 %

Source : Ambassade d'Allemagne à Paris

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