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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Corinne Deloy
Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Fondation Robert Schuman
A la surprise générale, le Parti social-démocrate (SPÖ) est arrivé en tête des élections législatives qui se sont déroulées en Autriche le 1er octobre. Il recueille 35,71% des suffrages, soit 1,2 point de moins que lors du dernier scrutin législatif du 24 novembre 2002, et remporte 68 sièges (-1). Il précède le Parti populaire (ÖVP) du chancelier Wolfgang Schüssel, au pouvoir depuis six ans, qui obtient 34,22% des voix, soit 8 points de moins qu'en 2002, et 66 sièges (-13). Il s'impose dans cinq des neuf Länder que compte le pays, notamment à l'Est, tandis que le Parti populaire est majoritaire dans quatre régions, dont les trois situées le plus à l'Ouest. Ces résultats vont à l'encontre de ce que pronostiquaient l'ensemble des dernières enquêtes d'opinion.
L'issue du scrutin était d'autant plus difficile à prévoir que la campagne électorale a été perturbée par le scandale de la Bawag (la quatrième banque du pays, propriété exclusive de la Fédération des syndicats (ÖGB), partenaire du SPÖ, est accusée de corruption, malversations financières et spéculations illicites) qui a relégué de nombreuses questions socioéconomiques comme la lutte contre le chômage ou les retraites au second plan. En outre, la division des forces d'extrême droite et la création par Jörg Haider de l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche (BZÖ) le 4 avril 2005 a entraîné une recomposition de la scène politique peu aisée à anticiper.
L'ancienne formation de Jörg Haider, le Parti libéral (FPÖ), emmené par Heinz-Christian Strache, reste la troisième formation du pays. Elle recueille 11,21% des suffrages et remporte 21 sièges. Elle est suivie des Verts qui obtiennent le meilleur résultat de leur histoire avec 10,49% des voix (+1,4 point par rapport à 2002) et 20 sièges (+4) et de l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche (BZÖ), dirigé par Peter Westenthaler, qui, avec 4,2% (8 sièges) passerait in extremis le seuil des 4% de suffrages indispensables pour être représenté au Parlement.
Avec 17% des suffrages, les Verts arrivent en troisième position à Vienne ainsi que dans le Land du Vorarlberg (15,6%). La formation dirigée par Peter Westenthaler obtient son meilleur résultat en Carinthie, Land de son fondateur Jörg Haider, où elle recueille 25,4% des voix. Les deux formations d'extrême droite recueillent donc ensemble 15,3% des suffrages, soit 5 points de plus que le score du Parti libéral il y a quatre ans.
Le député européen Hans-Peter Martin n'est pas parvenu à réitérer son succès des élections européennes du 13 juin 2004. Sa Liste des Citoyens pour la démocratie, les contrôles et la justice n'obtient que 2,83% des suffrages. Le « Monsieur Propre » du Parlement européen qui, quelques jours avant les élections, avait été mis en cause par un rapport de l'Office de lutte anti-fraude de l'Union européenne (OLAF) pour avoir perçu des indemnités indues d'un montant de 190 000 euro, échoue à entrer au Nationalrat. Enfin, le Parti communiste (KPÖ) obtient 1,01% des voix.
La participation, inférieure de 6,28 points à celle des dernières élections législatives du 24 novembre 2002, est la plus faible jamais enregistrée depuis la Seconde Guerre mondiale. Elle s'est élevée à 74,2%.
Le résultat définitif du scrutin ne sera cependant connu que le 9 octobre après le dépouillement des 400 000 bulletins des personnes ayant voté par procuration, à distance ou par mail ou des Autrichiens résidant à l'étranger.
« Je n'ai jamais abandonné espoir. J'ai toujours dit qu'il y aurait une surprise dimanche. Les électeurs ont marqué un besoin de changement» a déclaré le leader social-démocrate Alfred Gusenbauer après l'annonce des résultats. « Le gouvernement a été démis par les électeurs. Nous sommes devant. On nous avait déjà déclarés perdants mais les gens ont une nouvelle fois cru en nous » a triomphé le secrétaire général du SPÖ, Norbert Darabos.
Alors qu'il paraissait englué dans le scandale de la banque Bawag, le Parti social-démocrate est donc parvenu à convaincre les Autrichiens qu'il pouvait incarner une alternative crédible à la politique menée par le Chancelier Wolfgang Schüssel, notamment dans le domaine de l'éducation et en matière de lutte contre le chômage. Son leader, Alfred Gusenbauer, avait arpenté le pays en critiquant le bilan social de la coalition gouvernementale en place, productrice d'inégalités au sein de la population, et en faisant du chômage des jeunes l'un des thèmes majeurs de sa campagne. « Les gens en Autriche pensent que oui, nous sommes un pays riche et aisé mais que les richesses ne sont pas distribuées assez équitablement et qu'une correction est nécessaire. Le peuple autrichien souhaite plus d'équité et plus de justice. Nous n'allons pas le décevoir» a-t-il.
