Elections législatives en Autriche, le point à une semaine du scrutin

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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25 septembre 2006
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

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Le 1er octobre prochain, les Autrichiens sont appelés aux urnes pour renouveler les 183 députés fédéraux du Nationalrat, Chambre basse du Parlement. Ce scrutin, auquel sept formations politiques ont été autorisées à participer, est le deuxième depuis que le Chancelier Wolfgang Schüssel (Parti populaire, ÖVP) a provoqué une crise au sein de l'Union européenne en s'associant, en février 2000, avec le Parti libéral (FPÖ) dirigé par Jörg Haider. Le pays avait alors été mis en quarantaine durant quelques mois par l'Union européenne avant que celle-ci n'abandonne des sanctions finalement improductives. Les dernières élections législatives du 24 novembre 2002 avaient a posteriori justifié la stratégie du Chancelier puisque le Parti libéral y avait enregistré un net recul, passant de 27,22% en 1999 à 10,16% en 2002.

Wolfgang Schüssel a débuté sa campagne électorale à Graz, deuxième ville du pays et capitale du Land de Styrie, en se montrant confiant quant à l'issue de la bataille du 1er octobre prochain. Il a mis en avant les bons résultats économiques obtenus par son gouvernement : taux de croissance du PIB qui pourrait atteindre les 3% en 2006 et taux de chômage en baisse à 4,6%. « Nous avons même dépassé les Américains en croissance » s'est réjoui le Chancelier qui s'est engagé à continuer sur cette voie. Il a affirmé que le chômage des jeunes constituerait, en cas de victoire, une priorité de son gouvernement. Pour lutter contre ce fléau, il envisage de signer avec le président de la Chambre économique, Christoph Leitl, un pacte par lequel il s'engagera à trouver un emploi à chaque jeune dans les trois mois.

Le Chancelier s'est trouvé, fin août, au cœur d'un mini-scandale lorsque la presse a dévoilé qu'il avait eu recours, comme d'ailleurs le Président de la République Heinz Fischer, aux services d'une infirmière en situation illégale pour s'occuper de sa belle-mère, décédée depuis lors. Wolfgang Schüssel a nié avoir commis un acte illégal expliquant qu'il n'avait pas été informé de la situation de l'infirmière. Environ 40 000 personnes, le plus souvent des jeunes femmes venues de République tchèque et de Slovaquie, travaillent en Autriche comme infirmières et auxiliaires de soins, principalement pour les personnes âgées dont les services publics, débordés, ne peuvent s'occuper. Le nombre de personnes âgées nécessitant une assistance a en effet doublé en quinze ans dans le pays et s'élève à 600 000. Selon les projections, ce chiffre devrait encore doubler dans les vingt prochaines années. Ces infirmières sont appelés les « anges de l'Est » par les Autrichiens.

Wolfgang Schüssel a, par la suite, déclaré que les restrictions à la libre circulation et au travail concernant les travailleurs venus des Etats d'Europe centrale et orientale devraient être levés pour les infirmières en gériatrie. « Sans ces quelque 40 000 aides étrangères travaillant illégalement en Autriche, rien ne peut aller à court terme » a déclaré le ministre de l'Economie et du Travail, Martin Bartenstein (ÖVP), qui a demandé l'arrêt des poursuites contre le Chancelier et le Président de la République.

Côté opposition, si le leader du Parti social-démocrate (SPÖ), Alfred Gusenbauer, a reconnu que « l'Autriche ne va pas si mal » et « est un pays riche », il a, dans le même temps, affirmé que le nombre de personnes profitant de cette richesse va en s'amoindrissant : « Il n'y a pas eu d'augmentation réelle des revenus salariaux depuis dix ans » a-t-il déclaré. Il a souligné que le chômage des jeunes avait doublé sous le gouvernement du Chancelier Schüssel et décidé de faire de ce thème l'un des points majeurs de sa campagne.

Alfred Gusenbauer a également accusé ses adversaires de populisme, leur reprochant leur alliance de longue date avec l'extrême droite. Le Parti social-démocrate a récemment scellé une alliance électorale avec le Forum libéral (LIF) en vue des élections législatives du 1er octobre prochain. Alexander Zach, le leader de la « petite » formation centriste, a comparé cette union à celle, victorieuse, réalisée par Romano Prodi, entre plusieurs partis italiens de gauche et du centre. Néanmoins, le politologue Peter Filzmaier considère que cette alliance constitue un pari risqué qui peut attirer certains électeurs mais en éloigner d'autres qui pourraient reprocher aux sociaux-démocrates de s'unir à une formation libérale. A l'inverse, Wolfgang Bachmayer de l'institut d'opinion OGM et le politologue Günther Ogris estiment que cette union permet au Parti social-démocrate de se donner une image moderne.

