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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
Les forces de L'Alliance qui regroupent les quatre formations d'opposition –le Parti du rassemblement modéré (M), le Parti du peuple-Les Libéraux (FpL), le Parti chrétien démocrate (KD) et le Parti du centre (C)- ont remporté une victoire historique aux élections législatives qui se sont tenues en Suède le 17 septembre. Ensemble, ces quatre partis recueillent 48,1% des suffrages et cent soixante dix-huit des trois cent quarante-neuf sièges du Riksdag, Chambre unique du Parlement suédois. Avec 26,1% (97 sièges), le Parti du rassemblement modéré enregistre une hausse spectaculaire de 10,9 points par rapport au précédent scrutin du 15 septembre 2002. Il est suivi du Parti du centre (7,9%, soit 1,7 point de plus que quatre ans auparavant, 29 sièges), du Parti chrétien démocrate (6,6%, en recul de 2,6 points, 24 sièges) et du Parti du peuple-Les Libéraux, qui, avec 7,5% (28 sièges), enregistre également une forte baisse (- 5,9 points) par rapport aux précédentes élections législatives. La formation a certainement pâti du scandale qui a éclaté il y a tout juste deux semaines lorsqu'une plainte du Parti social-démocrate a permis de mettre à jour que Per Jodenius, membre des Jeunes libéraux (section jeunes du Parti du peuple-Les Libéraux), avait utilisé des codes d'accès et des mots de passe volés pour s'introduire soixante dix-huit fois entre novembre 2005 et mars 2006 sur le site internet du Parti social-démocrate
Après douze ans de pouvoir, la formation du Premier ministre Göran Persson, si elle reste, de loin, la première formation du royaume, échoue donc devant l'opposition de droite. Le Parti social-démocrate recueille 35,2% des suffrages et cent trente sièges. Ses alliés, le Parti de gauche (Vp) et les Verts (MP), obtiennent des résultats mitigés : le Parti de gauche est en recul (5,8%, soit 2,6 points de moins qu'il y a quatre ans où il avait déjà subi une baisse de 3,6 points), les Verts, à l'inverse, enregistrent une légère hausse (5,2%, + 0,6 point). Ensemble, les formations de gauche obtiennent 46,2% des voix et cent soixante et onze sièges. Selon le politologue Sören Holmberg, ces élections législatives sont les meilleures pour les forces de droite depuis 1928 et les pires pour les sociaux-démocrates depuis les années vingts.
La participation, légèrement plus élevée que celle du dernier scrutin législatif du 15 septembre 2002 -80,4% (plus 1,3 point)- n'a finalement pas profité aux sociaux-démocrates contrairement à ce qu'avaient déclaré les analystes politiques.
« C'est un travail d'équipe qui a contribué à nous faire gagner. Je veux diriger la Suède comme représentant de tous les Suédois » a déclaré à l'annonce des résultats Fredrik Reinfeldt, le leader de la principale formation d'opposition, le Parti du rassemblement modéré. « Nous avons fait campagne en tant que nouveaux Modérés, nous avons gagné en tant que nouveaux Modérés et avec nos partenaires nous dirigerons la Suède en tant que nouveaux Modérés » a-t-il ajouté.
Le leader de l'opposition a su séduire par sa jeunesse, son charisme et la nouveauté qu'il représente. Il a également su s'imposer comme l'homme qui a fédéré les forces de l'opposition qui se présentaient unies pour la première fois dans l'histoire de la Suède. Fredrik Reinfeldt a su tirer les leçons des précédentes élections législatives du 15 septembre 2002 lors desquelles sa formation avait enregistré son plus mauvais résultat depuis des décennies (15,1% des suffrages, perte d'un tiers de ses électeurs et de 27 sièges au Parlement) en faisant effectuer à sa formation « un virage à 180 degrés » selon les mots de l'analyste politique, Lena Mellin. Sous son leadership, le Parti du rassemblement modéré a abandonné son programme de coupes dans les dépenses sociales et de réductions d'impôts pour prôner la défense de l'Etat providence (appelé ici Folkhemmet, la maison du peuple) auquel les Suédois sont très attachés. Loin de vouloir modifier le modèle suédois en profondeur, Fredrik Reinfeldt se propose désormais de le rendre plus efficace et d'en corriger les abus en incitant les Suédois à travailler. Il propose de diminuer le niveau des impôts sur le revenu pour les plus petits salaires et de réduire les indemnités d'allocation chômage longue durée. Le leader du Parti du rassemblement modéré est également favorable à de nouvelles privatisations.