Agé de 46 ans, Alfred Gusenbauer, issu d'un milieu modeste, est docteur en science politique. Très tôt engagé en politique, il est à 17 ans responsable des jeunesses socialistes. Très proche du Chancelier Bruno Kreisky (1911-1990) « Nous avions un rapport de père à fils. D'un côté c'était un modèle, de l'autre nous avions des conflits » a-t-il déclaré à propos de l'ancien Chancelier, il devient, en 1989, vice-président de l'internationale socialiste alors présidée par Willy Brandt. Il sera sénateur puis député au cours des années quatre vingt dix avant de prendre, en 2000, la tête du Parti social-démocrate après la démission de Viktor Klima. Après un premier échec aux élections législatives du 24 novembre 2002 qui reconduisent Wolfgang Schüssel à la tête du gouvernement, Alfred Gusenbauer occupera donc le fauteuil que son « maître » Bruno Kreisky a occupé pas moins de treize ans (1970-1983).
Se déclarant « sans amertume » mais exprimant néanmoins sa « vive déception », le Chancelier Wolfgang Schüssel a reconnu sa défaite et félicité l'opposition pour sa victoire électorale. « Examinons les choses les unes après les autres. La première est de se demander qui a remporté les élections, et il s'agit probablement d'Alfred Gusenbauer. Nous sommes un pays démocratique et je le félicite de tout coeur» a-t-il affirmé à la télévision. Quant au secrétaire général du Parti populaire, Reinhold Lopatka, il a reconnu que sa formation avait subi une « une sévère défaite». Le Parti populaire, qui a fait campagne sur son bon bilan économique (taux de croissance de 3,2% en septembre et taux de chômage de 4,8%) et en s'appuyant fortement sur la popularité de son leader, enregistre un fort recul qui va à rebours de l'ensemble des prévision des enquêtes d'opinion. Les experts électoraux de l'ÖVP ont imputé leur défaite à la faible participation des électeurs et à la multiplicité des formations protestataires.
Le Chancelier Wolfgang Schüssel, qui avait provoqué une crise au sein de l'Union européenne en s'associant, en février 2000, avec le Parti libéral (FPÖ) dirigé par Jörg Haider avant de voir sa stratégie justifiée par l'effondrement de cette même formation aux dernières élections législatives du 24 novembre 2002, est victime de son échec à contrôler l'extrême droite.
Le leader du SPÖ, Alfred Gusenbauer, devrait être prochainement chargé par le Président de la République, Heinz Fischer, d'ouvrir des négociations en vue de former la prochaine coalition gouvernementale. Ces tractations devraient prendre plusieurs semaines. Le politologue Peter Ulram a tenu à rappeler l'importance des 400 000 bulletins restant à dépouiller. En effet, après le décompte de ces suffrages, « il se peut que l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche n'atteigne pas les 4% nécessaires pour entrer au Parlement, dans ce cas les sociaux-démocrates et les Verts disposeront d'une majorité absolue » a-t-il souligné. « En cas d'entrée au Parlement du BZÖ, une "grande coalition" entre les sociaux démocrates et les conservateurs, dirigée par Alfred Gusenbauer, serait la "seule" option possible » a déclaré Peter Ulram, qui exclut « pour des raisons de conflit de personnes » une alliance du Parti populaire avec les deux formations d'extrême droite.
De son côté, le secrétaire général du SPÖ, Norbert Darabos, a déclaré que son parti était prêt à mener des négociations tant avec le Parti populaire -en vue de former une « grande coalition »- qu'avec les Verts. Enfin, Alfred Gusenbauer a tenu à souligner que l'ÖVP et les Verts étaient des « partenaires potentiels », ajoutant « Plus vite un nouveau gouvernement sera formé, meilleur ce sera pour l'Autriche ». Selon les enquêtes d'opinion, la grande majorité des Autrichiens seraient favorables à la formation d'une « grande coalition ». Ensemble, le Parti populaire et le Parti social-démocrate ont déjà gouverné le pays entre 1947 et 1966 ainsi qu'entre 1987 et 2000.
Résultats des élections législatives du 1er octobre 2006 en autriche
Participation : 74,2%

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