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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
Le 6 juin prochain, les 100 membres de la Saiema, Chambre unique du Parlement, se réuniront pour élire le successeur de Vaira Vike-Freiberga à la Présidence de la République. Ce scrutin présidentiel intervient dans une période politique troublée en Lettonie. En effet, le 10 mars dernier, la Présidente de la République, s'appuyant sur l'article 72 de la Constitution, a refusé de signer deux lois sur la sécurité nationale votées par le Parlement. Celles-ci, adoptées, selon elle, sans débat préalable et en toute hâte (le gouvernement prétextant de « l'urgence » de la situation), risquent de déséquilibrer les pouvoirs. Ces deux lois subordonnent la sécurité nationale au contrôle politique du Premier ministre, accroissant le droit de regard et d'intervention des hommes politiques dans les services de sécurité et d'agence de sécurité nationale, lui permettant ainsi de surveiller d'autres services spéciaux. Vaira Vike-Freiberga a clairement fait savoir que ces lois sont la porte ouverte à des « manipulations politiques » et qu'elles accroissent le risque « d'investigations qui seraient menées par des oligarques ». La Présidente de la République a répété que les agences de sécurité nationale devaient absolument être indépendantes
Selon la Constitution, le refus de la Chef de l'Etat a entraîné l'organisation d'une campagne de collecte de signatures pour appeler à l'organisation d'un référendum sur ces deux lois. Pour que celui-ci soit organisé, la pétition nationale devait être signée par au moins 10% des inscrits sur les listes électorales lors des élections législatives du 7 octobre dernier un quart, soit environ 143 300 personnes, entre le 3 avril et le 2 mai. Environ 215 000 personnes ayant apposé leur signature, soit 15% des inscrits, le référendum aura lieu et se déroulera, ironie du sort, le 7 juillet prochain, soit le jour même de l'expiration du mandat présidentiel de Vaira Vike-Freiberga.
La fonction présidentielle
La Présidence de la République est un poste essentiellement honorifique en Lettonie. Le Chef de l'Etat est élu pour un mandat de 4 ans à la majorité absolue des 100 membres de la Saeima qui votent à bulletins secrets. Le Président de la République représente l'Etat au niveau international, il ratifie les traités internationaux, nomme les représentants diplomatiques du pays et accrédite les représentants diplomatiques étrangers. Il est le chef des forces armées du pays, dirige le Conseil national de sécurité et possède le droit d'amnistie.
Le Chef de l'Etat peut proposer des lois, ainsi qu'un référendum sur la dissolution de la Saeima. Si lors de la consultation populaire, la majorité des électeurs se prononcent pour la dissolution, la Saeima est considérée comme dissoute et de nouvelles élections législatives sont organisées dans les deux mois qui suivent la dissolution. En revanche, si plus de la moitié des électeurs se prononcent contre la dissolution, le Président de la République doit démissionner de ses fonctions et la Saeima élit son successeur pour la durée du mandat du président présidentiel restant à courir. A la demande d'au moins la moitié des députés, le Président de la République peut être destitué par la Saeima lors d'une séance à huis clos et à la majorité des deux tiers au moins de ses membres. Dans ce cas, la Saeima élit immédiatement un nouveau Président de la République.
Le mandat de Président de la République est renouvelable une fois. Le poste est accessible à tout Letton âgé d'au moins 40 ans. Les candidats doivent se déclarer au moins 45 jours avant l'expiration du mandat du Chef de l'Etat en exercice.
Le bilan de huit années de Présidence de Vaira Vike-Freiberga
Agée de 69 ans, Vaira Vike-Freiberga termine brillamment son deuxième mandat à la tête de la Lettonie. Née dans la capitale Riga en 1937, la Présidente de la République quitte le pays avec ses parents alors qu'elle n'a que 7 ans. Elle vivra en Allemagne et au Maroc avant de rejoindre le Canada où elle enseignera la psychologie de 1965 à 1998 à l'université de Montréal. Durant ses années d'exil, Vaira Vike-Freiberga effectue de nombreux travaux de recherche sur les Dainas, chansons traditionnelles lettones. Polyglotte, la Présidente parle, outre le letton, quatre autres langues : le français, l'anglais, l'allemand et l'espagnol. Elle revient dans son pays natal en 1998 pour diriger l'Institut de Lettonie, organisation visant à promouvoir le pays dans le monde. Elue à la Présidence de la République une première fois le 17 juin 1999 (elle avait dû pour cela renoncer à sa nationalité canadienne, la Constitution n'autorisant pas le Chef de l'Etat à posséder une double nationalité), elle devient la première femme à exercer cette fonction en Europe orientale. Depuis sa première élection, Vaira Vike-Freiberga a toujours figuré parmi les personnalités politiques les plus appréciées de ses compatriotes, recueillant entre 70% et 85% d'opinions positives. La Présidente de la République s'est également toujours déclarée en faveur d'une élection au suffrage universel direct du Chef de l'Etat en lieu et place de l'élection par le Parlement, une idée à laquelle une majorité de Lettons sont également favorables selon les enquêtes d'opinion.
Très active en matière de relations internationales et à l'ONU, elle a consacré beaucoup de son énergie à obtenir l'adhésion de son pays au sein de l'OTAN et de l'Union européenne que la Lettonie a rejoint le 1er mai 2004. Elle a également toujours réclamé que la Russie reconnaisse l'occupation des Etats baltes par les troupes soviétiques et su jouer sur le plan interne, un rôle moral et modérateur bien supérieur à ses prérogatives juridiques.