Les Verts continuent de s'en prendre aux deux formations majoritaires, les accusant de mener une campagne électorale éloignée de l'esprit d'un combat politique. La formation écologiste se dit prête à participer au futur gouvernement, sous certaines conditions. Elle demande, par exemple, l'annulation de l'achat des avions de combat fabriqués par EADS (Eurofighter). Les Verts, qui contrairement aux deux principaux partis ne proposent pas de baisses d'impôts, font des investissements dans le secteur de l'éducation leur priorité pour la prochaine législature. L'abandon du contrat Eurofighter permettrait de réaliser des économies budgétaires nécessaires à ces nouveaux investissements. Les Verts demandent la suspension des droits d'inscription universitaires et refusent de participer à un gouvernement dans lequel siègerait l'actuelle ministre de l'Education, Elisabeth Gehrer (ÖVP) dont ils qualifient la politique de « désastreuse ». Enfin, les écologistes souhaitent mettre fin d'ici 2050 à la dépendance de l'Autriche aux énergies fossiles et, pour ce faire, proposent un programme de développement des énergies alternatives et l'élaboration d'un plan pour accompagner le nécessaire changement des habitudes énergétiques dans les prochaines années.

Le Parti libéral a gagné une bataille sur l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche (BZÖ) en étant désignée comme troisième formation politique sur la liste de celles concourrant pour les élections législatives. L'Alliance pour l'avenir de l'Autriche occupera la cinquième place derrière le Parti des verts. La formation, dirigée par Peter Westenthaler, a cependant été autorisée à se présenter, comme elle le souhaitait, sous l'étiquette « Les Libéraux, Liste Westenthaler, Alliance pour l'avenir de l'Autriche ».

Le leader du Parti communiste (KPÖ), Mirko Messner, se déclare confiant sur les futurs résultats de sa formation, notamment en Styrie, où les communistes ont réalisé une première nationale en entrant dans la Diète lors des élections régionales du 2 octobre 2005. Le n°1 de la liste du KPÖ n'a pas caché sa déception qu'Ernest Kaltenegger, le populaire leader du Parti communiste de Styrie, ait refusé de conduire la liste pour les prochaines élections législatives. Le dernier député du Parti communiste a été élu au Conseil national en 1959.

Enfin, comme il l'avait fait au cours de sa campagne pour les élections européennes du 13 juin 2004, Hans-Peter Martin, leader de la Liste des Citoyens pour la démocratie, les contrôles et la justice, entend dénoncer les abus et les gaspillages dont se rendent coupables les politiques et d'assainir la vie politique au Nationalrat.

Au printemps dernier, l'implication de la Bawag, quatrième banque d'Autriche et propriété exclusive des syndicats autrichiens, dans des affaires de corruption, de malversations financières et de spéculations illicites avait été à l'origine d'un scandale national et plongé le Parti social-démocrate, très lié aux syndicats et qui figurait à cette époque en tête des enquêtes d'opinion, dans une crise profonde. La principale formation d'opposition, devancée depuis par le Parti populaire, peine depuis lors à imposer son agenda, le scandale de la Bawag n'ayant jamais quitté la scène politique.

A une semaine des élections législatives, les dernières enquêtes d'opinion donnent toujours le Parti populaire (ÖVP) du Chancelier Wolfgang Schüssel victorieux le 1er octobre prochain. L'ÖVP recueillerait 39% des suffrages contre 34% au SPÖ. Les Verts sont crédités de 11% des voix, le Parti libéral de 8%, la Liste des Citoyens pour la démocratie, les contrôles et la justice de 4% et l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche de 3%.

Par ailleurs, le Chancelier Wolfgang Schüssel bénéficie, dans les sondages, d'une plus forte popularité que son adversaire : 38% d'opinions positives contre 26% pour Alfred Gusenbauer.

Très probable vainqueur, Wolfgang Schüssel pourrait cependant avoir des difficultés à former une coalition gouvernementale, en raison d'un possible éclatement des votes. Les enquêtes d'opinion estiment à environ 20% la partie de l'électorat qui serait tentée par un vote protestataire et pourrait se prononcer en faveur des listes des deux formations d'extrême droite ou de celle conduite par Hans Peter Martin, voire du Parti communiste. Quant aux Verts, les conditions élevées qu'ils posent pour une éventuelle entrée au gouvernement pourraient bien rendre finalement impossible toute alliance gouvernementale des écologistes avec le Parti populaire comme d'ailleurs avec le Parti social-démocrate. Selon les sondages, environ la moitié des électeurs s'apprêteraient à voter le 1er octobre prochain pour un parti différent de celui auquel ils avaient accordé leur voix lors du dernier scrutin législatif du 24 novembre 2002.

De nombreux analystes politiques parient sur une reconduction de l'alliance gouvernementale unissant le Parti populaire à l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche. Il y a quelques semaines, le Chancelier Wolfgang Schüssel déclarait dans le Salzburger Nachrichten : « Si les électeurs votent en ma faveur et si les négociations débouchent sur un accord, Peter Westenthaler pourrait être vice-Chancelier ». Le Chancelier a affirmé que l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche avait été revigorée par la nomination de Peter Westenthaler à sa tête. « Ensemble, avec les ministres Hubert Gorbach, Ursula Haubner et Karin Gastinger et le chef de leur groupe parlementaire Herbert Scheibner, ils disposent d'une équipe politique attractive » a t-il affirmé, ajoutant cependant que ses déclarations n'étaient « aucunement la promesse que nous formerons une coalition ». De son côté, le très populaire maire de la capitale Vienne, Michael Häupl (SPÖ), a déclaré ne pas croire à la victoire de sa formation. « La coalition la plus probable est une coalition noire-verte, soit entre le Parti populaire et les Verts » a-t-il affirmé le 19 septembre dernier. Enfin, une grande coalition ÖVP-SPÖ ne peut être écartée, le partage du pouvoir faisant partie des traditions politiques autrichiennes.

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