Enfin, Fredrik Reinfeldt est favorable à l'entrée de la Suède dans l'OTAN, sous réserve toutefois d'un large consensus au sein de la société. Il souhaite également que son pays s'engage plus avant dans l'Union européenne mais ne projette cependant pas d'organiser un nouveau référendum sur son entrée dans l'Union économique et monétaire (UEM) durant les quatre prochaines années.
Agé de quarante et un ans, Fredrik Reinfeldt est titulaire d'un MBA de l'université de Stockholm. Il a adhéré au Parti du rassemblement modéré à l'âge de dix-huit ans, a été élu député une première fois en 1991 à vingt-six ans avant de devenir, l'année suivante, président des jeunes Modérés. Onze ans plus tard, il prend la tête d'une formation sonnée par son échec électoral et qu'il remettra, en trois ans, sur la voie de la réussite. Le leader de l'opposition est marié à Filippa, maire de la ville de Täby, située dans la banlieue nord de la capitale Stockholm, surnommée « Hillary Clinton » par les membres du Parti du rassemblement modéré.
« L'opposition a pour ambition secrète de démanteler le fameux modèle suédois. Ils veulent changer de système. Ils veulent autre chose, qui ressemblerait plus à ce que nous voyons dans le reste de l'Europe. Je ne suis pas impressionné quand je vois le développement dans ces pays. Je veux garder le modèle suédois et la seule garantie pour cela est la victoire sociale-démocrate dimanche» a répété Göran Persson durant les derniers jours de la campagne électorale. Mais les propos du Premier ministre sortant ne sont pas parvenus à effrayer les électeurs dont beaucoup d'entre eux ont sans doute exprimé lors de ce scrutin une certaine lassitude envers le gouvernement social-démocrate. Göran Persson a été victime de l'usure du pouvoir et peut-être également d'avoir nié tout au long de la campagne électorale les problèmes existants dans le pays. Certes, la Suède connaît une forte croissance et affiche de bonnes performances économiques. Elle est l'une des sociétés les plus égalitaires de la planète et ses habitants jouissent d'une qualité de vie élevée. Cependant, le pays n'est pas à l'abri des évolutions socioéconomiques mondiales qui mettent en danger son fameux modèle, mélange réussi de libéralisme et d'Etat providence fort. Les Suédois ont ainsi exprimé, lors de la campagne électorale, des inquiétudes croissantes, notamment quant à l'évolution du marché du travail, inquiétudes que le Premier ministre sortant a bien souvent balayé d'un revers de main. « Nous avons créé un modèle qui assure une bonne croissance économique et, en même temps, une bonne sécurité à ceux qui vivent en marge de la société. Les Suédois pensent depuis soixante dix ans que cela marche bien avec les sociaux-démocrates » a-t-il répété durant des semaines. Göran Persson, surnommé HSB pour « Han som bestämmer » (Celui qui décide tout seul), s'est également vu reprocher son autoritarisme, son arrogance et le fait qu'il a tendance à concentrer l'ensemble des pouvoirs entre ses mains. « Ce n'est pas le mouvement des travailleurs qui a gouverné la Suède au cours de la décennie écoulée mais un seul homme » pouvait-on ainsi lire dans le plus grand quotidien suédois, le Dagens Nyheter, à la veille des élections législatives. Le leader social-démocrate a reconnu sa défaite dès l'annonce officielle des résultats et annoncé qu'il quitterait la présidence du parti social-démocrate en mars prochain. « Je prends l'entière responsabilité de cet échec. Je vais remettre ma démission et celle de mon gouvernement au président du Parlement. Ensuite nous allons organiser le travail pour former une opposition puissante et constructive » a-t-il déclaré. « Nous n'accepterons jamais l'alternance de droite. Nous reviendrons. Mais ce come-back se fera sans moi. Merci pour votre confiance pendant ces années fantastiques mais il est juste que ce soit une nouvelle et jeune génération de sociaux-démocrates qui se charge de relever le défi face à la droite. Je ne dirigerai pas cet effort. Quelqu'un d'autre le fera. Vous me manquerez » a conclu Göran Persson.
En choisissant la droite, les Suédois ont mis fin le 17 septembre au plus long règne d'un Parti social-démocrate en Europe (douze ans). Il est également très significatif que cette victoire de l'opposition advienne alors que le pays connaît une croissance économique soutenue. On notera enfin que le leader du Parti du rassemblement modéré, Fredrik Reinfeldt, deviendra d'ici quelques jours le plus jeune Premier ministre que la Suède ait connu.
Résultats des élections législatives du 17 septembre 2006 en suède
Participation : 80,4%

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