Vaira Vike-Freiberga avait annoncé, le 15 septembre dernier, sa candidature au poste de Secrétaire général des Nations Unies. Mais le Conseil de Sécurité avait par avance choisi de désigner un Asiatique. La Présidente de la République a cependant eu l'honneur de voir son pays choisi pour accueillir les 28 et 29 novembre 2006 le sommet de l'OTAN. Lors d'une récente intervention, Vaira Vike-Freiberga a rappelé l'importance de la préservation de l'identité de la Lettonie, le combat de toute sa vie. Elle a acquis en 2 mandats une réputation internationale incontestée par sa hauteur de vues et son courage. Elle a donné à la Lettonie une visibilité et une reconnaissance inespérées et entretient des relations suivies avec toutes les grandes personnalités de la scène mondiale.
Les candidats
Quatre personnalités sont à ce jour candidates à la fonction présidentielle :
- Sandra Kalniete, 54 ans, née en Sibérie où sa famille avait été déportée par les autorités soviétiques (elle a raconté son enfance dans son livre En escarpins dans les neiges de Sibérie, éditions des Syrtes). En 1989, elle est à la tête de l'union des écrivains, l'une des personnalités les plus marquantes de la révolution lettone et du retour à l'indépendance. Diplomate, elle a d'abord été adjointe du ministre des Affaires étrangères de 1990 à 1993, puis ambassadeur de son pays auprès des Nations unies à Genève (1993-1997), en France (1997-2002) et auprès de l'UNESCO (2000-2002). En 2002, elle devient ministre des Affaires étrangères du gouvernement dirigée par Einars Repse (Nouvelle ère, JL). Personnalité très populaire et de grande ampleur, Sandra Kalniete est très connue hors des frontières de Lettonie où elle dispose d'un grand crédit. Membre de la Convention sur l'avenir de l'Europe chargée de rédiger le traité établissant une Constitution pour l'Europe, elle sera Commissaire européenne de mai à novembre 2004 dans la Commission dirigée par Romano Prodi. Députée, elle est la candidate de la principale formation d'opposition, Nouvelle ère (JL), mais paraît susceptible de rassembler plus largement.
- Dainis Ivans, candidat du Parti social-démocrate des travailleurs (LSDSP). Actuel membre du conseil municipal de Riga, il a été en 1986 l'initiateur d'une campagne de presse pour la préservation de la vallée de la Dagauva avant d'être élu deux ans plus tard président du Front populaire (LTF).
- Maris Riekstins, actuel conseiller du Premier ministre Aigars Kalvitis (Parti du peuple, TP), est le candidat du Parti du peuple dont il est devenu membre. Le 27 avril dernier, 68 délégués du parti ont voté en faveur de sa candidature, contre 30 qui ont soutenu le ministre du Développement régional et des Affaires municipales, Aigars Stokenbergs (TP). Maris Riekstins possède une solide expérience internationale, il a été ambassadeur aux Etats-Unis et au Mexique et a travaillé 10 ans comme secrétaire d'Etat au ministère des Affaires étrangères.
- Karina Petersone, 53 ans, vice-présidente de la Saiema et actuelle ministre de la Culture. Ancienne directrice de la Fondation pour la Bibliothèque nationale, Karina Petersone est la candidate de Premier de Lettonie (LPP) et de Voie lettone (LC).
L'Union pour la patrie et la liberté (TB/LNNK) s'est déclaré en faveur d'un candidat désigné par la coalition gouvernementale. Si les partis ne parviennent pas à s'accorder, elle a indiqué qu'elle désignerait son candidat le 19 mai prochain. Ainars Slesers, leader de Premier de Lettonie, a également affirmé, le 12 mai dernier, être favorable à ce que les formations du gouvernement présentent à cette élection présidentielle un candidat commun qui soit au-dessus des partis. Côté opposition, Pour les droits de l'homme dans une Lettonie unie (PVTCL) ne présente pas de candidat, mais soutiendra la personnalité qu'elle jugera la plus neutre.
Les premiers tours de l'élection présidentielle sont le plus souvent l'occasion de mesurer les forces en présence et les rapports de force entre les différentes formations du Parlement. Beaucoup d'analystes politiques considèrent que les choses sérieuses ne commencent qu'après un ou deux tours de scrutin. « Cette fois-ci, l'élection présidentielle va être longue et difficile, beaucoup plus que les précédentes. La situation est difficile à cause des relations internes entre les formations politiques comme de la popularité et de la notoriété de l'actuelle Chef de l'Etat » déclaré le professeur de science politique à l'université de Lettonie, Andris Runcis, qui affirme que ce scrutin présidentiel est l'un des plus excitants depuis le retour du pays à l'indépendance. « Quand Vaira Vike-Freiberga a été élue en 1999, elle s'est imposée en fin de course, comme un compromis de dernière minute. Qui sait qui sera le candidat de la dernière minute cette fois-ci ? » indique t-il.
Le Premier ministre Aigras Kalvitis a déclaré souhaiter un Président de la République tourné vers l'international. Pour sa part, l'actuelle Chef de l'Etat Vaira Vike-Freiberga a indiqué que le Président de la République ne devait être lié à aucune formation politique.
Le mandat de Vaira Vike-Freiberga à la tête de l'Etat expire le 7 juillet prochain.
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